09 juin 2007 : L'esclavage a-t-il réellement
été aboli ?
« Ceux qui ne
connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle recommence. »
Elie Wiesel
La France a commémoré la journée de
l’abolition de l’esclavage officiellement reconnue comme « Crime
contre l’Humanité » par le parlement français en mai 2001.
(Loi Taubira). Il est vrai que l’esclavage des noirs
était un sujet tabou dans la société française. Le nouvel intérêt qu’il
suscite aujourd’hui peut permettre aux descendants d’esclaves, que nous
sommes de tirer des ressources morales et spirituelles pour améliorer le
sort de nos peuples.
L’analyse des faits
historiques de la traite arabe en passant par la traite atlantique
jusqu’à ce jour me laisse interrogateur. L’esclavage a-t-il réellement
été aboli ? Son impact sur les consciences africaines et européennes ne
le perpétue t-il pas ?
Avant de répondre à ces interrogations, il est important de revisiter
brièvement le long chemin du Peuple noir dans la souffrance et
l’oppression.
La traite Arabo-musulmane.
En effet il est important d’expliquer à nos descendants que la traite des
noirs n’a pas été que l’apanage des peuples européens. Les Arabo-
Musulmans qui l’avaient d’abord expérimentés sur les Slaves (Environ 10
millions de victimes) avaient fini par se reporter sur les peuples noirs
à qui ils ont fait subir pendant près de mille ans( du VIIe au XXe
siècle) un génocide dont on ne parle jamais.
Les Arabo-musulmans capturaient les noirs dans leurs
villages, leurs faisaient traverser le Sahara (plusieurs esclaves
mourraient au cours de ce périple). A l’arrivé, ils étaient offerts à la
vente dans les marchés prévus à cet effet. Les esclaves mâles étaient
castrés. Quand ils avaient survécu à cette castration, ils étaient
employés dans les travaux domestiques, guerriers, dans les mines de sel
et d’or, dans les propriétés agricoles. La faible présence des noirs dans
le monde Arabo-musulman est d’abord due à la castration dont étaient
victimes les esclaves mâles et s’il existe une descendance des noirs dans
le monde arabe cela est dû à la volonté des anciens maîtres d’augmenter
leur cheptel en esclave pour des buts purement pratiques.
Fernand Braudel disait : « la
traite négrière n’a pas été une invention diabolique de l’Europe.
C’est bien les Arabo-musulmans qui en sont à l’origine et l’ont pratiqué
en grand. »
La stagnation démographique, la misère, la pauvreté
n’est pas seulement le fait du commerce triangulaire, il est aussi à
rechercher dans la traite Arabo-musulmane. Remarquons que le monde Arabo
Musulman n’a jamais eu de mouvement abolitionniste. Il n’a jamais eu à se
repentir de son crime contre les noirs.
La traite atlantique.
Les Français, Anglais, espagnols ont ensuite remplacé
les Arabes. Dès le 8 janvier 1454 le souverain pontife exhortait
l’esclavage des africains dans le but de les évangéliser. Les Européens
après avoir exterminé les Indiens dans le nouveau monde (Amérique)
avaient besoin d’une abondante main d’œuvre, robuste et adaptée au climat
tropical pour travailler dans les mines d’or, d’argent, dans les
plantations de coton, de canne à sucre et de café. Ils avaient fait des
tests constatant que le rendement d’un esclave noir équivalait au travail
de quatre indiens. Des théories fantaisistes circulaient sur les noirs
pour justifier leur état de servitude « inné ».
Pour se donner bonne conscience, tous les arguments
religieux et scientifiques étaient utilisés. C’est ainsi que le médecin
autrichien Merkel affirmait que les noirs avaient le
cerveau et le sang noir. Sur le plan religieux les descendants de
Cham étaient condamnés à être les esclaves de ses frères
Sem et Japhet. C. Carol soutenait
preuve biblique à l’appui que « les noirs n’ont pas d’âme et
n’appartiennent pas à la famille humaine. ». Darwin
a conclu ses travaux en écrivant ceci :
« L’homme s’est élevé de la condition de grand
singe à celle d’homme civilisé en passant par les stades d’homme primitif
et d’homme sauvage. Le degré le plus fini de l’évolution est l’homme
blanc. »
Dans sa longue marche vers la souffrance l’homme noir
aura donc tout subi. Quand il s’est avéré que le commerce des esclaves
n’était plus rentable, les Européens ont inventé un nouveau concept : la
colonisation que l’on pourrait qualifier d’esclavage à domicile.
