A.H.M.E.
ARTICLE 297 :
Musique et danse chez les Haratin de Mauritanie :par le Dr. Abderrahmane N’GAIDE**,Enseignant-chercheur au Département d’Histoire de la FLSH de l’UCAD
« Les chansons sont l’histoire d’un peuple, vous pouvez apprendre
plus sur les gens en écoutant leurs chansons que de toute autre manière, car
dans les chansons s’expriment toutes les expériences et toutes les blessures,
toutes les colères, toutes les craintes, tous les besoins et toutes les
aspirations » La Mauritanie est un pays à mi-chemin entre l’Afrique au sud du Sahara et l’Afrique dite « blanche (1)». Elle a été une terre de rencontres et de négociation des cultures. Même si cette dernière a été, souvent, faite dans la douleur des conflits et des razzias, elle a engendré de nouvelles formes de sociabilités qui ont donné naissance à une culture hybride dont la richesse reste mal connue. Celle des Haratin demeure étouffée à cause de plusieurs paramètres qui tiennent très souvent au fondement hiérarchique de la société maure (2). En effet, l’entité haratine souffre d’une stigmatisation liée à une situation particulièrement lourde qui influe non seulement sur sa conscience, mais aussi sur l’ensemble des manifestations de son humanité. Les peuples noirs, trouvés sur place ou capturés après les razzias, ont été réduits à l’esclavage et assimilés à la culture arabe. Mais ils gardent encore en eux des traits caractéristiques d’une culture enfouie dans leur âme et qui s’exprime à travers leur genre musical qui s’apparente, sans exagération, au gospel américain. C’est une longue litanie qui valorise les faits marquants de l’Islam, qui détermine une rencontre et institue un regard et surtout, un espoir formulé dans les chants panégyriques dédiés au Prophète de l’Islam, à sa beauté subliminale et à la félicité dans l’au-delà, le Paradis, lieu d’une liberté éternelle retrouvée. Cette contribution va trier, structurer les sons et définir les gémissements inaudibles d’un désir de liberté et d’un sens de l’honneur enfouis dans le medh. S’agit-il vraiment, dans le cas de cette musique, d’une expression de loisir ou d’un canon de production culturelle, d’une attention forte pour la liberté, d’un désir intense d’intégration à la société d’accueil ou d’une simple volonté de jouir des délices annoncés du Paradis et promis aux fidèles ? Rencontres et surgissements En Mauritanie, les Haratin portent les marques indélébiles de leur origine servile. Mais restent enfouies en eux aussi, comme un substrat de leur personnalité, leurs origines ethniques diverses. Ils sont indexés et souffrent une stigmatisation doublée d’un mépris outrancier de la part des autres membres des communautés constitutives de la pluralité ethnique de ce pays (3). Elles reproduisent au fil du temps des préjugés hérités de la pratique de l’esclavage et de la marginalisation socio-économique qui en résulte. Dans cette entreprise d’exclusion, les chants religieux apparaissent pour les Haratin comme un véritable marqueur non seulement de leur identité, mais aussi de leur incorporation socioreligieuse dans un ensemble qui, tout en les « intégrant », les désintègre. La musique est non seulement un moyen de communication mais aussi un révélateur de leur humanité et de leur singularité dans le foisonnement des modèles (dans le sens de normes considérées comme « humanisantes ») culturels mauritaniens. Dans l’Antiquité, Platon, dans sa conception de la République, avançait l’idée selon laquelle qu’en portant atteinte à la musique, l’homme ébranle les plus grandes et importantes lois de la Cité. Analysée dans cette perspective, la musique divorce d’avec le simple agencement de sons, de rythmes, de tambourinages, de cris, de battements de mains, de transes et d’exaltation. Elle épouse la forme d’une attitude, d’une affirmation sociopolitique et devient une expression de réalités qui dépassent la simple physiologie et s’accouple aux contours politico-culturels dont elle incarne et le support et la philosophie. Le medh des Haratin, sons, sens et transes inconnus du monde et dissimulés (disséminés et éclatés (4)) en Mauritanie, fournit une illustration particulièrement intéressante de ce que l’âme de l’esclave peut traduire et peut imposer dans la nuit cauchemardesque du maître. Par son contenu, le medh est, incontestablement, porteur d’un sens et d’une vision d’être et de comportement dans un univers contraint dans le moule de l’hostilité et de l’animalité subite de l’être humain. Voix éruptives, émotions comprimées : naissance d’une geste Avant
de répondre à cette interrogation, il est utile de fixer le cadre normatif et
conceptuel de la culture musicale des Haratin (5). Deux
manifestations en véhiculent les sens : le medh et le redh
dont les ressources me semblent être inspirées de la culture négro-africaine et
de la culture arabo-musulmane. Le premier se singularise par un fort accent
religieux. Le contenu des chansons est d’inspiration musulmane, car consacré
aux louanges du prophète Mohamed et du message dont il est porteur. De ce fait,
il est chanté la veille du Vendredi, jour sacré dans le calendrier hebdomadaire
musulman. Le second par contre, exprime la marque de servilité de cette
catégorie sociale : le chant, dans cette situation est un exutoire et le redh
qui est une danse exécutée sous les rythmes du tam-tam et de la flûte (Neyfaare),
constitue le canon expressif des jours de l’esclavage, mais aussi d’une
libération même momentanée. Le redh a une connotation de jeu, de
distraction, d’enfance et son côté ludique et surtout émotif fermente son
essence païenne. Il ne peut, de là, qu’être l’œuvre d’individus pris dans les
rets de l’esclavage ; ceux-là qui n’ont aucune capacité autre que de rester
dans l’enfouissement de leur être dont ils ne maîtrisent point la réalité de
l’existence. Et pourtant, ici, l’image du maître épouse toutes les caricatures
à travers des figures de styles poétiques : il est dépeint sous les sarcasmes
de la souffrance infligée, intériorisée et extériorisée un moment. Les voix explosives et mélodieuses des femmes se meuvent dans le sillon de l’arrachement du milieu d’origine, de la déchirure et de la cicatrice d’une « intégration-marginalisation ». Au fond du tambourinage sonore, se détachent comme des lambeaux d’autres voix qui exhortent l’Assemblée à plus de vivacité (Eywe El vowgue : encore plus haut) ou à plus de sérieux dans le respect de la nuit (9). La musique serait-elle prisonnière de l’image insoutenable de la modernité qu’elle peut incarner ou de l’immanence douloureuse de la période qu’elle décrit (10)? Elle nous semble recouvrir les deux dans leur rencontre créatrice : celle qui donne à l’œuvre toute son importance. Il ne peut pas y avoir qu’une simple musicalité dans l’œuvre qui se réalise. Elle s’épanouit de la profonde sensibilité fondatrice de son audition. Le rythme soutenu et la tonalité s’accordent dans les sons et s’enchevêtrent dans leurs significations. Ils forment une œuvre entière, complète et imposante dans sa rythmique instituant la sensibilité que suscite l’émotion. Cette idéologie du chant et la philosophie mystique qui la sous-tend ont pour but de re-personnaliser (de ré-humaniser) les Haratin. Les maîtres