Ce
que l’on ne dit pas dans la communauté négro-africaine de
Mauritanie : hypocrisie, jalousie et médisance
Date : 29/2/1
Communauté
en question ; ce que l’on ne dit pas dans la communauté
négro-africaine de Mauritanie : hypocrisie, jalousie et médisance,
les vices cachés qui gangrènent une communauté.
Depuis de
nombreuses années, les mêmes ‘‘amers’’ propos sonnent à
nos oreilles. Innombrables, sont les Haal pulaar, Soninké, Wolof,
Bambara qui se plaignent de l’absence de solidarité et de
responsabilité chez les Négro-mauritaniens, de l’hypocrisie
régnant dans leur milieu. Nous remarquons que ce type de
complaintes, nous l’entendons également de la part de Congolais,
Maliens et d’autres communautés du continent africains. Au sein de
ce groupe composé de noirs mauritaniens, nous observons des
comportements incompréhensibles face auxquels nous demeurons
médusés.
Nous sommes toujours surpris d’entendre, en
privé, les lamentations des membres de cette frange de la population
mauritanienne. Nombreux sont, parmi eux, ceux qui se plaignent de la
méchanceté ambiante, de l’hypocrisie généralisée qui
traversent leur « communauté ». Mais il ne faut jamais parler de
cela devant tout le monde. Dans cette entité, rares sont ceux qui
disent ce qu’ils pensent à leurs prochains. La plupart du temps,
tout se dit, s’invente sur l’autre en son absence.
Ce
phénomène existe partout à des degrés différents. La différence
vient du fait que dans de nombreuses sociétés, l’individuation a
pris de plus en plus de place. L’autre est autre. Je ne me sens pas
obligé d’avoir une relation avec lui alors que dans les sociétés
africaines, l’idée de la primauté du groupe résiste encore. Le
devoir de solidarité, les liens avec ses pairs du village sont
encore brandis comme des étendards. Mais le fossé entre la réalité
des choses et les affectations est profond.
Dans de
nombreuses sociétés, on ne se sent pas obligé à l’égard de
nombreuses personnes. La règle n’exige guère de bonjour à son
semblable. On peut plus facilement dire aux personnes ce que l’on
pense et ceci pour diverses causes : indépendance économique,
absence d’obligation d’être lié à l’autre, l’existence de
règles de droits plus ou moins respectées, etc. Dans ces sociétés
le conflit peut aussi être assumé. Cela n’empêche pas
l’hypocrisie. Certaines sociétés occidentales développées sont
réputées plus hypocrites que d’autres. Seulement, les personnes
sont de plus en plus indépendantes les unes vis-à vis des autres.
Elles n’ont donc pas besoin de faire semblant de porter un égard
particulier à leur entourage Elles ne sont guère obligées
d’entretenir des liens avec les membres de leur familles, voisins,
etc.
Au fond d’eux-mêmes, de nombreux Négro-mauritaniens
veulent que leurs semblables échouent, s’ils n’y ont pas
intérêt. Même dans le cas où ils y auraient intérêt, dans les
profondeurs du secret, ils voudraient la place de l’autre qui a «
réussi », particulièrement en termes financiers. La jalousie et la
mesquinerie sont humaines mais tout dépend de la place qu’elles
occupent dans une société. Au-delà de certaines limites, la vie en
collectivité en pâtit. Ainsi, devenez riche, vous serez ‘‘vénérés’’
dans la profitation et la jalousie. Un poète camerounais parle d’une
culture de l’échec collectif. Souvent, dans les rassemblements
des Négro-mauritaniens, le colportage des ragots et la médisance
font florès. Ainsi, les commérages inondent les salons. La jalousie
est devenue la nourriture quotidienne des cœurs. L’attrait de
l’élévation et de la bonté, jadis recherché, est jeté au
rebut. Tout le monde prétend à tout, sans en avoir la moindre
compétence. Chacun veut faire de la politique sans le minimum de
connaissances nécessaires, en s’appuyant sur ses origines
ethniques, tribales, sa caste, ses relations, etc.
