Des
sources concordantes font état depuis quelque temps de récriminations, remous
et même d’un début de dissensions au sein de l’Alliance Populaire
Progressiste (APP), un grand parti, membre de la Coordination des Forces de
l’Opposition Démocratique (CFOD), né d’un regroupement inattendu entre le
mouvement social Haratine « El Hor » des années 1980 et les Nasséristes,
mouvance nationaliste arabe. Une sorte de rébellion de certains leaders
haratines serait en passe de semer la discorde au sein de la base et remettre
en cause le leadership du chef historique du mouvement. De leur côté, les
Nasséristes du parti, apparemment en phase avec les chantiers lancés par le
président Aziz, notamment la suspension des relations diplomatiques avec
Israël, œuvraient à la réalisation d’une alliance avec le pouvoir.
Entre les deux tendances, le président Messaoud continue de jouir d’une
grande aura au sein de l’opinion.
Le grand leader historique, Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée
Nationale, chef de file des contestateurs du putsch du 6 août 2008 et
candidat malheureux à l’élection présidentielle du 18 juillet dernier, serait
ainsi en froid avec plusieurs de ses lieutenants. Une « épidémie » de
l’incompréhension dans des relations jadis bien huilées, qui ne souffriraient
que de quelques rares exceptions. Le courant des bons rapports entre l’actuel
président de la chambre basse du parlement et le groupe des compagnons étant
juste maintenu avec un cercle restreint, des piliers parmi lesquels Ladji
Traoré, Secrétaire Général de l’APP, et Mohamed Ould Samba, ancien porte
parole du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, après le coup d’état
du 6 août 2008.
Une réalité nouvelle dont l’illustration est de plus en plus visible.
D’ailleurs la fréquentation très réduite du siège du parti est un indice
suffisant pour refléter l’état des problèmes au sein de l’APP. En effet, ce
lieu pourtant habitué à une animation continue, est devenu aujourd’hui peu
fréquenté et même désert.
Pour remonter à l’origine de ces nouvelles dissensions, il faut citer le
combat de Messaoud Ould Boulkheir contre le changement anticonstitutionnel du
6 août 2008, conduit par le général Mohamed Ould Abdel Aziz. Une bataille
menée pendant une année, au sein du défunt Front National pour la Défense de
la Démocratie (FNDD). Episode qui a donné à l’action du leader haratine, pour
la démocratie, une dimension nationale, bien au-delà de l’aspect social
de la bataille du mouvement El Hor, contre l’esclavage.
Ainsi, à l’image d’un autre leader historique de l’opposition, Ahmed Ould
Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et chef de
file institutionnelle de l’opposition, le président de l’Assemblée nationale
fait face actuellement à une fronde venue des entrailles de son camp, une
contestation interne.
Une nouvelle donne qui ne devrait cependant pas remettre en cause sa
légitimité historique, acquise à la faveur d’un combat social et politique
qu’il a mené sans relache, durant une vingtaine d’années. Mais, qui le
pousse à revoir et même à corriger la tendance à l’hibernation, à «
l’embourgeoisement» notée pendant la courte parenthèse de l’exercice du
pouvoir, ces dernières années, sous le magistère de Sidi Mohamed Ould Cheikh
Abdallahi.
On estime, chez certains cadres haratines, que Messaoud a même troqué la
cause particulière de leur couche sociale contre un statut de leader
national. Une sorte de corruption que lui avaient servie ses partenaires
politiques au sein du FNDD et qu’il avait, lui-même, acceptée. Mais au sein
de cette coalition politique, on explique que la majorité des cadres
haratines préférait rester du côté de celui qui a le pouvoir afin de pouvoir
bénéficier des avantages qu’il peut leur procurer. En d’autres termes, ces
cadres ne désiraient pas être sevrés aussi rapidement et perdre tous les
avantages liés à une alliance avec les autorités en place.
Il faut ajouter à cela l’attitude plutôt « molle » et même « très conciliante
» de la frange nassérienne de l’APP, vis-à-vis du pouvoir de Mohamed
Ould Abdel Aziz. Une compréhension bienveillante dont l’origine se
trouve dans l’orientation d’un pouvoir qui a décidé de jouer sur la corde
sensible de la fibre nationaliste arabe, en annonçant, en grande pompe, le
gel des relations diplomatiques avec Israël, vieille revendication de la
quasi-totalité des partis politiques mauritaniens et d’une rue indignée et
révoltée par le traitement que réservent au peuple palestinien les différents
gouvernements qui se succèdent à Tel Aviv.
Il faut, à cet effet, rappeler la position neutre adoptée par les députés du
parti issus de la frange nassérienne, à l’occasion de la session budgétaire
consacrée à la loi des finances, pour l’exercice 2010.
Parmi les rangs des contestataires issus de la mouvance « El Hor », on
retrouve notamment le célèbre syndicaliste Samory Ould Bey, Secrétaire
Général de la Centrale Libre des Travailleurs de Mauritanie (CLTM). Un des
animateurs d’une tendance qui reproche justement au grand leader historique,
Ould Boulkheir, « une rupture progressive » avec la base.
Le président de l’Assemblée nationale étant passablement paresseux et donc
généralement peu enclin à prendre régulièrement part aux rencontres
politiques marathons, les piliers du carré des intimes semblent avoir senti
le « danger » et la nécessité de reprendre les commandes.
Retour sur le terrain
Du coup, Messaoud Ould Boulkheir, conscient des implications de la situation,
décide de renouer avec son vieil amour et redescend sur le terrain politique.
Ainsi, depuis quelques jours, il se rendrait régulièrement dans les quartiers
populaires, ces zones préurbaines qui ont solidement établi la réputation de
popularité de l’homme. Une démarche à travers laquelle il entend renouer avec
la base, histoire de ne pas se laisser déborder, sur le terrain des idées
généreuses, par des lieutenants allant vers une rupture de ban, porteuse de
gros risques de déchirure.
Cette nouvelle bataille contre des « adversaires » inattendus représente,
actuellement, un enjeu de taille au sein de ce grand parti de l’opposition,
selon de nombreux observateurs.
Voilà pourquoi le vieux lion se remet subitement à rugir. Particulièrement
lors de l’ouverture des journées de réflexion de son parti, le mois dernier.
Son discours, jugé trop extrémiste, a provoqué le mécontentement de certains
cadres qui hésitaient à accompagner les contestataires dans leur démarche.
Il est difficile de prévoir l’issue de la confrontation actuelle, la première
du genre, entre Messaoud et ses anciens lieutenants, mais il faut tout de
même prendre en considération la popularité encore très grande dont bénéficie
ce leader historique dans les couches haratines.
Cheikh
Sidya
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