Contribution à la solution du problème de l’esclavage
Le débat sur l’esclavage est toujours
d’actualité. Un débat ancien mais qui refait toujours surface à chaque moment
que les deux parties reviennent au dialogue de sourds. D’un coté, il y a ceux
qui nient catégoriquement toute existence du phénomène si ce n’est dans
l’imaginaire de quelques empêcheurs de tourner en rond, tels Boubakar Ould
Messaoud, Biram Ould Dah Ould Abeid ….
Les tenants de cette thèse soutiennent que parler de l’esclavage, c’est
chercher à ternir l’image du pays. Ils réduisent le phénomène à un simple fonds
de commerce pour ceux qui en parlent encore pour, disent-ils, semer la zizanie
et endommager le tissu social.
De l’autre côté, l y a ceux qui confirment, sans grande peine, l’existence du
fléau dévastateur, tout en se considérant militants d’une cause noble et juste.
Ils soutiennent que l’Etat mauritanien est l’héritier légitime et naturel d’un
système tribal esclavagiste traditionnel qui s’est transformé, d’ailleurs sans
transition, en un mode de gouvernance qui consacre une ou plusieurs tribus aux
commandes de la destinée de la chère Nation.
Les adeptes de cette cause vont plus loin en considérant que l’Etat, sous sa
forme actuelle, apparaît comme un patrimoine entre les mains d’une entité
assimilée, détenant résolument le pouvoir économique et par conséquent, celui
de décider, en solitaire, du devenir du pays. Toute atteinte à l’image du pays
est alors perçue comme étant une atteinte à l’arabité, à l’histoire et aux “valeurs”
de cette entité.
Dans le but de trouver une solution à cette épineuse problématique, je voudrais
apporter ma modeste contribution qui, à priori, ne plaira guère aux partisans
de la non existence de l’esclavage, mais ira, en définitive, dans le sens de
l’intérêt commun : arriver au moment où l’Etat deviendra réellement un Etat
pour tous
L’esclavage est un crime contre l’humanité commis, avec atrocité et sans
scrupule, par les ancêtres. Les grands-pères l’ont perpétué durant leurs
époques et les descendants continuent malheureusement à le commettre dans leurs
pratiques ou, pire encore, dans leur silence coupable et leur indisponibilité à
fournir un effort, aussi minime qu’il soit, pour se purifier de ce crime
odieux.
Admettons, aveuglément, que l’esclavage ne soit plus exactement aujourd’hui
comme il l’était dans des générations passées non lointaines. Mais, ses
séquelles sont là, ses blessures saignent encore et ses douleurs sont nettement
sensibles. Et pourquoi pas, puisque l’on sait que le phénomène a fait naître un
complexe irréparable chez plus de la moitié de ce peuple à qui on a toujours
voulu faire avaler la honte et le mépris ? Y a-t-il de plus ignoble que l’esclavage?
Et, plus grave encore, on avance l’Islam comme étant à l’origine du phénomène.
Mais hélas ! on se trompe profondément. C’est plutôt l’Islam qui a combattu
avec véhémence ce crime horrible à l’aide d’une psychopédagogie adaptée qui
allait l’éradiquer depuis très longtemps si tout le monde avait suivi, à la
lettre, les préceptes du Saint Coran et de la Sunna.
Comment peut-on comprendre et accepter qu’une infime entité, n’atteignant pas
le tiers de ce peuple, détienne toutes les richesses et tous les pouvoirs de la
Nation? Comment expliquer que les Haratines qui représentent plus de la moitié
de la population, n’ont droit qu’au tout petit peu, alors qu’on chante la
fraternité sur tous les toits? Pourquoi n’ont-ils même pas le droit d’exprimer
leur amertume née de la marginalisation au risque d’être taxer de racistes, de
sectaires et de divisionnistes?
De quelle division parlez-vous, chers frères? Et sur quoi voulez-vous vous unir
avec vos “frères” victimes de ce passé- présent? Tout le monde doit savoir
qu’il est temps de rectifier le tir et de soigner les blessures toujours
béantes.