les pensaient et les pensent dépourvus d’honneur car pratiquant le redh, version païenne encore hybride de leur culture, qui nécessiterait d’être dégagée de son paganisme afin d’aspirer à la vraie culture : celle des Arabes et des musulmans par excellence. Tout ceci participe profondément à la structuration des mélodies, à l’ambiance et aux charges symboliques qui alimentent cette soirée sacrée. Souffle de l’âme saisie par les transes, émotive, elle réclame, dans l’authenticité de son être, la liberté, statut fondamental qui permet sa réalisation. L’œuvre musicale s’accomplit. Elle se déploie et se redéploie en concert avec les étincelles qui jaillissent du frottement des chaînes. La disgrâce du maître se surprend, elle s’enchaîne dans le déchaînement vocal des mélodies. Elles sont pleurantes une nuit. Cette nuit de sobriété, mais aussi de soif de liberté et de réalisation. Elle efface les traces des pleurs internes. Les ardeurs du travail renforcent l’âme libérée des Haratin cette nuit (Jeudi) et ce lendemain saints (Vendredi). Odeurs et sueurs se mêlent. Elles s’entremêlent et se mélangent. Les salissures, les déchirures et la cicatrice s’alimentent dans l’antre d’un écartèlement sociologique et d’un déchirement identitaire. Les Haratin tentent de refaçonner cet être durant toute cette nuit où ils réinventent leur culture. Son spectre plane au-dessus des demeures des maîtres pris entre les rets du sommeil et des cauchemars. L’esclave étend sa voix. Elle s’entend au loin (11). Les voix s’intègrent dans un seul mouvement : celui du désir de liberté, mais aussi de libertinage (12). L’espace public nocturne se caractérise par les voix et les échos qui leur répondent. Il est sonore. La nuit est porte-voix. Elle est voix et voie de/vers la liberté. Et l’esclave et sa culture envahissent l’espace public « en tant que subjectivité(s) primordiale(s) ayant perdu la conscience de sa nature antérieure », mais se réalisant dans sa dissidence, pour reprendre les termes d’Adorno s’exprimant dans un autre contexte (13). Dès lors, ces rencontres ne peuvent épouser les simples canons de la réjouissance. C’est le maître malade de son manque d’inventivité en dehors des canons de la révélation, du Livre et de tout ce qui s’apparente à une litanie (dogmatique) qui trouve dans tout ceci un jeu d’esclaves. L’industrie culturelle, elle, tente de l’emprisonner par les vertus du numérique et pour le bonheur des membres de la nouvelle tribu « d’exotiaques »(14). Les désirs de liberté et d’affirmation de soi sont vite détournés de leurs chemins et robotisés dans les couloirs des maisons d’enregistrement, des circuits de ventes et des réseaux de piratage. Ces expressions ne sont que réminiscences de traditions millénaires, devenues presque répétitives. Il faut les sauver de la péremption. Dès lors, on ne voit en elles que des manifestations du sensible voire de la sensualité et de l’enfance du monde qui les a engendrées. Comme le souligne de manière pertinente Jean-Godefroy Bidima pour l’art africain en général, la marchandisation répond à « cette transformation de la valeur esthétique/culturelle en valeur économique qui constitue l’une des composantes du phénomène de l’industrie culturelle décrit par Adorno et Horkheimer » (15). Il va plus loin et explicite cette idée en affirmant que « la nouvelle marchandisation ici s’appelle le folklore qui prolonge le vieux fantasme de l’exotisme comme défouloir, faire-valoir et dépotoir de tous les appétits et de quelques frustrations » nés depuis la nuit coloniale et qui se prolongent encore aujourd’hui sous le manteau des « mécènes » (16). Pour éviter d’être considéré comme un imitateur de l’intelligence musicale occidentale, je tiens à signaler que je ne m’inscris pas dans le même sillage que les analyses, pertinentes du reste, d’Adorno, quand il disserte sur la « Philosophie de la nouvelle musique » à partir des cas de Schönberg et de Stravinsky (17). Pour moi, dans cette esquisse, il ne s’agit pas seulement et uniquement d’analyser ce qui peut être considéré comme musique et mélodie mais aussi et surtout de comprendre comment elle a légèrement échappé (18), par son essence et sa marginalisation délibérée, à la récupération par l’industrie culturelle, la technique, la World music (19) et les classements du Top 50 (20). Toute cette technique met l’exotique et ce qui est pensé comme une rareté, pour ne pas dire la « sauvagerie » au service de la modernité et de la rentabilité qui sous-tend son expansion. Je souhaite mettre « en relief l’unité » de cette catégorie sociale dispersée mais qui présente d’incontestables souvenirs communs et surtout un destin tragique à partir de tout ce qui lui vient de son âme, s’adresse à elle et l’enveloppe en même temps. C’est à partir de ce constat qu’il faut tenter de saisir, les manifestations culturelles qui prennent formes (symboliquement) à travers le medh (21) et le redh. Cette symbolique n’emprunte point les chemins d’une modernisation castratrice. Elle s’alimente dans la sève de la mise en scène d’un sujet chantant et tremblant devant la réalité de son être. Il se rend compte de sa centralité dans une société qui l’opprime en tentant de lui nier toute son essence humaine. Enracinement, détachement et subtilités émotives haratines La profondeur musicale qui structure l’essence du medh se déploie dans l’histoire de la guerre, de la soumission, mais elle s’effectue aussi dans l’avenir formulé dans la félicité future des âmes dans l’au-delà. Le sourire du Prophète, la beauté incontestée de ses traits physiques (22), la blancheur immaculée de ses dents et la lueur qui se dégage de son front (23) s’expriment à travers ces voix exaltées, saisies d’un tremblement intérieur qui définit cette rencontre tant attendue au Paradis, lieu par excellence de l’égalité, de l’unité et de la liberté éternelles. Le medh est une communication-communion. Dans son auto-réalisation, se déroulent des « figures d’esprits, de souffles, de divinités ». Il est resté une véritable archive spirituelle. C’est un vestige qui témoigne du façonnement d’une personnalité, mais aussi d’une identité culturelle revendiquée mais encore inconsidérée et dont la force physique est toujours sollicitée pour les travaux domestiques mais aussi pour les meurtres (24). Les esclaves créent leurs codes d’expression qui deviennent incompréhensibles pour les maîtres. Ils braconnent dans la culture dominante et inscrivent les modalités de leur créativité dans l’ensemble culturel en mouvement vers son devenir. Les éléments étrangers ou étranges tendent à s’ériger en modèles indépassables par leurs multiples enracinements. Ils se métissent avec les canons de la civilité instituée tout en restant originaux car portant les marques indélébiles de leurs inventeurs : ceux qui sont décrits comme vivants dans une négativité indépassable. Ils portent encore des marques indélébiles de la capture. L’âme musicale se surprend agissante au milieu de l’évocation presque nostalgique d’un paradis pourtant inconnu et d’une liberté non encore consommée. Tout ceci peut paraître paradoxal. La vie, temple de la liberté, se chante et dans son sillage sonore, des lambeaux (applaudissements, chuchotements… et