Les mauritaniens désertent Aqmi:
Quelle signification?
Ahmed Ould Weiss
(photo) le jeune mauritanien qui a fui les camps d’Al
Qaida au Maghreb islamique (Aqmi)
au nord-Mali pour
se rendre le 2 novembre aux autorités mauritaniennes s’est exprimé
la soirée du 16 novembre dans le journal télévisé de 20 heures.
Habillé en boubou le teint bronzé par le soleil, la barbe
allégée, Ould
Weiss a paru
quelque peu confiant annonçant qu’il avait été poussé à
rejoindre un terrain du jihad mais qu’il s’est rendu compte
qu’Aqmi
faisait des choses contraires à la religion.
Il s’exprimait
probablement chez lui ou dans l’une des résidences des services de
sécurité devant des journalistes des medias publics, les seuls, à
avoir eu l’exclusivité, sans pour autant donner à l’événement
sa signification.
Avec cette reddition suivie
quelques jours après, par celle de 5 autres mauritaniens encore «en
débriefing»
dit-on, la Mauritanie
engrange les
résultats de sa politique anti-terroriste qui allie à la pression
militaire sur le terrain, une approche nouvelle, basée sur le
dialogue et la persuasion.
C’est dans ce cadre que
s’inscrivent l’extinction des poursuites prévues dans une
nouvelle loi contre les islamistes armés qui se rendent avant leur
arrestation de la quelle a bénéficié Ould
Weiss ainsi que
les grâces présidentielles accordées jusqu’ici à 52 détenus
qui ont exprimé leur repentir et leur volonté de ré-épouser
l’islam malékite modéré en vigueur en Mauritanie.
«J’ai
été poussé par des jeunes à rejoindre un terrain du jihad et
j’étais parti content de le faire, comme doit l’être tout
musulman.» a dit
Ould Weiss
-sur un ton très sincère- pour justifier son départ début 2009
vers les camps Aqmi
dans le contexte
de la sanglante offensive lancée par Israël
contre
Gaza.
Mais
dans les camps d’Aqmi,
Ould Weiss dit
s’être aperçu qu’il n’est pas sur un terrain du jihad :
«Allah a fait que je
parte rejoindre un groupe au sein duquel j’ai constaté que ce que
l’on m’a dit n’est pas vrai».
Et de poursuivre : «J’étais
inquiet de l’idée de combattre ou d’orienter mon arme contre des
musulmans. Je voyais se passer des choses qui ne correspondent pas à
mes convictions religieuses».
Quelles sont ces «choses»
qui auront révolté Ould
Weiss ? La
discrimination faite aux mauritaniens d’Aqmi
souvent relégués
au second plan et utilisés comme chair à canon ? L’attaque de
Tilwa ?
La liquidation de l’otage anglais
Edwin Dyer ? Les
prises d’otages ? Les choix répétés de mauritaniens pour des
opérations Kamikaze ? L’attaque de Tin
Zouatine, on ne
le saura !
Mais en plus de sa déception, d’autres facteurs
auront également contribué à la reddition de Ould
Weiss : « J’ai
décidé de revenir suite au dialogue établi entre des frères et
les groupes dont plusieurs ont été changé d’opinion (…) et
après le discours du président de la République dans lequel il a
déclaré que ceux parmi nous qui reviennent au pays n’auront pas
de problèmes». Et
de souligner : «Cela
m’a encouragé surtout qu’il y a la liberté de la prêche pour
propager l’Islam, en plus de la tolérance».
De retour dans son pays après avoir séjourné un peu moins
de deux ans dans les camps d’Aqmi,
Ould Weiss a
semblé satisfait. Il dit avoir été relâché après avoir été
entendu. «Je me suis
présenté dans un commissariat de police où j’ai décliné mon
identité. Ils m’ont relâché en me disant que je n’ai pas de
problèmes» a-t-il
affirmé dans son entretien accordé à la Télévision
de Mauritanie
Natif de 1979 Ahmed
Ould Weiss qui
venait du nord-Mali
s’est rendu le
2 novembre à la police de Timbedra
(ville située à
1000 kms à l’est de Nouakchott)
. Il avait rejoint les camps d’Aqmi
début 2009 et a
subi des entraînements sur toutes sortes d’armes et explosifs, au
sein de la Katiba (unité combattante) d’ "Al
Ansar", dirigée
par le Touaregue malien
Abou Abdel Karim.
Sa reddition ainsi que celle de 5 autres mauritaniens constitue un
nouveau coup dur porté à Aqmi,
tout aussi fatal pour elle, que les raids militaires.
Elle
constitue aussi un signal que les mauritaniens d’Aqmi
commencent à la
déserter augurant de l’assèchement de ses sources de recrutement
en Mauritanie. Mais il reste à savoir quelle sera l’attitude
d’Aqmi
vis-à-vis des
mauritaniens qui l’ont fui ou qui ne sont pas encore parvenus à
lui fausser compagnie et que prévoit enfin la Mauritanie
pour ceux qui se
rendent.
Par le passé, les autorités mauritaniennes
s’étaient mal comportées avec un repenti qui avait fui Aqmi
en septembre
2008 ainsi qu’avec un groupe de jeunes (Oumeir-Dahak-Abou
Mouadh) qui
avaient déserté l’ex-Gspc
ancêtre d’Aqmi
en aout 2006,
constatant que l’un des émirs a pactisé avec des trafiquants de
drogue.
Traités de manière différente malgré leur
expérience commune et jetés par la suite en prison certains d’entre
eux ont renoué aprés leur liberation avec le terrorisme et en sont
d’ailleurs morts.
17-11-2010 Isselmou Ould Moustapha
Source : Tahalil
Hebdo (Mauritanie)
Tiré
de www.cridem.org
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