Cela incombe, tout a d’abord, à ceux qui gouvernent par les moyens que nous
connaissons tous. C’est à eux que je parle : vous devez fournir un grand effort
pour juger l’histoire et dédommager ces victimes qui sont restées à la traîne.
Les Haratines ont beaucoup souffert et n’admettent plus cela, quel qu’en soit
le prix !!
D’aucuns disent que le pouvoir mauritanien a été contraint d’accepter de
rétablir des relations diplomatiques avec Israël. En contre partie, l’Occident
cesse de lui brandir les problèmes des droits de l’homme, notamment les
questions liées à l’esclavage. Autant le prix est alléchant, autant la
marchandise est indésirable !!
Nos frères maures s’intéressent aux causes palestinienne et irakienne plus
qu’ils ne prennent la peine de se pencher sur une question cruciale qui touche
l’intégrité et la cohésion de leur patrie. La cause principale s’est révélée
être le complexe d’arabité et le spectre de l’originalité que nos Maures
drainent depuis belle lurette !
A travers l’histoire, ont-ils entrepris une action visant à soutenir leurs
“frères” Haratines dans leur combat? Au contraire, on a vu plusieurs actions de
solidarité envers la Palestine, le Liban et l’Irak (des
fatwas, des sit-in, des marches, de la poésie, des cotisations et des
associations etc.)
Nous, Haratines de Mauritanie, considérons que l’esclavage est une honte
nationale dont tous les Maures sont responsables, sauf ceux qui s’en démarquent
solennellement et par des actions claires et concrètes visant à combattre, sans
aucune complaisance, le phénomène sous toutes ses formes. Ceux qui continuent à
pratiquer la politique de l’autruche assumeront, toute entière, la
responsabilité de tous les dérapages qui compromettraient l’avenir du pays !
A tous, je signale, enfin, que ce que vous reprochez à Israël, vous le
faites subir à vos frères esclaves et anciens esclaves. Ya-t-il de plus ignoble
que de déposséder quelqu’un de sa qualité d’homme ? Si la relation avec Israël
était une trahison de la cause arabe, l’esclavage est une haute trahison de la
cause humaine.
Je tiens ici à féliciter ceux qui combattent à nos côtés pour mettre fin à ce
statut inconfortable conféré aux esclaves et aux Haratines de façon générale.
Enfin, pour conclure cette modeste contribution, je tiens à formuler les
remarques suivantes :
- Nous mettons en garde contre toute tentative visant à sanctionner Monsieur Biram
Ould Dah ou n’importe quel autre militant de cette cause. Nous pensons
comme ils pensent. Il ne s’agit pas d’une personne mais d’une conscience !
- La solution du problème de l’esclavage doit être aujourd’hui la priorité des
priorités et c’est la responsabilité de tous. Nous estimons que, désormais,
cette solution constitue une condition sine qua non de la stabilité, de la
sécurité, de la cohésion et de l’avenir de ce pays.
- Aujourd’hui, il faut impérativement nous présenter des excuses et nous
accorder des réparations. Il faut, de mon point de vue, trois choses
essentielles pour éradiquer complètement l’esclavage et traiter conséquemment
ses séquelles :
1- Le président de la République doit demander des excuses au nom de tous les
Mauritaniens pour les crimes liés à l’esclavages, au cours d’une cérémonie
officielle à laquelle assistent les faqihs et les imams qui ont, par le passé,
légiféré sur ces pratiques ;
2- Mettre en œuvre une politique claire basée sur la discrimination positive
dans les domaines de l’éducation, de l’agriculture, de la pêche et de la fonction
publique, pour ouvrir une grande porte à cette couche sociale et l’intégrer
définitivement dans ce pays ;
3- Il faut impérativement que l’Etat cherche les voies et moyens de dédommager
tous les esclaves et les anciens esclaves, en leur attribuant, non seulement
des enveloppes financières mais également des terres cultivables et d’autres
ressources.
Brahim Ould Bilal Ould ABEID
Professeur de Philosophie,
Vice Président de SOS DISCRIMINES
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