Les mauvais calculs de la France
sarkozienne
BBC Afrique
Grogne au sein de l’armée nigérienne
de plus en plus exaspérée par les frasques antidémocratiques du Président
Tandja. enlèvement au Mali, dans son hôtel même, d’un ressortissant français.
Prise d’otages spectaculaire de trois humanitaires espagnols en Mauritanie et
traversée victorieuse par les ravisseurs du territoire mauritanien d’ouest en
est. Tentative de liquidation physique du Capitaine Dadis Camara, chef de la
junte guinéenne - par son propre aide de camp semble-t-il.
Ces quatre événements ont au moins
trois grands points communs :
1- Ils se passent dans trois pays de
l’Afrique occidentale qui fut française sous l’occupation et qui le redevient
en quelque sorte par l’influence que Paris exerce ces jours-ci dans la
région.
2- Ils affectent trois dictatures
militaires ou civiles militarisées soutenues à bras-le-corps par Paris.
3- Et, donc, ils touchent de près
aux intérêts économiques de la France du Président Nicolas Sarkozy.
Au Niger, l’autocrate Mamadou Tandja
a pu, ces derniers mois, museler la presse, dissoudre la Cour
constitutionnelle qui lui tenait tête, renvoyer les députés qui s’opposaient
à lui dans leur majorité et en faire élire d’autres, modifier la Constitution
pour s’autoriser une présidence à vie. Il a bénéficié, dans toutes ces
décisions à l’évidence anti-démocratiques et majoritairement désapprouvées
par la classe politique de son pays, d’un soutien agissant et de l’expertise
de l’Elysée. Raison invoquée par l’équipe au pouvoir à Paris : Le pouvoir de
Tandja assure une stabilité nécessaire aux intérêts de la France qui exploite
d’importantes mines d’uranium dans ce petit pays pauvre. Avec les remous au
sein de l’armée nigérienne et la forte probabilité d’un coup d’Etat
militaire, les rebellions touarègues qui éclatent chaque jour, l’incrustation
dans le désert nigérien de l’Aqmi, les calculs de Nicolas Sarkozy et de son
équipe s’avèrent très mauvais et porteurs de gros risques d’atteintes à ces
mêmes intérêts qu’ils prétendent défendre. Le prochain pouvoir à Niamey ne
pourra aucunement faire l’économie d’une « décolonisation » de cet Etat
!
Au Mali, la politique française en
matière de lutte contre le terrorisme n’a jamais été payante. Elle n’arrive
ni à satisfaire le pouvoir, lequel voit d’un très mauvais œil le double jeu
de Paris qui, tout en multipliant les actes de soutien aux gouvernements des
pays concernés (Algérie, Mali, Niger, Mauritanie) n’en appuie pas moins
Khadafi qui soutient les rebelles touaregs et flirte avec Al Qaida du Maghreb
! Et elle ne s’attire pas visiblement la sympathie des terroristes qui
viennent de s’en prendre, pour la énième fois, aux ressortissants français
dans la région ouest-africaine. Là aussi, très mauvais calcul de Paris.
En Mauritanie, les « énarques »
nichée Carla Bruni ont accompagné de A à Z la déstabilisation par des
officiers de l’armée du premier régime démocratique – et civil - depuis
trente ans, sa déposition par un coup d’Etat militaire atypique (l’auteur du
coup d’Etat venait d’être limogé par le Président de la République déchu !),
la répression sauvage de l’opposition courageuse au putsch, la signature d’un
accord bancal, tout à l’avantage de la junte et, pour couronner tout cela, «
l’élection » à l’évidence frauduleuse du chef de la junte au cours d’un
scrutin mille fois en infraction par rapport à la Constitution de la
Mauritanie, pourtant calquée sur celle de la cinquième république française !
Le chef de la junte ainsi légitimé au forceps sera reçu quelque semaines
seulement après son « élection » à l’Elysée ! Quel palmarès, Messieurs
Sarkozy, Guéant, Joyandet, Balkany et Cie ! Là aussi, la France sarkozienne
défendait ses « intérêts stratégiques » : il y a du pétrole ( et de l’uranium
paraît-il) à gogo dans le désert mauritanien, la France peut en tirer de
grands profits. Mais il est besoin d’un pouvoir fort et soumis à la volonté
de l’Elysée, un pouvoir capable de faire face à la menace terroriste qui
grandit dans la région et dans le pays. Paris s’est porté garant de la «
crédibilité » du pouvoir de Aziz vis-à-vis de ses autres partenaires
occidentaux, américains en particulier !
Avec le rapt de trois ressortissants
espagnols à 150 Km de sa capitale, la quinzaine même où il fanfaronnait au
cours d’une conférence de presse sur les « redéploiements » de ses « Forces
armées et de sécurité » pour quadriller son territoire et sur la création
d’une unité spéciale chargée de la lutte contre le terrorisme, le
général-dictateur mauritanien vient de démontrer, au grand jour, l’incurie de
son pouvoir et le manque de préparation de son armée à faire face au
terrorisme. Il vient surtout de prouver qu’il n’a aucune emprise sur son
territoire, révélant en même temps la vanité des gages donnés par Sarkozy et
Compagnie sur sa crédibilité. En un mot, la démocratie exemplaire de
Nouakchott a été assassinée dans l’œuf pour rien et l’image de grande
démocratie de la France écornée à très mauvais escient. Si on ajoute à cela
que le fait que la France détienne une base militaire dans la zone même où
les espagnols ont été enlevés, on se rend compte du gâchis !
Ne parlons pas de la Guinée Conakry.
La dissensions au sein de la junte ne font que commencer. Et la tuerie du 28
septembre, les exactions contre l’opposition les discours à la limite de
l’imbécillité du chef de la junte, et aujourd’hui la tentative d’assassinat
de Dadis, etc. tout prouve combien Paris a misé sur le mauvais cheval en
Guinée et combien la sortie de crise (la vraie, pas celle que concoctent
Joyandet, Bourgui, Compaoré et Wade) se fera au désavantage des intérêts de
la France. Ce sera aussi le cas à Madagascar, en Côte d’Ivoire - et au
Sénégal dont la crise qui couve menace d’être dramatique !
Mais quand donc les gouvernants de
la France du bling bling comprendront- ils que l’Afrique occidentale est
définitivement ex-française et que les intérêts de leur pays ne peuvent
désormais y être assurés que dans une logique d’Etats indépendants à Etat
indépendant et de gouvernements légitimes à gouvernement légitime, loin de
toute ingérence contraire au cours de l’histoire ? Quand feront-ils le bon
calcul : laisser les peuples de cette région choisir ceux qui les gouvernent,
pour que leur coopération avec l’ex-métropole acquiert, aux yeux des peuples,
une dimension légitime et durable ? Mais quand donc ?!
Adama Sow dit Yaya
SOURCE: TAQADOUMY
Le 09/12/09
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