Ce climat
qui règne au sein de la communauté négro-mauritanienne est l’une
des causes essentielles de leur domination. Quand une communauté est
divisée et que ses membres ne se respectent pas et se jalousent, il
lui est facile d’être dominée. Quelqu’un nous disait, il y a
quelques jours, à propos de ceux qui font semblant de lutter au sein
du milieu Négro-mauritaniens qu’il y avait de nombreux idiots
malades de la tête. Il était impossible pour lui de trouver une
explication à leurs rivalités. Probablement, il y aurait une
explication mais ce n’est pas l’objet de notre sujet.
Un
nombre incalculable de Négro-mauritaniens sont d’accord pour dire
dans une clameur que les Maures sont responsables de leur piteux
sort. Mais la désignation de l’autre comme étant à l’origine
de ce qui nous arrive est chose facile, preuve de notre propre
lâcheté. En effet, elle nous permet de ne pas prendre en charge
notre responsabilité et destin en main. Comment parler de
l’émancipation d’un peuple alors que l’on agit d’une manière
contraire à tout ce qui pourrait y participer ? Aucun peuple ne peut
se libérer s’il n’est pas uni sur une base minimum, si un nombre
respectable de ses membres ne sent pas concerné par le combat commun
à mener. Aussi étrange que cela puisse paraître, on est surpris
de découvrir la dimension de la duplicité dans ce milieu. Mais
comme la majorité est devenue Thiolo[1], tout passe sans aucun souci
des ravages de l’instant perdu.
Naïvement, à cause des
simulacres, nous ne saisissions guère ce qui ruine cette
collectivité. Mais les eaux ont, depuis, coulé sous les ponts. La
tartuferie qui nourrit ce milieu nous paraissait inimaginable, il y a
peu. En effet, les personnes vous sourient comme si elles étaient
heureuses de vous voir. A l’instant de la rencontre, elles vous
parlent d’un passé qui vous a unis, soudés, de valeurs communes.
Mais dès que vous tournez le dos, les railleries, calomnies,
médisances, dénigrements, souillures, clabaudages, pleuvent. On
fait semblant de vous aimer parce que vous êtes un membre de la même
communauté alors que l’on pense être supérieur à vous, se méfie
de vous, vous jauge, fouine dans votre vie, vous jalouse, invente des
rumeurs dépréciatives de votre personne. Chacun travaille pour que
l’autre échoue. La devise partagée est globalement : tant que ce
n’est pas moi qui réussis, l’autre doit tomber.
Rares
sont les occasions où l’on peut discuter face à face, sans
passion, sensibleries, négation de soi, sans théâtralisation de
l’instant, où l’on peut simplement confronter des idées. Pour
beaucoup, ne pas être d’accord avec quelqu’un dans les idées
signifie être contre lui. Si une personne n’épouse pas vos
pensées, elle est capable chercher à vous détruire par
l’intermédiaire des calomnies, rumeurs des « marabouts
malfaisants ». Ceux-ci connaissent le succès, à Nouakchott, Rosso,
Saint-Louis, Podor, Thilogne, Londres, Toronto, etc.
Il n’y
a point de réel dialogue. Il ne s’agit jamais d’une destruction
qui se fait à visage découvert mais dans l’ombre, y compris chez
le sorcier qui veille dans la nuit opaque et avec un sourire
mystificateur à chaque rencontre.
Dans cet environnement
social et culturel, chacun se fait une fausse idée de l’autre ou
plus précisément, chacun à une idée de l’autre en fonction de
ce qu’il a recueilli auprès des commères, qu’il va raconter,
pour défaire l’autre avec qui nous ne sommes pas d’accord, dont
nous sommes jaloux, que nous ne maîtrisons pas, qui se veut
différent, libre, à des Négro-mauritaniens en France ou au pays, à
des Français qui s’engagent souvent dans des combats avec des
Africains pour des intentions troubles : sentiment d’existence et
de puissance face à des petits nègres, enrôlement idéologique,
etc. Tout ce qui vous émancipe de la coupole communautaire est
source d’ombrage.
