- Il est rare
que les organisations internationales des droits de l’Homme se muent en
défenseur des régimes politiques, surtout en Afrique, en s’attaquant aux
organisations sœurs au niveau national. Le satisfecit que la Commission
africaine des droits de l’homme (CADH) vient de délivrer aux nouvelles
autorités mauritaniennes constitue un fait inédit et ne peut que valoir
son pesant d’or.
Le Rapport final, très élogieux, qu’ils ont porté à l’attention de
l’opinion lors du point de presse marquant la fin de leur mission, a soulevé
bien entendu le courroux de certains défenseurs des droits de l’homme
mauritaniens. Cloués au pilori dans le dit Rapport, ces derniers n’ont pas
hésité à qualifier la conclusion de la délégation de complaisantes…De là à
parler de compromission, certains n’ont pas hésité à franchir le pas.
Une délégation de la Commission africaine des droits de l’Homme (CADH),
conduite par l’avocate Reine Alapini-Gansou et composée du Tunisien Mohamed
Béchir Khalfallah et le commissaire Soya Mayga, a séjourné pendant quelques
jours en Mauritanie. Invitée par les autorités nationales, cette délégation
évoluait dans un cadre officiel feutré, se contentant de suivre les visites
guidées minutieusement agencées par leurs hôtes. C’est dans ce cadre qu’ils
effectueront une visite auprès des rapatriés, au Brakna, Sélibaby et Kaédi,
sous la guidance du Directeur général de l’ANAIR, Bâ Madine, lequel a eu tout
le loisir de baliser le terrain et de tenir loin les têtes brûlées. Les
témoignages exprimés par quelques rapatriés triés sur le volet ne pouvaient
dès lors que cacher la vraie réalité des souffrances de la grande masse de
Mauritaniens expulsés du Sénégal et qui continuent de vivre le calvaire.
A Nouakchott, la délégation a rencontré les principaux responsables du
pays, les partis politiques, la société civile, visité les prisons, et a
établi un rapport circonstancié de sa mission. Il ressort de leurs
conclusions que les autorités actuelles déploient une réelle volonté pour
ouvrir une nouvelle page, notamment en ce qui concerne les efforts pour
éradiquer les séquelles de l’esclavage et améliorer les conditions de vie des
populations. A leurs yeux, les réalisations sont aussi réelles, notamment sur
le plan de la prise en charge des préoccupations des populations rurales,
dans la «Mauritanie profonde ». Bref, une plaidoirie en tissu doré qui
ne peut que dérider un pouvoir fustigé de toutes parts par ces écarts et son
autoritarisme.
Un tel tableau idyllique pouvant soulever quelques soupçons, la
délégation de la CADH a cru bon de relever quelques défaillances,
circonscrivant ses remarques au faible niveau de représentativité féminine
dans les centres de décision.
Par contre, c’est la société civile mauritanienne qui recevra une
belle raclée de la part de la délégation de la Commission africaine des
droits de l’Homme. Il faut dire que les remarques très peu reluisantes des
organisations mauritaniennes des droits de l’Homme, sur les nombreuses
violations de ces droits en Mauritanie, n’ont pas trouvé écho auprès des
illustres membres de la délégations qui semblaient très peu enclins à
froisser les autorités. Ils ont par contre attaqué les ONGs mauritaniennes,
les accusant de «mélanger politique et actions sociales».
Pour les défenseurs de droit de l’homme locaux, «le Rapport produit à
la fin de la mission de la CADH est tout simplement écoeurant ».
Il faut dire qu’au cours de la conférence de presse qu’ils ont organisé
à l’hôtel Halima, les membres de la délégation se sont abstenus d’aborder le
cas Hanevy Ould Dahah, même quand les journalistes le posèrent, poussant
plusieurs d’entre eux à quitter la salle. Dès lors, quelle crédibilité
peut-on accorder à un document si complaisamment ficelé et qui sera sans nul
doute compilé et gardé comme un trésor de guerre par les actuelles
autorités ?
La CADH doit revoir ses procédés d’enquête. Si la crédibilité, la
neutralité et l’impartialité sont ses maîtres mots dans les pays où elle
envoie des missions, qu’elle veille à ce que ses délégations travaillent en
toute indépendance, loin du parapluie condescendant des tenants du pouvoir.
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