autres bruits étrangers à la chanson liturgique elle même, éléments qui garantissent une part de son esthétique) s’inscrivent comme des éléments déterminants de la profondeur spirituelle du medh. Elle n’est point une mélodie vendable. Elle est réfractaire à l’économie de la musique marchandise. Elle s’écoute une nuit et se savoure dans les délices sobres du décor qui la supporte. Elle est accessible par sa sensibilité partagée, mais aussi interrogative car elle exprime, dans toute la profondeur de son orthographe et de sa grammaire, un moment et un lieu d’expression de la liberté rêvée. La technologie perd ici son sens ordonnateur du corpus et du fond musical qui le supporte : le moment de sa naissance, ses balbutiements. Elle ne s’écrit pas, elle se crie, elle se psalmodie comme des versets coraniques. Elle est intégrée au corps et en irrigue les veines. Ce rythme angélique sourd de cette âme profonde qui tente de rompre les chaînes de l’obscurantisme. Elle veut échapper à cette atmosphère ambiante d’oppression sociale instituée par les maîtres. Le chant se libère. Il se déchaîne comme une force intérieure par sa puissance et son essence. Il exprime une révolte par sa litanie et les louanges qu’il véhicule. Et, dans toute cette musicalité non codifiée, l’esclave exprime un refus. Il se dépouille des stéréotypes et des stigmates (25) qui lui assignent un statut d’inférieur dans la hiérarchie sociale, qui l’isolent et l’emprisonnent dans une enveloppe purement bestiale. Le contenu des chants et leur tonalité n’ont d’importance que liés à l’attente pensée et rêvée paradisiaque, éternelle et infinie. Ainsi donc, il n’existe et ne peut exister aucune «connivence (26)» possible « avec l’auditeur » ou le spectateur : cette connivence ne pourrait que dénaturer la musique et son essence première. Sa vocation n’est point d’être entendue sous la forme d’un concert, mais seulement sous les aspects d’une spiritualité assumée où le sujet s’affirme comme acteur réel et conséquent de ce qu’il pense véhiculer : sa ferveur spirituelle qui dissimule très mal son désir de liberté. Il est impossible de saisir le sens des chansons et des transes qui se déploient hors du réel et du vécu quotidien des esclaves. Elles s’inscrivent dans ce réel et s’alimentent dans ses limons les plus profonds. Elles y prennent racines et s’abreuvent à sa sève. Aucune subjectivité ne peut être ici analysée. Tout procède de la volonté de se singulariser et de conquérir cet espace d’expression qui est enveloppé dans un voile tissé dans les subtilités qui investissent les règles de conduite sociale de toute cette partie de l’Afrique. C’est un braconnage culturel et cultuel. Le sujet existant (ou souhaitant se réaliser) se dissout dans l’âme libérée, dans le Paradis rêvé. Cette extériorisation d’une nuit s’évanouit dans la sublimation de la liberté qui puise son essence dans la transfiguration de l’oppression socioculturelle. Il y a comme une forme de « défétichisation » (exorcisme) du principe inspirateur de l’esclavage et de l’aberration qui l’institue. Rassemblés durant cette nuit sacrée, ils affirment au moment de cette rencontre la douleur et les stigmates, les meurtrissures et les déchirures profondes qui peuplent leur univers symbolique et les rapports avec leurs maîtres. Ils se libèrent de toutes ces souffrances. Leur neutralisation, par/dans les chaînes, devient simplement un mirage et l’esclave retrouve « sa propre substance critique » qui s’exprime dans la vision enivrante de cet au-delà idéalisé. L’au-delà devient donc le lieu de la réalisation car tout musulman pense que la vie après la mort est le lieu et le seul territoire de l’érotisme (et non l’ésotérisme) et de la jouissance qui l’accompagne. Ici, le temps évoqué n’est pas celui que nous vivons mais celui que nous devrons vivre : l’éternité. Il est un devenir sublimé dans l’évocation. Le lieu, décrit par le Coran, n’est pas celui, hostile, que nous fréquentons de manière quotidienne. Le temps est infini et le lieu doucereux où l’abondance, la sexualité et la jouissance dans son acception la plus large (son coït, infini coït) sont au rendez-vous. Cette exaltation est amplifiée par le désir aujourd’hui exaucé par les promesses de l’au-delà. Le medh totalise et exprime toute l’ontologie de l’esclave et son attente formulée dans les termes de l’ailleurs. Les fantasmes rencontrent ici les mythes qui entourent les délices du Paradis (27). Ils le libèrent de toutes les carences, des situations négatives de la vie ici-bas et l’installent dans le lit de la raison et d’une « humanité apaisée » des razzias qui ensanglantent de manière symbolique, encore aujourd’hui, les relations intercommunautaires. Le vocabulaire du medh est peuplé de ce qu’on pourrait appeler « l’ubiquité de la routine » (28). Mais dans le medh, la routine n’a aucun sens négatif. D’ailleurs, seule l’ubiquité de son sens valorise la profondeur de son énigme devenue naturelle par sa répétition. La répétition signifie ici une revendication permanente, renouvelée et exigeante. Elle s’impose par son présent. Au-delà de son essence religieuse, le medh exprime un mode de revendication subtile. Il ne demande point de mécène et il est écouté par tous ceux qui veulent sentir leur âme se libérer de la violence qui l’habite. Elle se vide de Satan. Le medh est donc libérateur dans son essence et dans son acception. Il est le moment de la symbiose avec la liberté bridée le jour, mais libre la nuit. Nous sommes dans une nuit désenchantée. Le son saccadé rencontre la nuit et son évolution vers la libération : la clarté imposée par l’aube. La nuit est le domaine de la sorcellerie, mais aussi d’extériorisation des tensions sociales inexprimées et étouffées des jours durant. Elle se décline comme lieu et/ou comme champ du possible envahis, tous deux, par des voix. Ces dernières déchirent l’obscurité et émergent concises et claires. Elles sont larmes et lamentations, souvenirs et espoirs, car les esclaves échappent aux labeurs, aux souffrances et aux multiples punitions qui les rythment. Le medh inspire et institue le « relâchement de la tension interne (29) » des jours de labeurs et de servitude. Le medh est pur. Il est d’une grande limpidité. Il ressemble au qawwali (30) pakistanais dans sa rythmique et la déclinaison des voix qui le soutiennent et qui l’alimentent (31). Il est sans tâche, mais laisse des traces indélébiles sur tous. On le raconte le lendemain dans la rigueur et l’ardeur du soleil et du travail. Il fut un lieu de rassemblement, d’extériorisation et d’épanchement, d’initiation mais aussi un moment incontestable de valorisation. Les voix qui s’élèvent dans la nuit et qui s’évanouissent dans les transes totalisantes de l’âme de ces esclaves dessinent aussi les contours de leur identité. Car la musique « pourrait être envisagée comme un puissant vecteur identitaire » (Raibaud 2005 : 323). Mon analyse s’oppose à la publicité marchande dans son sens purement mercantile qui conduit vers un glissement répondant à l’exigence de l’auditeur extérieur – ici européen - alors que la vocation du medh s’impose à la lucidité de celui qui perçoit les sonorités musicales qui le portent, du contenu de ses chants et