Dans la communauté Négro-mauritanienne,
chacun pense bien connaître l’autre tout en étant totalement
ignorant de sa personnalité parce qu’il n’y a pas un véritable
échange, une confrontation, un dévoilement. On ne tient guère
compte de la complexité humaine. On s’arrête à de médiocres
immédiats jugements sur l'autre, car on ne peut pas voir autre chose
à cause de sa propre ignorance. Aussi, chacun ment volontairement
sur l’autre absent pour se sentir exister, se faire une illusoire
position, oublier sa médiocrité, maintenir l’ambiance et le
délire collectif.
« Il faut être toujours ivre. Tout est
là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau
du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut
vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de
vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. » Disait Baudelaire. Mais
puisque le vin est « Haraam » (« مارح
interdit
»), bien que de nombreux Mauritaniens l’ingurgitent en cachette,
la poésie destinée aux désœuvrés et les déséquilibrés mentaux
et la vertu chassée hors de la « communauté », on s’enivre de
vains bavardages.
Quel étrange climat ? Pourquoi y aurait-il
un intérêt intellectuel à traiter de ce sujet ?
La réponse
nous paraît simple. On pourrait nous prendre pour un être amer. Peu
importe ! La vie en collectivité _ et c’est elle qui compte_ est
le résultat de nos pensées, valeurs et actions. Notre situation est
aussi en partie due à notre attitude.
On entend souvent les
Négro-mauritaniens se plaindre de la domination des Maures. A partir
de notre analyse, nous pouvons dire que la situation dans laquelle se
trouve la communauté négro-africaine de Mauritanie est en grande
partie de sa responsabilité. Il est toujours facile de mettre sur le
dos de l’autre la responsabilité de ce qui nous arrive. Cela
daterait d’ailleurs d’Adam et Eve. Désigner l’autre comme
responsable de ce qui nous arrive permet d’occulter nos propres
travers. Cette attitude nous évite de nous prendre en charge, de
nous affronter à nous-même, de nous regarder en face, de nous
confronter à notre terreur intérieure, à notre imbécilité. On
passe souvent sous silence le fait que des Négro-mauritaniens sont
victimes de la domination d’autres Négro-mauritaniens.
Nos
propos ne veulent pas dire que les Négro-africains ne sont pas
victimes de discriminations et d’oppression en Mauritanie de la
part d’une élite maure peu soucieuse de justice. Ce que nous nous
voulons dire est que l’on n’est jamais complètement sans
reproche par rapport à ce qui nous arrive en tant qu’être ou en
tant que groupe humain. On n’est jamais innocent dans notre
domination. « L’oppression n’est jamais seulement
extérieure, imposée. Elle suppose toujours une participation des
intéressés, un certain degré de complicité ou de collusion. Les
victimes ne sont jamais complètement innocentes. » [2] Voici ce
que disait Gandhi, à ce sujet, à propos de l’Inde sous domination
coloniale : « au sens exact du mot, l’Inde n’est pas un pays
conquis, mais elle est devenue britannique parce que la grande
majorité de son peuple, pour des motifs peut-être égoïstes, a
accepté le gouvernement britannique. » Les peuples dominés comme
les esclaves ne sont pas que des innocents".
« Ce n’est
pas le plus fort qui devient le maître, c’est le plus courageux :
celui qui préfère mourir que perdre sa liberté. Ce n’est pas le
plus faible qui devient l’esclave, c’est le plus lâche : celui
qui préfère garder la vie même au détriment de la liberté ;
esclave de son désir de vivre, il devient esclave de celui qui a
subordonné l’instinct de survie à sa dignité d’homme libre.
Gandhi souligne l’importance du courage. « La force tient à
l’absence de peur, non à la quantité de chair et de muscle que
nous avons sur le corps. » La domination passe par la servilité des
dominés. » [3] Depuis que la Mauritanie est indépendante, les
pouvoirs arabo-berbères successifs ont toujours été soutenus par
des Négro-mauritaniens et des Harratine (Esclaves maures
affranchis). Certaines associations mauritaniennes sont en train de
dresser la liste de Noirs, soutiens du système arabo-berbère, pour
monter l’implication des Noirs de Mauritanie dans leur domination
et pour laisser une trace dans l’histoire.