La colonisation
Tout au long de la colonisation, les noirs ont servi gratuitement les
maîtres blancs, leurs terres ont été exploitées. La puissance de
l’occident s’est décuplée grâce au travail des nègres. La fameuse mission
civilisatrice n’a été que du mercantilisme. Les investissements réalisés
par les Européens étaient d’abord pour la métropole. L’Afrique
a connu le pillage de ses richesses, le travail forcé etc.…
Jacques Chirac ne s’est pas trompé en
affirmant dans un discours « L’Afrique
a été saignée à blanc pendant des siècles, on lui doit réparation. »
La colonisation s’essouffle à la fin des années 50.
Par stratégie et en vue de sauvegarder ses intérêts un néocolonialisme
lié à la mondialisation va prendre forme. Désormais les colons n’agiront
plus directement. Ils vont utiliser des valets locaux pour continuer
l’œuvre civilisatrice qui n’est rien d’autre que la perpétuation de leur
domination passée.
La mondialisation.
Selon le principe de la mondialisation, le développement du commerce
mondial est censé favoriser la croissance en imposant un rythme soutenu à
la production. Il faut donc « libérer » les échanges en
supprimant les droits de douanes et toutes les mesures publiques limitant
ou contrôlant l’accès au marché international ou l’entrée sur les marchés
nationaux.
Le libre échange présenté de cette manière est une
pure fiction. Les différences de situations entre les pays sont trop
considérables pour que le système puisse fonctionner.
Les états européens à travers ses institutions
internationales imposent le libre échange aux états africains.
Le libre échange n’est qu’un alibi de la domination
des pays européens. Leurs entreprises par ce biais peuvent pénétrer les
marchés africains et mettre la main sur ses richesses naturelles, imposer
des dictateurs, favoriser la misère et les Africains n’ont d’autres choix
que de fuir leurs pays.
Les effets de la mondialisation ne sont pas si
différents de celle de la traite et du colonialisme. C’est en cela que je
me pose la question suivante : L’esclavage à t-il réellement été aboli ?
Alors que les noirs ont été victime de l’esclavage du
monde Arabo-musulman pendant près de 1000 ans ; Alors qu’ils ont subi 400
ans d’esclavage de la part des européens on peut noter aujourd’hui que
ces mêmes noirs pour échapper à la misère sont prêts à rejoindre l’Europe
(ancienne terre esclavagiste) via le Maghreb (
où ils ont subit la traite arabe). Certains d’entre eux se cachent dans
les cales des navires marchands là où ils voyageaient jadis, pour
rejoindre l’Europe. D’autres se fabriquent eux-mêmes des
radeaux pour rejoindre les côtes espagnoles.
Quand on sait que de nombreux noirs étaient jetés
par-dessus bord pendant la traite atlantique, le nombre de morts
africains pour rejoindre l’Espagne ne peut que donner le
sentiment d’une histoire qui se répète à l’envers. Hier on quittait l’Afrique
de force, aujourd’hui on la quitte volontairement.
L’esclavage a peut-être été aboli, mais il continue à
imprégner les relations entre les Européens et les Noirs à travers la
fameuse mondialisation qui se fait toujours comme par hasard au détriment
des nègres. Les Noirs sont les nouveaux esclaves du système économique
mondial actuel. Hier ils étaient « Esclaves » dans les
plantations, puis sont devenus « Colonisés » sur leur propre
terre. Maintenant on les appelle les "Pauvres". Y’a
t-il une différence entre ces trois mots ?
Pour que l’esclavage soit réellement aboli dans la
tête des noirs il est nécessaire de nous inspirer de cette phrase de Thomas
Sankara :
« Dépasser le passé pour vivre libre, refuser
l’assistance qui développe la mentalité d’assisté. »
Les Noirs doivent prendre conscience de leurs
souffrances passées et actuelles pour en faire un moteur de développement
afin de soigner cette plaie inguérissable qui semble s’être logée définitivement
dans leur subconscient: l’Esclavage
Aziz Deme (Rouen)
Note: Info source : Aziz Deme
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