Un diplomate français
écrit au Président Sarkozy suite à ses propos sur la Mauritanie
Permettez-moi
- vous ayant écouté sur les ondes, tandis que vous donniez avec votre
homologue nigérien une conférence de presse conjointe - de vous informer
plus précisément, au moins sur la Mauritanie que j’aime et pratique depuis
quarante-cinq ans (mon service national comme professeur l’ENA locale en
fondation alors) et dont je connais aujourd’hui et depuiss longtemps les
principaux personnages, dont notamment le président Sidi Ould Cheikh
Abdallahi, Ahmed Ould Daddah, son compétiteur de 2007 et Messaoud Ould
Boulkheir, président de l’Assemblée nationale.
La
France a-t-elle été assez ferme contre les putchistes de Nouakchott, et
ceux-ci n’ont-ils pas donné l’exemple à Bissao, à Conakry et à
Tananarive ?
LE
PRESIDENT – Ce n’était pas une question, c’était une fresque !
[...]
Sur
la Mauritanie, vous connaissez bien cela, est-ce qu’on a souvent vu un coup
d’état sans manifestation et sans protestation, si ce n’est celle de la
France ? Lorsque le Président, démocratiquement désigné, a été retenu,
moi-même je l’ai appelé, moi-même. j’ai exigé qu’il soit libéré, mais force
est de constater qu’il n’y a pas eu un député, un parlementaire qui a
protesté et qu’il n’y a pas eu une manifestation.
De
fait, votre premier communiqué, au moment-même du coup du 6 Août 2008,
était informé, de principe, et excellent. Quand il est apparu qu’au Quai
d’Orsay et à la Coopération - certaines déclarations de M. Joyandet,
employant par avance les termes exacts que vous avez eus hier matin - la
position de la France paraissait plus émolliente, vous avez fait savoir que
c’est vous qui décidez. Qu’allez-vous décider ? à la veille de la
réunion du groupe de contact et à la suite du communiqué du Conseil de Paix
et Sécurité de l’Union africaine ?
Factuellement,
à vous entendre hier et à vous lire aujourd’hui sur le site de l’Elysée,
vous avez été "désinformé".
Permettez-moi
de vous rappeler que vous n’avez jamais parlé au téléphone avec le
président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, ni pendant qu’il était au secret au
palais des congrès de Nouakchott depuis le 6 Août, ni ensuite dans son
village de Lemden où il est assigné à résidence. Ou alors, vos services
vous ont passé quelqu’un d’autre... je vous donne les téléphones de votre
homologue : 00 222 401 (***) ou 00 222 406 (***) - son secrétariat
personnel 00 222 412 (***) (1).
Dès
l’après-midi du coup,
1°
le président de l’Assemblée nationale a protesté solennellement, a déclaré
illégale toute session à venir de l’Assemblée et du Parlement, et persévère
depuis par des réunions publiques, par un tour d’Afrique en début d’année
et une venue en France, à l’automne, notamment reçu par son homologue à
l’hôtel de Lassay (2).
2°
un Front national de Défense de la Démocratie s’est constitué, comprenant
nombre de parlementaires entre autres personnalités.
Dans
la semaine suivant le coup, importante manifestation de l’opposition :
réprimée. Puis, très durement, le 6 Octobre. Depuis le début de l’année, il
ne se passe pas de semaines sans manifestations.
A
l’Assemblée nationale, la junte n’a pas la majorité
constitutionnelle : 67 députés sur 95 le 13 Août, mais plus que 56 le
20 Août & 39 sénateurs sur 56 le 13 Août et 37 le 20 – effectif
évolutif selon le cours des événements – les résultats du vote de confiance
au "gouvernement" de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, nommé par la
junte, n’ont pas été publiés : en séance 57 députés, le 20 Septembre.
Depuis, aucun scrutin (s’il y en a eu) n’a donné lieu à publicité. - Ce qui
rend illégal le referendum projeté pour le 20 Juin. La persévérance des
putschistes à organiser le plébiscite du 6 Juin prochain, a réuni en un
seul front les légalistes - voulant la reprise des fonctions du président
de la République légitime - et ceux qu’on aurait pu appeler les
opportunistes parce qu’ils ont dit "comprendre" le coup
militaire.
Votre
secrétaire général a reçu à plusieurs reprises, et la dernière fois, il y a
un peu plus d’un mois à ma connaissance, le numéro deux du régime.
M° Robert Bourgi qui a l’amabilité de s’entretenir de confiance avec
moi, a fait l’intermédiaire, mais sans assister à la dernière conversation.
C’est le général El Ghazouani qui la lui a résumée. Sauf démenti, il semble
que le scenario des putschistes - cosmétique - ait été agréé : le
général-candidat défroque quarante-cinq jours avant le scrutin et le
président du Sénat fait l’intérim (non de Sidi Ould Cheikh Abdallahi mais
de Mohamed Ould Abdel Aziz).
Bertrand
Fessard de Foucault
Diplomate
et universitaire français
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