surtout des transes qui composent ses différentes nervures. Si la musique traditionnelle européenne fut fille d’une profonde esthétique musicale, celle qui a tenté de la formaliser dans la technicité l’a jetée dans les profondeurs insoutenables de la modernité économique : l’industrie culturelle et ses intrigues. D’où l’obsolescence de toute possibilité de rencontrer les autres dans leur œuvre désincarnée. De là elle devient reproductible (distribuable) alors que son essence est d’être comprise dans ses mots, les maux qu’elle exprime et les lambeaux qu’elle traîne. Elle n’est écoutable que le moment de son exécution et, en dehors de cet instant, elle devient archive, domestique et perd son esprit d’inspiration, sa « sauvagerie » et donc son effectivité. La profondeur religieuse de la litanie musicale qui sourd du medh se déroule comme une image perdue, orpheline de sa mise en scène et de l’éblouissement qu’elle produit sur les autres. Le chant se décline comme une blessure incicatrisable, les larmes sont asséchées par la mise en scène qui s’inspire d’une rencontre assumée. L’ivresse sourde de la chanson brise les chaînes de ces êtres pétris dans les rigueurs de la servitude. Clef ensorcelante de la nuit : le rûh (32) L’Afrique et ses hommes ont subi l’outrage d’une déchéance dont l’âme plonge ses racines dans la négation de l’être dans son essence et en tant que lieu et centre de l’intelligibilité. Les chants et les pleurs qui sortent des tripes ensanglantées, nostalgiques des soirées de clair de lune et des profondeurs d’une religion « traditionnelle », du paganisme institué comme le sceau indélébile de l’égarement, de l’évasion, de l’enivrement et de la sauvagerie blasphématoire. On y voit une enfance « mystique » (al asnam (33)) bercée dans les rythmes endiablés que résume la couleur de leur peau et la sensibilité émotive qu’expriment leurs voix touchantes, tranchantes, tranchées et déterminées à accomplir et à signifier une liberté confisquée dans un langage insoupçonné des maîtres. Le jour ou la nuit de la résurrection sont convoqués comme témoins indéfectibles et libérateurs de ce jour d’obscurantisme qui peuple la force et la cruauté de la razzia (rezzou) qui a dispersé l’unité et qui a subjugué les faibles. Ils sont, dès lors, ceux-là qui doivent être civilisés, enseignés, humanisés et lavés de la souillure de leur culture enfance du monde, marge de la civilité et incongruité humaine. La chaleur du désert fait couler les sueurs du labeur du jour et les larmes de la souffrance et de l’absence qui s’enracinent dans la sensibilité ou dans la recherche d’une origine perdue et enfouie dans la mémoire de la fracture et du déchirement subis. Les voix épousent la gravité de l’événement vécu dans la réminiscence d’êtres meurtris par les rigueurs de la prise, de l’enchaînement, du déracinement et du voyage sans retour (voyage d’acculturation bien entendu) au son des sabots, des cris « vainqueurs » des guerriers, des halètements des chevaux et des sueurs humaines qui se mélangent à celle des pur-sang arabes, chevauchés par les razzieurs. Ils sont attachés. L’esclave résume un moment, un lieu, une guerre. Il en porte les stigmates et en décline la férocité des combats au nom, dit-on, d’une culture prônée supérieure. C’est le prisonnier dans sa dimension insupportable voire insoutenable. C’est l’instant de la prise. C’est le moment de la corde (h’bel) et des entraves, du fouet, des restes, de la marginalité et de la soumission. C’est le moment de la conversion qui les libère des entraves du paganisme et de la sorcellerie. Cette conversion s’exprime dans la magnificence de l’Être Suprême et de son Envoyé. Et tout ceci tente de dissiper la puissance du maître, de son statut et de ses attributs divinisés car il est non seulement maître du corps de son esclave mais aussi de son psychisme. Cet être est ramené au stade de l’enfance de l’humanité. Sa situation sociale épouse les contours des chaînes de la servitude instituée par les règles d’une religion pourtant dite et pensée tolérante. L’être humain se trouve dévalorisé car symbole d’une prise comme à la pêche ou à la chasse. C’est un trophée, un gibier dans le sens étymologique du terme. La force de la musicalité du medh rend audible toute la structure de la chanson intérieure. Elle devient mots et prières. La mystique se trouve ainsi assourdie et traduite dans la transe, la solennité du moment et la ferveur qui, tous deux, commandent l’attente de cette seule nuit de liberté voire de ‘’libertinage’’ et de sueurs. La nuit, dans son obscurité, devient symbolique non seulement des chaînes mais aussi du guet-apens et de l’attaque par surprise. S’attaquer aux autres épouse les contours de l’obscurité, de la conspiration et de la volonté de nuire. Mais le medh, déclamé par des voix normalement silencieuses – ou décrétées comme telles, s’impose dans la nuit de l’obscurantisme et alimente le désir et surtout la volonté de se libérer, et de libérer l’âme du maître qui voit dans cet acte nocturne une simple forme de réjouissances d’esclaves repus. Mais, pourtant, c’est bien son espace d’orgueil qui est violé et violenté par la voix libre qui s’élève dans la nuit et qui tout en rendant hommage au Prophète de l’Islam, exprime une liberté. L’esclave se fait voix dans l’obscurité de la campagne ou du campement, dans la nuit des chaînes et de « l’ignorance ». Les maîtres dans leur nuit copulative n’entendent que les échos lointains d’une subversion qui prend l’aspect de louanges. Ils entendent des voix, des sons et n’en retiennent que l’aspect jubilatoire d’esclaves en transes. Le rassemblement produit un tableau sonore fait de cris, de pleurs d’âmes sensibles. Les maîtres dénient à leurs esclaves la profondeur mystique et politique de cette nuit sans comprendre les tournures de ses thèmes et de ses tempos. Les chants, dans leur contenu symbolique, deviennent secondaires dans la mesure où c’est l’esclave et seulement l’esclave qui « vocifère », animal égaré, désemparé devant son incapacité de comprendre ce qui lui est arrivé, ce qui lui arrive et ce qui lui arrivera. D’ailleurs a-t-il les moyens de comprendre, lui dont le principe premier est l’immédiateté dans le sens de Hegel qualifiant tous les nègres (34) de la terre ? L’étrangeté et la monstruosité de l’âme de l’esclave s’accomplissent de manière sauvage à travers l’enivrement par le chant, l’exaltation qui résulte des louanges et des pulsions qui en découlent. Les pulsions seules sont retenues car elles permettent aux esclaves d’avoir une sensation de liberté provisoire. Ce sont des êtres sensibles incapables de comprendre et de maîtriser la philosophie qui fonde le message de l’Islam. Ils n’en connaissent que la version folklorisée, le rythme (35) et non la raison (36). Alors que les cordes vocales se dilatent, les voix se déchaînent et brisent les chaînes de l’âme prisonnière des labeurs dans les oasis, derrière le troupeau, à la cuisine et/ou aux services amoureux du maître dont l’appétit sexuel doit être satisfait à tout moment. Elles deviennent donc âmes profondes (rûh), source de vie, mais aussi site de la blessure infligée par le biais du fouet et des différents châtiments corporels. Le