Ould Boulkheir, descendant d'esclaves et candidat redouté à la
présidentielle en Mauritanie
APA-Nouakchott
(Mauritanie) Messaoud Ould Bouljhier, candidat à la présidentielle du 18 juillet en
Mauritanie, n’en est pas à sa première candidature à ce poste. Il avait
convoité la présidence en 2003 et n'avait obtenu que 4,98% des suffrages. En
2007, il fera mieux avec un score de 9,8%.
Haratine (descendant d’esclaves) natif de la région
de Nema (extrême est à la frontière malienne) en 1943, Ould Boulkheir a été
arraché à sa famille à bas âge par ses maîtres qui l’ont envoyé à l’école
coloniale de cette ville. Une scolarité primaire normale, sanctionnée par un
C.E.P.E en 1956 et une admission au concours d'entrée en sixième en 1957.
Mais l’expérience du jeune élève au Collège Xavier Coppolani à Rosso
(Mauritanie) sera de courte durée car il ne réussira pas sa sixième et sera
exclu définitivement à la rentrée scolaire 1959/1960.
« Bien que reconnaissant tout à fait ma part dans cette exclusion, je demeure
convaincu aujourd'hui que si j'avais été « bidhane » (maure blanc), elle
m'aurait été évitée », se plait souvent à dire le leader haratine.
Immédiatement après son exclusion, le candidat réussit à se faire confier des
tâches de bénévole au secrétariat du Cercle de Nema, sa ville natale, avant de
participer à un concours direct pour le recrutement de commis ou secrétaires
d'administration au niveau national. En 1960, il est déclaré admis et muté dans
le cercle d’Atar (centre nord).
Commence alors pour Messaoud une lente ascension dans la hiérarchie
administrative qui le mènera successivement aux postes de chef d'arrondissement
(juillet 1972), préfet (1975), gouverneur adjoint (1979) et gouverneur
titulaire (1981). Entre-temps, en 1978, il a créé le mouvement clandestin El
Hor pour le recouvrement des droits des haratines.
Dans son
dernier poste de gouverneur, Ould Boulkheir ne restera que 3 mois avant de se
voir nommer ministre du développement rural dans le gouvernement issu du coup
d'Etat du 12 décembre 1984, qui vit l'avènement de l’ex président Moaouya 0uld
Taya.
Pour le militant Messaoud, c’est la première fois qu’un « hartani revendiquant
sa hartanité et la brandissant comme un étendard accède à toutes ces hautes
fonctions dans le pays ».
Le nouveau ministre devait cependant subir la rude épreuve de garder son
portefeuille tout en continuant de prendre part active à la lutte
anti-esclavagiste. En effet, après la publication du Manifeste négro-africain
(1986), Ould Boulkheir fit l’objet de fortes pressions visant à
l'instrumentaliser face à ses compagnons de lutte, ce qu’il rejeta
catégoriquement, payant le lourd prix: son limogeage du gouvernement, le 18
mars 1988.
Le candidat a été également de toutes les initiatives de constitution de
mouvements politiques de libération. Il initia les Forces Démocratiques Unies
pour le Changement (FDUC) et sera détenu en même temps que les cofondateurs de
ce mouvement (de mai-juin 1991 à fin juillet 1991) avant de participer
activement à la création de l’Union des Forces Démocratiques (UFD) dont il fut
le premier secrétaire général.
Mais la « difficile cohabitation avec des opposants de dernière heure finit par
me décider à quitter ce parti (où j'ai été sauvagement combattu par ceux-là
même que j'ai contribué à rapprocher) », se rappelle parfois Ould Boulkheir.
L’allusion est principalement faite à Ahmed Ould Daddah à qui il rendra
méchamment la balle en ralliant son adversaire au second tour de la
présidentielle de 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
En 1995, Messaoud fonde le parti politique Action pour le Changement (AC) sous
la bannière duquel il est élu député à l’Assemblée Nationale en 2001, ce qui
n’empêche pas Ould Taya de dissoudre arbitrairement cette formation en janvier
2002.
Bien que regroupant des haratines, des négro-africains et des bidhanes, ce
parti s’était étiqueté « raciste » par le régime de l’époque.
Ould Boulkheir tentera une nouvelle fois de se reconstituer politiquement en
créant le parti de la Convention pour le Changement, aussitôt banni par le
ministère de l’Intérieur. Il se résigne alors à intégrer l'Alliance Populaire
Progressiste (APP), aux penchants nasséristes, et dont il demeure aujourd’hui
le président.
En 2007, Messaoud est élu président de l’Assemblée Nationale à la majorité de
93 voix sur les 95 que compte cette chambre. En août 2008, il condamne aussitôt
le coup d’Etat militaire qui a renversé Ould Cheikh Abdallahi et « devient,
rapidement, selon ses partisans, le véritable meneur et inspirateur des Forces
démocratiques » (opposées au coup de force contre le président démocratiquement
élu.
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