24 juillet 2007 : ''Coup de plume'' de Kissima
Diagana : Pourquoi pas une fatwa ?
Il est difficile, voire
impossible de débarrasser une société de ses coutumes rétrogrades… L’islam,
lui-même, a ménagé les arabes sur beaucoup de pratiques qui
prévalaient dans la « jahiliyya » ou période
antéislamique. L’esclavage en fait partie. Sa prise en charge par les
textes sacrés quant aux questions juridiques donne un prétexte à ceux qui
tiennent encore à perpétuer pareille ignominie…
Non seulement, ceux-ci s’emploient à récuser que l’esclavage existe, mais
en privé ils dégainent des arguments tirés du texte sacré pour banaliser le
caractère inhumain de la pratique. Il s’en trouve qui disent que n’est
esclave que le prisonnier de guerre qui ne s’est pas converti à l’islam.
Curieux argument, alors !
La « kaffara », qui est un moyen de se laver de
certaines fautes commises, prévoit pour le pécheur musulman d’accorder la
liberté à un esclave encore faut-il qu’il en dispose. C’est la fameuse
« tahrirou raqaba »…et c’est le premier degré
d’expiation de certains péchés. Les degrés suivants sont le jeûne de deux
mois successifs ou la nourriture de soixante miséreux…
L’héritage, tel que prévu par la loi islamique, du moins tel que pratiqué
dans les communautés musulmanes, inscrit l’esclave dans les biens légués.
Sans compter que la période de viduité qu’une femme ‘esclave’ observe après
le décès de son conjoint est deux fois moins longue que celle observée par
une femme ‘noble’ se trouvant dans une situation similaire…Histoire,
prétexte-t-on, de permettre à la pauvre esclave de retourner au service de
‘ses propriétaires’…
Dans la loi de talion également, on trouve des conditions d’équivalence
sociales…On ne parle pas du sacrilège qui entoure le type de relations que
doivent entretenir les hommes et les femmes musulmans. Qu’en est-il du
reste du type de relations intimes qu’un maître peut avoir avec une esclave
(concubinage licite!) ou la fameuse « milkoul yamiin » ?
Il y a donc autant d’écueils qui se dressent devant les acteurs de la
législations et pour lesquels ils ont intérêt à interpeller les
dépositaires de la science islamique, c’est à dire les ulémas.
Aujourd’hui, Sos-esclaves cherche à convaincre les parlementaires que le
projet de loi sur l’esclavage doit tenir de certains amendements qu’il a
apportés. Son combat sera difficile encore une fois. Mais encore faut-il
qu’il parvienne à faire adhérer au souci d’équité une majorité de sénateurs
et de députés.
A voir les réticences des uns et des autres ainsi que l’absence de certains
membres de la commission parlementaire qui doit examiner à l’assemblée le
projet de loi sur l’esclavage, on peut avoir une idée de ce qui risque
d’arriver…La loi sera certes un acquis, puisque ayant de fortes chances
d’être adoptée. Mais de la à ce que les amendements d’une structure externe
au parlement soient défendus devant une nébuleuse de députés pas forcéments
convaincus de l’opportunité d’une telle loi, il y a un grand pas qu’il faut
franchir. Si ce n’est la mer à traverser.
Alors, ce dont nous avons besoin, aujourd’hui, c’est une fatwa courageuse
qui débarrasse tous les mauritaniens du complexe de l’esclavagisme. La
constitution et toutes les lois qui passeront devant le parlement resteront
impuissantes à protéger les esclaves… et même beaucoup d’autres victimes de
pratiques discriminatoires…
Source : La Tribune
(Mauritanie)
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