yallali qui se détache du fond sonore fait sourdre la souffrance. « Il n’y a de Dieu que Dieu » (La Illaha Ila Allah) se transforme en pleurs libérateurs des chaînes. Le jour de la résurrection chantée devient le seul horizon d’une rencontre entre le maître et son esclave. Les rigueurs de l’enfer se perdent dans la douceur de la nuit, mais aussi dans l’abnégation du chant en chœur et c’est en ce moment que l’esclave esseulé intérieurement lance son beurr (37) qui sonne comme un véritable cri de libération. Le beurr s’impose comme un stigmate sonore au fond du tableau et devient ainsi un élément intégré et indispensable à l’ensemble. Il redonne au groupe un nouveau sang. Il participe du chant et agit comme une demande de redoublement des efforts. Et, pourtant, il est un élément prégnant du redh. Le redh : version païenne de la culture haratine ? Le redh est une expression débridée et païenne qui entre dans l’esthétique de la musique et de la philosophie des Haratin. Plusieurs instruments entrent dans sa réalisation. La flûte (neyfaare) émerge comme son d’introduction et comme âme d’un ensemble. Ce son vivace remplace celui des voix mélodieuses qui rythment l’espace du redh. Contrairement au medh, le redh est aujourd’hui, dans sa version urbaine (le jaguar (38)) envahi par la guitare électrique qui lui donne une nouvelle expressivité. La flûte occupe l’espace du chant absent et rend la profondeur du souffle audible. La respiration rythmique du «souffleur » transporte dans son déploiement l’âme de l’ensemble. La flûte chante comme le saxo et la trompette (39). Le joueur du neyfaare agit de la même. L’instrument transmet par des sons (sonorités) les fibres tremblantes d’un ensemble uni et inséparable. Celui-là qui s’érige maître d’une situation et d’une communion avec l’âme. La flûte du redh est souvent esseulée car demanderesse d’une écoute qui renforce son essence. Elle dégage de son fond des sonorités douces, aiguës et perçantes. Elle exprime et la joie et la tristesse. Elle s’introduit et prend place au milieu de ce que j’ai appelé tâches. Les tâches deviennent sonores, audibles et participantes par la rencontre de leurs mélodies respectives. Elle forme la symphonie de l’ensemble. Elles s’imposent car ce sont les âmes présentes qui les laissent sourdre de leur intérieur démangé par le désir ardent de liberté. L’esclave, à travers son chant, son silence, se découvre porteur de l’idée et de l’essence de la liberté. Il est liberté emprisonnée dans le corps tendu. Elle épouse la forme de l’esprit et puise en son sein sa vitalité. L’esprit devient subversif. La liberté est par essence subversive. Le medh et le redh expriment ainsi une subversion et la profondeur des âmes chantantes et dansantes, et la musicalité des instruments (le tbel et le neyfaare) qui se déploie n’est qu’une instrumentalisation consciente de la liberté qui refuse de se reconnaître alors qu’elle est agissante. Mais dans son déploiement, les autres (les maîtres) pensent tout simplement à la sentimentalité qu’ils voient partout où l’esclave se manifeste. Le medh et le redh s’accouplent et libèrent de l’étouffement. La culture servile naît du refus systématique de l’oppression et d’une demande de reconnaissance des autres, dans ce qu’ils sont. La culture servile est celle qui s’impose et qui refuse d’être l’objet d’une simple excroissance. Elle surprend le mensonge du maître. Le maître a menti sur l’autel de la vérité. Alors que l’esclave, lui cherche cette vérité au-delà de la sphère du maître. Il la trouve céleste, douce et incontestable. Et à partir de ce moment l’âme s’envole, elle se déchaîne à sa rencontre pour être et devenir au-delà du jour de son emprisonnement. Et le redh perd son sens de jeu et épouse les contours d’une nostalgie des nuits d’origine, du où et du lieu dont le principe est la diversité. Les Haratins résultent d’un métissage multiple, l’une des plus grandes caractéristiques de cette partie de l’Afrique. Ils forment un véritable trait d’union entre les deux Afrique sans l’opposer l’une à l’autre. La danse vigoureuse, dans le redh, rappelle-t-elle les débats (se débattre) pour refuser d’être attachés, leurs pleurs, la nostalgie et toute cette énergie déployée pour s’opposer à celle de ceux qui entravent leur liberté ? Les cœurs suaves des chanteurs sonnent comme des pleurs intériorisés, devenus rythmes et convergence entre les lamentations d’une âme déchue et supposée ‘’sauvée’’ de la méchanceté de l’Enfer réservé aux mécréants. Conscience identitaire et/ou dissidence culturelle ? La culture servile est donc cette tâche indélébile qui prend un relief particulier dans le paysage culturel arabo-berbère. Elle reste difficilement identifiable et acceptable par les maîtres. Pourtant elle y prend racine. Mais elle reste inaudible à travers ses mélodies subsumantes (à l’image de toutes ces sonorités qui structurent le qawwali). Elle s’intériorise dans l’enveloppe soufie et s’effectue cachée dans sa phase de formalisation esthétique. La culture servile, c’est tout ce qui ne peut pas s’exprimer en dehors des normes édictées par les maîtres et centrées autour de leur culture pourtant hybride. Les maîtres croient être au début et à l’aboutissement de tout. Ils « se » pensent comme une totalité : le summum de la perfection humaine. Et, pourtant, les esclaves ont réussi la perfectibilité musicale - musicalité intuitive - celle qui s’entend sans s’apprendre car elle est en déploiement permanent. Elle est répétitive, mais saisissable dans l’âme de celui qui pleure. Énigme ! La culture servile s’exprime dans/comme une véritable salissure (weskh), au milieu de la norme (tbeydhin), une sécession, une dissension, une fracture (limdeghdegh) qui appelle le deghdigh dans son sens de viol, qui s’enracine dans les sources de son refus d’admettre le fait pensé accompli. C’est la nuit (dhalme, obscurité). En effet, la culture prônée accomplie ne cesse de s’accomplir par sa forte diversité ethnique et culturelle. C’est dans son accomplissement et son inachèvement qu’apparaissent des formes de dissidences réelles ou simulées, qu’il y a un bourgeonnement qui sort des flancs de ce qui a été mis en place comme le seul et unique lieu de la vérité et de la référence indépassables (une toile verte estampillée d’un croissant et d’une étoile jaune dans le désert : la République Islamique de Mauritanie). L’origine et la référence de cette dissidence culturelle – dans son sens de modèle – ne sont pas saisissables car elles restent encore brouillées dans leur réalisation permanente. Elles sont toujours en renouvellement. La culture n’est pas statique. Elle jouit des apparences et s’alimente dans les réminiscences. La culture servile n’a pour source d’inspiration que la réminiscence, le souvenir et tout ce que cela sous-entend comme recherche de sens voire de sensibilités instituantes. Elle apparaît comme une incongruité, un surgissement, un réveil après une longue nuit de cauchemars façonnée dans les cris et les hurlements, les pleurs et les lamentations. Une nuit de transes longues et gémissantes mais qui traduisent une chose enfouie et qui souhaite s’exprimer, bousculer les normes établies. Elle veut sortir et partager son angoisse