A.H.M.E.
ARTICLE 36 :
Pour
l'ouverture de l'histoire nationale
(par R'chid O/ Mohamed) mai 2007
Pour l’ouverture de l’histoire nationale
Nous savons qu’il est impossible d’écrire l’histoire sans prendre position par rapport aux problèmes politiques, sociaux et culturels, en raison de l’inévitable sélection subjective des faits qui doivent servir à la reconstruction du passé. Vers
la fin des années quatre-vingt, les détenteurs du pouvoir politique à l’époque
ont généreusement usé du « droit » à l’impossibilité de l’objectivité
en ce domaine. Ainsi, Certes, certaines tribus,
d’origine Sanhaja, revendiquaient déjà une origine arabe et surtout Qoraïchite,
mais pour des raison qui, si elles ne sont pas très éloignées des motivations
qui animaient leurs descendants, s’inscrivaient quand même, nous semble-t-il,
dans un contexte particulier, marqué par l’anarchie et l’insécurité entretenues
par des groupes guerriers pour lesquels la razzia est un moyen normal de
redistribution des richesses. A cette
époque, il La résurgence à la fin des années quatre-vingt de ce thème, devait justifier, selon les desseins de la minorité de ses promoteurs qui gouvernaient à l’époque, non pas l’épuration de la Mauritanie de toute présence négro-africaine, notamment par l’extermination physique, comme on l’a parfois exagérément soutenu, mais plutôt l’assimilation, la réduction, le refoulement et la domination des concitoyens négro-africains, ce qui n’est pas moins condamnable. La restructuration intervenue au sommet de l’Etat le 3 août 2005, du fait des déclarations de bonne intention faites par la junte qui l’a opérée, a suscité légitimement l’espoir de voir une telle idéologie disparaître définitivement de notre champ politique. Pourtant, la première partie du texte de l’historien et lauréat du prix Chinguitty, Hamahoulah Ould Salem, l’«origine des Maures» (Tahalil Hebdo, de janvier 2007), loin de constituer une rupture avec une telle conception, semble au contraire animé du désir de lui donner des fondements scientifiques ; puisque sa démarche – il est vrai- est assez éloignée des reconstructions mythologiques légendaires et incohérentes caractéristiques des approches traditionnelles dont les auteurs étaient des idéologues ou peu initiés aux méthodes modernes d’investigation historique. Ses qualités de chercheur et, -il faut le dire- son honnête intellectuelle, l’ont amené à accepter de situer l’origine de nos ancêtres dans le substrat du peuplement berbère d’Afrique du Nord lequel comptait, d’après l’auteur, des groupes d’origine juive. L’ampleur et la diversité de la documentation dont il fait état indiquent qu’il a utilisé beaucoup de temps et de ressources pour donner plus de crédit à son entreprise. Mais là où – si nous lui accordons le bénéfice de la bonne foi- nous estimons qu’il n’a pas été suffisamment critique, c’est lorsqu’il a affirmé que « …le groupement haratine (est) majoritairement originaire des peuples anciens libyco-berbères, notamment les Garamantes ou berbères noirs ». Sur quoi, en effet, se fonde-t-il pour avancer une telle hypothèse ? On ne sait pas. On sait seulement que la lecture de son texte permet de déduire qu’il cherche à démontrer implicitement qu’il n’y avait pas ou peu de noirs dans cette région, contrairement à une idée répandue et que donc ils ne pouvaient pas être considérés ancêtres de nos haratines actuels. Pour lui, en effet, les
« Aithiopes », c’est-à-dire les populations de race éthiopienne que
nous croyions des noirs jusqu’à la parution des textes de Ould Salem,
n’étaient, en fait, selon ce En réalité si les historiens
grecs depuis Homère, auquel nous devons les premières mentions des Nègres,
contrairement à ce que pense notre auteur, jusqu’à Strabon (63 av., 19 après
J.C) ont appelé certaines populations vivant au grand Sahara
« Aithiopes » (ou Ethiopiens), c’est bien parce qu’elles
appartiennent à la même race que ces derniers.
Et Hérodote fut en réalité plus précis et clair à propos de la race des
Aithiopes que ne le pense Ould Salem. C’est du moins ce que relève Engelbert
MVENG dans sa thèse de doctorat « les sources grecques de D’autre part, pourquoi vouloir « noircir » les Gramantes alors qu’aucune source, à notre connaissance, ne les présente comme tels ? N’est-il pas plus logique de
chercher les ancêtres des Haratines chez les nombreux peuples noirs, notamment
les Troglodytes » et les « Maurusiens » que Strabon présente
comme « En tout cas, Hérodote nous apprend que les libyens et les Aïthiopes sont les deux peuples autochtones qui vivaient au Sahara, Engelbert (…) (1972, p.154). Si, comme nous le croyons, le Sahara était habité par de nombreux Noirs, aux côtés de Berbères blancs, qui pouvaient être ascendants des Haratines de la société maure, pourquoi alors inventer le concept de « berbère noir » qui, de toute façon, ne peut avoir de sens autre que celui que revêt déjà celui de « maure noir ». Y a-t-il un désir inavoué de montrer « scientifiquement » qu’il n’y a aucune relation d’origine entre les Négro-africains et la majorité des Haratines authentiques ? On voit quelles sont les conclusions politiques qu’on peut tirer d’une telle affirmation. D’autant plus qu’elle est renforcée, selon notre professeur, par l’origine du mot « Haratine ». Ce dernier, nous dit-on, dérive du mot berbère « ahardhan » qui signifie le « produit de la liaison entre un berbère et une nègresse ». Pourtant, l’expression « Hartani » en hassaniya réfère davantage au statut de l’esclave affranchi plutôt qu’à son origine historique ou raciale. Pour évoquer cette dernière, on parle de « Soudani », lequel d’ailleurs désigne, à côté du mot « kawri », le Négro-africain, tandis que son ancienneté est donnée par le concept de «Nanmi ». Même les différentes appellations
sous lesquelles le pays était connu et désigné ont fait De plus, ces efforts sont d’autant plus vains qu’ils n’ont aucune emprise sur la réalité des problèmes concrets des Haratines, lesquels concernent une plus grande participation à la répartition des richesses du pays. Si la communauté linguistique, culturelle et historique est importante pour créer des sentiments de solidarité, ce n’est pas la recherche d’une commune origine raciale fictive qui peut les susciter. Les jugements et les
connaissances historiques ne peuvent et ne doivent faire l’objet R’chid O/ Mohamed
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