Kobeni (Hodh El Gharbi): «Si on exécute
ce jugement contre ce marabout, ça va créer des tensions… »
Aicha Oumi Mint Brahim
Ould Elemine st venue de Kobeni (Hodh El Gharbi). Elle a
saisi l’Ong Sos Esclaves. Objet de la saisine : « les bien de sa
sœur, Zeinabou, décédée en 2003, ont été récupéré par un marabout chef
religieux.» Nous avons rencontré Aicha et son tuteur au siège de la Commission
nationale des droits de l’Homme à Nouakchott. Ils ont fait les
témoignages suivants:
Aicha Oumi Mint Brahim Ould Elemine
«J’avais une soeur de même père, Zeinabou. Elle est décédée en 2003.
Elle n’a pas laissé d’enfants. Elle a laissé 900 moutons, 120 vaches, trois
chevaux, deux charrettes, trois fusils et quelques ânes. C’est ce que nous
savons de sa richesse. Un homme, chef religieux, se déclarant maître de ma
soeur, a récupérée tous ses biens en 2004. Les biens de ma soeur me reviennent
de droit. Pour les reprendre, j’ai choisi un tuteur, Mohamed El Mehdi Ould
Sidi Mohamed Ould Hadj Amar, pour m’aider.»
Mohamed
El Mehdi Ould Sidi Mohamed Ould Hadj Amar
«Je suis enseignant de coran à Kobeni. Je suis voisin et ami de la
famille de Aicha. Nous ne sommes pas de la même tribu. Je connais son
père et ses soeurs. Je sais qu’un marabout, se considérant maître de la maman
de Zeinabou, a récupéré ses biens. C’est sur procuration de la
famille que j’ai saisi le Cadi (juge) de Kobeni en 2006. Ce cadi
a rendu un jugement demandant la restitution des biens à Aicha.
Il a envoyé trois convocations au marabout. Elles sont restées sans suite.
Faute de l’exécution de la décision du cadi, je suis allé voir le
ministre de la justice de l’époque. Le ministre a confié le dossier à un de ses
conseillers, Hamoud Ould Ramdane. Ce dernier a fait un rapport concluant
à une captation d’héritage à caractère esclavagiste.
Le ministre a transmis le dossier au procureur général près la cour suprême
pour exécution du jugement. Ce dernier a écrit au procureur général près la
cour d’appel de Kiffa (compétente pour le Hodh El Gharbi). Ce
dernier a écrit au procureur de la République d’Aiouin pour
exécution. Le procureur d’Aioun a fait état d’un défaut de formule
exécutoire.
Je suis reparti au tribunal départemental de Kobeni et la formule a été
faite. Le cadi a proposé une exécution à l’amiable. Le greffier
est allé voir le marabout qui a refusé. Je suis retourné chez le cadi qui
a fait état de son impuissance. Je suis allé alors voir le procureur à Aioun
en 2008, au moment de la visite du ministre de la justice dans cette ville.
J’ai fait état de l’inexécution de la décision. Quand j’ai commencé à parler au
ministre, le wali lui a dit qu’il s’agit d’une affaire privée. Le
ministre m’a demandé de me taire et les gardes m’ont fait sortir de la
salle. Dans l’après-midi, j’ai été rappelé. En présence du procureur, du
président du tribunal départemental de Kobneni, du wali et du
ministre de la justice, je suis revenu sur l’intégralité du dossier.
Le wali, s’adressant au ministre, a dit : ça ne me concerne pas mais je
vais te faire comprendre la situation. Si on exécute ce jugement contre ce
marabout, ça va créer des tensions dans tout le pays. Donner moi le temps de
convaincre le marabout pour qu’il restitue les biens. Je n’ai pas accepté cette
proposition du wali. Le lendemain, le ministre est retourné à Nouakchott.
Jusqu’à ce jour rien n’a été fait. C’est pourquoi, nous avons saisi les ONG défenseurs
des droits de l’Homme.»
03.06.09
Témoignage recueillis par Khalilou Diagana
Source : Le Quotidien de
Nouakchott
Tiré de www.cridem.org
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