existentielle. C’est pourquoi la culture servile s’exprime dans les pleurs et les lamentations. Mais ces derniers ne signifient, point ici, émotivité et émotion et ne doivent pas inspirer compassion et faire naître la mélancolie. Ils doivent être interprétés comme une expression désincarnée et fondement d’un refus de domestication. Il faut interpréter tout cela comme une forme d’expression impossible ou rendue impossible par la doxa des maîtres et de leurs acolytes éduqués dans la culture dite dominante. Les individus qui portent en eux les traces de cette culture procèdent par frémissement, ils n’arrivent pas à l’exprimer dans le langage officiel. Il ne peut en être autrement car ils sont vite indexés, arrêtés, mis au fer et exécutés sans que les mots, qui voulaient s’échapper, ne puissent prendre forme dans leurs esprits. Autrement, ils sont pris dans une folie décrétée et/ou prennent le chemin de la fuite et de l’exil qui leur réservent presque le même sort. La culture servile refuse de s’échapper de ceux qui la pensent et qui souhaitent la formaliser. Elle meurt en eux et pourtant elle se lit facilement sur l’expression de leurs visages et les significations profondes de leurs refus. Elle emprunte un langage inaudible par le commun des mortels et reste difficilement interprétable par l’ensemble anonyme qui, percevant la même chose, n’arrive pas à la traduire dans la réalité. L’exemple de la mise aux fers tue en eux l’enfantement de ce qui est décrété comme un interdit. Dès, lors nous devons bousculer notre façon de voir et d’interpréter les choses de l’ambiance, de la diversion et de l’aversion simplificatrices. Il faut comprendre que la « musique est l’un des baromètres par lesquels on peut lire ce qu’une société donne en retenant, ouvre en fermant et finalement cache en livrant. La musique dévoile, décoiffe et, par ce jeu qu’elle instaure entre les chœurs, les corps et les affects, elle nous renseigne sur notre existence, c’est-à-dire la manière dont nous occupons l’espace et gérons le temps (40) ». Les Haratin utilisent le temps de leur repos dominical et occupent ce que j’ai appelé un peu plus haut l’espace public nocturne. La culture servile a besoin de piliers solides qui existent déjà mais qui ne sont pas reconnus. Leur identification reste difficile à faire car il faut passer par les canons des maîtres ou de ceux qui s’érigent en maîtres permanents et inamovibles, pour comprendre ce qui se passe dans la société arabo-berbère. Le brouillage des sens procède aussi d’une appartenance à une origine ethnique diverse avérée, à la culture musulmane et au partage de la même langue que le maître. Mais, pourtant, les deux entités ont vécu dans la distance géographique mais aussi sociologique qui sépare le vrig du eddebay (l’équivalent des saare et des dumme du Fuuta Jaloo). Ces deux espaces ont connu leurs formes de solidarités, de relations sentimentales, matrimoniales, d’échanges et de subtilités profondes sans se toucher mais et en partageant des rapports de distances assez marqués (41). Tout ceci a permis l’émergence d’une nouvelle culture dissidente et qui n’a jamais cessé de se réaliser. Elle s’exprime dans la douleur de l’enfantement dont les subtilités nous désarment. C’est-à-dire dans la douleur de son expression primaire, celle qui est encore émergente au moment de sa réalisation, au moment où elle se soupçonne elle-même être quelque chose de nouveau, quelque chose qui peut, de manière irréversible, être à l’origine d’une contestation permanente, violente et irréductible. La culture servile est, finalement, cette « chose » qui risque d’être comprimée et compromise dans son désir d’être et de se perpétuer. C’est pourquoi les maîtres l’investissent et cherchent à la contrôler. Ainsi donc émerge à ses flancs une forme de récupération de la part de maîtres se disant distants - et combattant la société traditionnelle, sa structuration et ses différents codes de comportements ? - de ces réalités qui doivent être pensées afin que nous puissions savoir quels types d’éléments elles introduisent dans ces mouvements pour empêcher toute formalisation définitive de cette culture. En définitive, la culture servile serait ce que J.- G. Bidima appelle, en analysant une autre réalité, la « dimension excrémentielle » de l’ordre pensé indépassable (42). C’est un résidu fonctionnel qui puise sa motricité non seulement dans la mémoire historique de l’ensemble haratin, mais aussi dans les canons d’emprunt appropriés et intériorisés. A travers le medh et le redh la communauté haratine - bien que ses membres soient dispersés - exprime et « donne à l’espérance une faim de justice sociale » (43). La lutte pour l’émancipation des Haratin insiste peu sur cette émergence au flanc de la société arabo-berbère, par effraction, d’une culture avec ses modes d’expression et ses différents canons de reproduction. Ouverture L’intérêt de cette étude succincte n’est point de faire connaître mais de faire admettre qu’en Mauritanie existe, d’une part, une expression culturelle et sociale étouffée dans les chaînes de l’esclavage, la violence culturelle qui l’institue et de l’autre, une dynamique constructive d’une culture mystique, mais aussi d’une subversion politique qui prennent leur source dans la profondeur de la nostalgie (du Paradis perdu ?) et du désir de liberté qui l’irrigue. Le medh et le redh des Haratin de Mauritanie ressemblent, à quelques nuances près, au Camdomble brésilien, au Gospel noir américain et au Vodun haïtien (44), mais ils restent inconnus et cachés, couverts et dissimulés par les voix ordonnatrices des maîtres. La dureté de l’esclavage, la nostalgie enfouie des origines perdues et la rencontre avec une nouvelle civilisation ont produit pour cette catégorie de la société arabo-berbère mauritanienne des canons d’expression. Ils sonnent comme un « surgeon, irrésistible, du choc des cultures radicalement différentes et antagonistes » (45). Dans les lignes précédentes j’ai tenté d’interpréter quelques aspects du medh et du redh dans leur contenu symbolique, subjectif mais aussi philosophique afin de rendre compte d’un pan de ce que j’ai appelé ici une « culture servile » émergente. Elle reste cependant prisonnière des réalités socioculturelles et de son lieu de fabrication qui a toujours été méconnu en Afrique. Je pense avoir ouvert une ligne modeste afin de contribuer à son archivage dans le panthéon d’une identité africaine et mauritanienne plurielle et en continuelle innovation.
Notes * Je remercie le politologue mauritanien El Arby Ould Saleck avec qui je devais rédiger ce travail, mais ses occupations ne nous ont pas permis de finaliser le texte ensemble. Ce texte porte quelques unes de ses empreintes et non des moindres. Les erreurs et les extrapolations interprétatives et leurs limites ne pourraient lui être imputées : j’en suis entièrement responsable. Les supports sonores m’ont été prêtés par lui, ce dont je le remercie ainsi que de la compréhension dont il a fait montre à mon égard. Ce texte a été présenté comme communication au Symposium « Canonical Works and Continuing Innovation in African Arts and Humanities in Africa » organisé par le Codesria à Accra en septembre 2003.
