ARTICLE 484 :
"Le
Grand Maghreb contemporain", Qu'est-ce qui rapproche les cinq pays
du Grand Maghreb ? L'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, et
la Tunisie ont certes en commun une langue, l'arabe, et une culture.
Mais pas de marché commun, pas le plus petit début d'intégration
économique. Ils ont en partage le fait d'avoir tous été, à des
degrés divers, la cible d'islamistes combattants, ce qui a eu pour
corollaire de renforcer des régimes autoritaires. Mais ils sont très
différents les uns des autres. Ils ont signé la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948. Mais ne tolèrent guère
la contestation. "La situation n'est pas très florissante",
constate Bruno Callies de Salies, auteur d'un essai sur les cinq
Etats, qui relève "assez peu de points communs".
Observateur attentif, ce professeur à l'Ecole militaire de
spécialisation de l'outre-mer et de l'étranger (Emsome) et à
l'Institut d'économie scientifique et de gestion (Ieseg) s'est
attaché à passer en revue chacun des pays du club des cinq. Courtes
monographies documentées, précises, utiles. Elections, situation
des droits de l'homme, rôle des institutions et de l'armée,
conflits, tout y est. L'exceptionnelle longévité des dirigeants,
aussi : la palme revient à Mouammar Kadhafi, au pouvoir en Libye
depuis 1970, suivi de Zine El-Abidine Ben Ali, président de la
Tunisie depuis 1987, puis d'Abdelaziz Bouteflika, réélu trois fois
à la tête de l'Algérie depuis 1999. Il y a dix ans déjà, au
Maroc, Mohammed VI a pris la succession de son père qui régna
pendant trente-huit ans. Seule la Mauritanie, avec une succession de
coups d'Etat, se distingue, par l'alternance politique plus que par
la forme. Scène mondiale Tous ont pris appui sur la lutte contre les
islamistes, qu'ils ont sévèrement réprimés, pour parvenir ou se
maintenir au pouvoir. C'est, en partie, ce qui permettra au régime
de Mouammar Kadhafi de revenir, au début des années 2000, sur la
scène mondiale, après avoir été mis au ban de la communauté
internationale pour son implication dans des actions terroristes.
C'est l'une des raisons invoquées pour justifier, en août 2008, le
coup d'Etat en Mauritanie du général Mohamed Ould Abdel Aziz,
légitimé par des élections, un an plus tard. C'est l'un des
principaux arguments avancés par le président tunisien. Et c'est
bien sûr ce qui a permis au chef d'Etat algérien d'accéder au
pouvoir, avec pour mission la "réconciliation nationale".
Au nom de cette lutte contre l'islamisme, les Occidentaux fermeront
les yeux sur d'autres aspects politiques visant à réprimer
l'opposition, voire toute contestation et liberté d'expression.
"L'attentat contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001,
écrit M. Callies de Salies, modifie totalement la position de la
Tunisie dans les relations internationales. Le pays apparaît comme
un partenaire important par les succès obtenus dans la lutte contre
l'islamisme, et les Etats occidentaux envoient des responsables qui
manifestent parfois leur admiration en découvrant l'organisation du
système sécuritaire." Partout, les mesures prises,
souligne-t-il, "ont abouti à des sévères atteintes à la
Déclaration universelle des droits de l'homme". L'auteur est
cependant bien en peine de conclure. En témoigne la structure de
l'essai, qui isole l'Algérie, joint la Tunisie et la Libye sous le
label de "régimes autoritaires à l'apparence démocratique"
et mêle la Mauritanie et le Maroc dans un prudent chapitre qui
pourrait s'intituler "progrès et reculs".
Djamal
Benmerad |
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