Les
Négro-mauritaniens souffrent de leur propre lâcheté, leur manque
de courage, leurs divisions, leurs rivalités, leur ignorance et
d’autres maux. Ainsi, il est très facile pour le pouvoir maure,
dans n’importe quel village au sud du pays, tiroir des
Négro-mauritaniens, de trouver des informateurs, des diviseurs.
Il
est grave que ces personnes complices de la domination noire, de leur
massacre, leur déportation, assassinat, sont connues de tous et
continuent de bénéficier, au sein du milieu négro-africain, de
prestige et de respect. La féodalité mauritanienne a toujours
composé avec les pouvoirs. Elle s’est toujours alliée au système
dominant arabo-berbère. Certains opportunistes issus de ce qu’on
appelle les basses couches l’ont aussi fait. Ainsi, nous pouvons
vérifier la théorie de Gandhi. Comme quoi, il est difficile d’être
juste vis-à vis de soi-même, de regarder les choses en face.
Il
ne faut pas se laisser tromper par les apparences. Souvent, les
Négro-mauritaniens qui militent que ce soit en Mauritanie ou à
l’étranger sont facilement corruptibles. En plus de cela, pour de
nombreux Négro-mauritaniens qui s’agitent au sein du milieu
associatif, il s’agit d’une manière de se montrer,
‘‘d’exister’’, de trouver une opportunité de se rapprocher
du pouvoir.
Rares sont parmi eux ceux qui défendent des
valeurs, rares sont parmi eux, ceux qui comprennent la portée de
l’Etat, ses fondements, qui réfléchissent sur comment fonder un
Etat viable, égalitaire, effectivement démocratique et développé.
Le militantisme est souvent un brassage de vent où l’on espère
‘‘être quelque chose’’ permettant d’oublier son propre
vide. Certes, il y a eu des militants négro-mauritaniens
sincères qui, dans leur combat, ne traînaient point un fonds féodal
altier et méprisant. Mais, rares sont les militants dans la
communauté négro-africaine, vraiment démocrates et respectueux de
la vie humaine et déterminés dans leur combat pour la justice. Un
autre problème est qu’un combat ne peut se faire sans un peuple
derrière. Mandela ne serait pas Mandela sans son peuple et c’est
là où le bât blesse en Mauritanie. La population
négro-mauritanienne n’est ni déterminée à lutter pour sa
liberté, ni unie dans un combat juste pour l’égalité des
droits.
L’une des erreurs, d’ailleurs graves, qui a coûté
cher aux populations négro-mauritaniennes est que la lutte en faveur
des droits des populations du Sud a été l’œuvre d’une minorité
alphabétisée et s’est faite sans une préparation de la base.
Ainsi, lorsque le pouvoir a décidé de réprimer les prémices d’une
contestation, il a trouvé un champ ouvert devant lui. Il a frappé
des gens pris au dépourvu. Il a ainsi assassiné, déporté, violé
sans aucune résistance. La liberté n’est jamais donnée. Elle
s’arrache. Mais il ne faut jamais oublier qu’une liberté qui
nie, haït l’autre est une fausse liberté. Lutter pour sa liberté
ne doit jamais se traduire par le mépris de l’autre y compris ce
lui qui nous domine. Le combat pour la liberté doit toujours être
celui de la libération de l’Homme d’une manière générale. En
arrachant sa liberté sans haïr celui qui nous domine, nous libérons
aussi celui qui nous a soumis.
1
Thiolo : celui qui vit de sa maîtrise du verbe et de ses
flatteries 2. Gandhi, théoricien de la servitude volontaire –
une philosophie de la décolonisation - Cité Professeur Emile
Perreau-Saussine In
http://www.polis.cam.ac.uk/contacts/staff/eperreausaussine/Gandhi%20(St%20Cyr)%20(2).pdf 3
Ibid.
Oumar
Diagne Ecrivain
Source:
http://www.mauritanie-web.com/actualite_7584_1_ce-que-la-on-ne-dit-pas-dans-la- communauta-copy-na-copy-gro-africaine-de-mauritanie-hypocrisie-jalousie-et-ma-copy- disance.htm
|