** e-mail : thide62@yahoo.fr. [1] La blanchitude de cette région de l’Afrique pose de réels problèmes car il y subsiste des minorités noires et des Arabes « basanés » au point que leur « blancheur » est souvent contestée. 2 Elle se subdivise d’abord en tribus et organise son architecture sociale en « castes » : nobles (horrin), esclaves (oubda, toujours noirs), forgerons (malimin), griots (igawen), etc. Notons l’exception de cette société « arabe » organisée à l’image de quelques ethnies ouest-africaines. 3 Les Arabo-berbères dont ils constituent l’aile noire (sudan), les Bambara, les Haalpulaar (Peuls/Toucouleur), les Soninke et les Wolof. Même si, dans la constitution mauritanienne, la langue bambara ne figure pas dans la rubrique langue nationale, il faut noter l’existence de cette ethnie dans quelques régions mauritaniennes (surtout dans l’Est du pays). Les Bambara ont, le plus souvent, adopté la langue dominante de la région dans laquelle ils vivent. 4 Dans l’un des enregistrements (CD) qui me servirent de support, deux éléments peuvent permettre une identification réelle : la région géographique et le nom de celui qu’on appellera le maître de cérémonie. Soient : la région d’Atar avec la voix imposante de Salek Ould Bouya, la région de Boutilimit avec successivement Ahmed Ould Zoubeir et Yargeite Ould Mokhtar et, enfin, la région de Chinguitti avec Eboya Ould Vly. 5 Ce ne sont pas des igawen (sing. Igiw, griot) car ils ne chantent pas pour bénéficier des largesses des nobles vaniteux. La musique haratine n’est pas non plus classée dans la catégorie du hawl, la musique par « excellence », celle qui inspire le « tnehwil ». 6 La culture servile est un volcan dormant mais qui, de temps en temps, gronde et fait trembler tout autour de lui. Son éruption laisse s’échapper des gaz et des bombes. La coulée de sa lave, tout en épanchant ses cendres fertiles, peut aussi être à l’origine de la désolation. La culture servile est latente par essence. Elle se faufile et utilise les canons détournés pour s’exprimer, mais quand son message devient audible elle dévie les sillons dessinés par les normes dominantes. C’est en cela qu’elle ne pourrait être interprétée comme le résultat d’une simple mélancolie. Elle est forme en formation. Elle peut sembler difforme car n’ayant pas « droit » à l’expression et à l’existence. Et, pourtant, c’est cela qui détermine son existence et la légitimité qui fonde sa sédimentation. La culture servile marche avec des béquilles fabriquées par son ‘’orthopédiste’’ attitré – le maître - et ceci explique, en partie, sa démarche titubante et que le passant pressé ne puisse qu’en conclure un handicap. 7 Dans le hawl d’el bidhan, la note introductive est toujours consacrée aux louanges du Prophète. Notons que la musique des maîtres exécutée par les griots (igawen) est devenue depuis plusieurs années l’une des références incontournables de la musique dite mauritanienne. Les cantatrices comme Dimi Mint Abba sont devenues des vedettes internationales, connues et reconnues. Elle était affiliée au régime déchu de Maawiya alors que Maalouma Mint Meidah est d’une « ouverture démocratique » qui déteint sur ses positions politiques et sociales, affiliée au leader de l’opposition depuis 1991, Ahmed Ould Daddah. Elle chante régulièrement avec le représentant patenté de la musique haalpulaar Baaba Maal. Le hewl des Bidhan bénéficie d’un préjugé favorable au point d’être le seul diffusé à longueur d’heures à la radio et à la télévision nationales. 8 Combien d’homonymes compte-t-il parmi la communauté arabo-berbère de Mauritanie ? Tous ne s’appellent-ils Mohamed au point que l’état-civil mauritanien reste difficile à comprendre tant les généalogies locales se rattachent toutes au Prophète. Et, pourtant, les prénoms des Haratin, s’ils ne puisent pas tous dans le stock des prénoms « païens » africains, s’alimentent dans le dictionnaire des adjectifs qui s’enracinent dans la philosophie de la compassion (Mbareck - idée de la baraka -, Maattala – don de dieu -, Merzoug – chanceux) et de la sauvegarde de leurs âmes perdues. Cette dernière constatation n’est pas seulement valable dans le milieu arabo-berbère. Elle est aussi importante dans le milieu haalpular, par exemple. Il serait intéressant de procéder à une étude des prénoms dans ces sociétés afin de déterminer le rôle de cette façon de nommer dans la perpétuation des statuts, la reconnaissance de l’identité sociale des individus à partir de l’usage de prénoms qui renvoient le plus souvent à l’idée de « martyrs ». Les prénoms renvoient donc au statut social de l’individu et/ou aux événements vécus par la « classe » sociale.
9 Réprimandes contre les enfants qui parlent et qui ne suivent pas le rythme mélodieux des louanges et des hommages, mais aussi réprimandes adressées à ceux ou celles qui se laissent bercer par des rires d’extases malvenus et malveillants. [1]0 Là où elle parle de l’âme meurtrie, là où elle semble suivre des normes et répondre à des exigences codifiées, figées et pensées immuables. [1]1 Aujourd’hui, avec la « démocratie », sa voix doit se muer dans l’antre de la carte d’électeur. Elle est déterminante, mais elle n’a pas encore obtenu sa validité et son poids réels. [1]2 Car ces rencontres sont aussi des moments de dragues, d’accouplements et de jouissances multiples. [1]3 Philosophie de la nouvelle musique, 2000, p45 14 Amateurs de tout ce qui est exotique avec une pointe souvent très maniaque. [1]5 L’art négro-africain, 1997, pp27-28 16 idem. Ils se présentent comme de véritables archivistes de tout ce qui relève du ‘’génie enfantin’’ africain. Il faut le sauver de la disparition et alimenter un réseau de trafiquants désœuvrés et rompus aux circuits obscurs. La naissance du musée des Arts Premiers en France, par la volonté de Chirac, en symbolise l’achèvement. [1]7 Schönberg symbolise pour Adorno le progrès et Stravinsky la restauration. Mais, à mon sens, les Haratin symbolisent, dans la manifestation de leur ‘’culture’’ marginale, l’expression d’une liberté comprimée. [1]8 Un CD recencé : « Le ‘’Medeh’’. Par les Haratines de Mauritanie », marqué du sceau « Musiques traditionnelles » ! Production et distribution : Club du disque arabe. 19 La World Music s’est érigée comme un véritable mode de colonisation culturelle dont l’un des célèbres gourous est l’infatigable Peter Gabriel. Il a produit avec Youssou N’Dour un album (Shaking the Tree). Que de rumeurs ont couru après cette rencontre de talents musicaux ? D’autres exemples permettent de saisir cette vérité. En effet l’album Mustt Mustt de Nusrat Fateh Ali Khan (pakistanais) résulte d’une rencontre, entre ce grand chanteur du qawwali, avec Michael Brook. Ces productions musicales ne sont pas seulement pétries dans un moule uniques de sonorités, mais empruntent la voie de la marchandisation. Ces dernières années, chaque artiste africain ou tiers-mondiste s’est senti presque obligé d’avoir un « parrain » occidental pour pouvoir récolter la moisson de son futur et probable disque d’or. C’est à ce prix qu’ils ont laissé dormir des pans importants de sonorités musicales de leur environnement pour s’exercer à un accouplement de mélodies exotiques et surtout vendables. Les acoustiques graves et stridentes qui peuplent la musique dite « moderne » de Baaba Maal dévaluent sa voix d’or et l’opinion haalpulaar, même si elle est prise dans des tourments identitaires réels, révèle son rapport mitigé avec cette forme de musique. Même si, par ailleurs, ces associations peuvent permettre une forte promotion des musiques et la naissance de nouvelles mélodies mondialisées, je pense qu’elles s’enlisent dans une marchandisation qui en limite l’esthétique. Lire à ce propos l’ouvrage de Jean-Godefroy Bidima sur L’art négro-africain, Paris, PUF, Coll. « Que sais-je ? », 1995, pp. 27-35, pour comprendre comment un art peut être dévalué s’il emprunte les chemins de la fascination qu’il peut produire chez les autres qui pensaient l’infériorité de ceux dont ils ‘’promeuvent’’ les qualités ou pour mieux dire, ils tentent de brider la créativité. 20 Sa rythmique ne pouvant lui permettre d’être classé dans le répertoire des semaines de diffusion dans les stations radios et les chaînes musicales européennes. 21 Ou al-Madh qui signifie en arabe chant panégyrique. 22 Il est même comparé au diamant qui brille avec ses milliers de reflets et son imposant éclat. Il reste éblouissant. 23 Le Prophète est décrit dans une beauté presque féminine. Celle qui ne se dessine point et qui ne peut être capturée par un appareil photographique. Elle ne reste que dans la sublimation de la description et des fantasmes qu’elle fait naître, mais aussi de l’admiration et de l’émotion qu’on éprouve. Mohamed est le prototype de la beauté dans toutes ses dimensions, ses jouissances et les délires qu’elle suscite. Il est décrit tantôt comme un diamant (yaghout), tantôt comme nour (lumière ou éclat). En tout état de cause, le rayonnement est là. 24 En effet, en Mauritanie, toutes les actions de violence perpétrées contres les négro-mauritaniens sont exécutés, sous les ordres des Beydan, par les Haratin. Leur rôle dans les journées de tueries du mois d’avril 1989 à Nouakchott (événements Sénégal-Mauritanie) en témoigne largement. Aujourd’hui encore, ils continuent d’exécuter les travaux les plus répugnants : âniers, dockers, domestiques... 25 Dans mon texte « Stéréotypes et imaginaires sociaux en milieu haalpulaar. Classer, stigmatiser et toiser », je reviens largement sur le rôle des imaginaires dans ce qu’on pourrait appeler une institutionnalisation des statuts sociaux dans la société haalpulaar (in Cahiers d’Etudes Africaines, XLIII (4), 172, 2003, pp. 707-738). 26 Cette connivence peut être interprétée dans le sens de la satisfaction d’une demande d’amélioration soit des contenus, soit de la forme du medh. 27 Jenaatoun tejri min tahti el anhar khaalidouna vihaa ebeden. 28 Terme emprunté à Adorno (2000 : 29). En effet, les textes chantés sont les mêmes un peu partout à travers le territoire mauritanien, mais les rythmes diffèrent d’une région à une autre et d’une communauté à une autre. 29 Autre idée d’Adorno (2000 : 32). 30 Le « ‘’Qawwali’’ signifie littéralement ‘’paroles, énonciations’’. Le Qawwali est le chant religieux destiné à véhiculer le message divin. Cette forme d’art est la musique pieuse des soufis (adeptes d’une secte mystique de confession islamique) destinées à l’élévation spirituelle et à rapprocher de Dieu à la fois l’artiste et le spectateur.» (Texte de présentation en français du CD de Nusrat Fateh Ali Khan, « Sufi Qawwalis », Licensed in 2002, from Navras Records LTD, London, UK. 31 Ecouter la musique suave et comestible de Nusrat Fateh Ali Khan pour apprécier la profondeur de l’inspiration des chants religieux (soufis). Ces chants libèrent l’âme. Ils semblent « avoir été exécutés au Paradis », comme me le fera remarquer un collègue à qui je l’avais fait découvrir. 32 L’âme. 33 Totems et statuettes, libations et incantations magiques qui ne manquent point dans le milieu musulman. Ils ont pris d’autres formes et emprunté d’autres chemins validés par les normes islamiques. 34 (1979 : 251) Hegel dit : « L’Afrique, aussi loin que remonte l’histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde ; c’est le pays de l’or, replié sur lui-même, le pays de l’enfance qui, au-delà du jour de l’histoire consciente, est enveloppé dans la couleur noir de la nuit » (1979 : 247). Hegel nous aide à comprendre l’image du noir dans sa démesure et son impossibilité d’être en dehors de son inintelligibilité, mais seulement saisissable dans sa puérilité sensible celle qu’il partage avec l’animal. La rationalité est absente de son univers le plus immédiat. Et la ‘’Raison dans l’histoire’’ détermine sa marginalité supposée, sa place immuable, sa défaite consommée et son impossibilité de prouver le contraire de sa déchéance. Le nègre, ici, est la doublure du hartani. 35 Bilal, le muezzin du prophète, en symbolise l’esthétique et en détermine les contours. Il était une montre vocale. Il rappelait à tous l’heure de la prière. Il était porte-voix. Il est le « chanteur », celui qui aux heures d’oubli ameutait les foules de croyants qui convergeaient vers la mosquée. 36 Voir la célèbre boutade de Senghor « L’émotion est nègre, comme la raison hellène ». L’émotion est encore plus « racialisée » lorsque le noir est considéré comme un esclave, un animal, une chose bonne à rien. 37 tbeurr-birr. Son obtenu en secouant la tête, la bouche légèrement ouverte et les lèvres pendantes, produit de leur contact. 38 Du nom de l’avion de guerre français qui appuyait l’armée mauritanienne en 1975 lors de la guerre qui opposait la Mauritanie au Front Polisario. 39 En écoutant le souffle de Miles Davis, je découvre une âme communicante et qui puise dans son intérieur les termes de sa communication. Les vibrations de sa trompette dans « So What », du Volume « Kind of Blue » enregistré en 1959, sont d’une grande et profonde expressivité. A la concentration, s’ajoute une sorte de recueillement qui s’entend par le souffle qui la rend audible. 40 Echange épistolaire avec le philosophe camerounais J.-G. Bidima. Message reçu le 1er octobre 2003. 41 Mais ces mêmes relations peuvent devenir très étroites car les maîtres lorgnent du côté des belles femmes ! 42 Bidima, (1997 :102) 43 Bidima (1997 : 117) 44 Sans pour autant tomber dans un comparatisme béat, automatique et organique au point de dénaturer les structures internes, les influences et l’apport insoupçonné de cette ‘’élite’’ qui le produit dans des nuits faites de rêves, de cauchemars et de retournements multiples. 44 Hofstein (1991:3) Bibliographie Adorno, Th.- W. - Minima moralia, Paris, Petite bibliothèque Payot, 2003, 356 p. - Dialectique négative, Paris, Payot, 2001, 421 p. - Philosophie de la nouvelle musique, Paris, Gallimard (Tel), 2000, 222 p. Assoun, P.-L. L’Ecole de Francfort, Paris, PUF (Q.S.J ?), 1990, 127 p. Baumgardt, U. 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