Ici Mieux que La-bas L’Égypte, lieu de la jubilation
éradicatrice ?
Par Arezki
Metref arezkimetref@free.fr
Bien fait pour sa tronche,
Morsi ! Je dis cela, conscient d’encourir l’ire ou l’ironie des
partisans de la «régression féconde» qui vont démasquer ici,
encore une fois, un de ces faux démocrates méprisant le verdict des
urnes. Non, bien fait pour sa tronche de sectaire qui veut réduire
l’Égypte multiconfessionnelle aux dimensions étriquées d’une
Gamaâ Islamiyya, une phalange ! Parce qu’il avait eu pour lui les
voix de 51,7% des votants à l’élection présidentielle de juin
2012, il se croyait tout permis. Il s’est autorisé à imposer des
règles d’airain à toute l’Égypte, les 49% de celles et ceux
qui n’ont pas voté pour lui y compris ! Parmi ceux-là, il y a des
coptes (chrétiens orthodoxes, 10% de la population), des laïcs, des
islamistes et même des salafistes. Là-dedans, il y a en fait toute
l’Égypte, historique, diverse. En répétant qu’il est le
président légitime, il pensait que ça allait l’absoudre de
l’absurdité de l’uniformisation «frériste» de sa démarche :
islamiser l’Etat ! Cela faisait 80 ans que les Frères musulmans
rongeaient leur frein en lorgnant sur le pouvoir, payant, il est
vrai, le prix fort mais faisant payer aussi pas mal à leurs
adversaires. S’ils ont gagné tour à tour les législatives de
janvier 2012 puis la présidentielle, c’est parce que le mouvement
révolutionnaire de place Tahrir a chassé Moubarak ! Ils ont reçu
le pouvoir tout cuit ! Et parce qu’ils ont gagné
démocratiquement, ils croyaient qu’ils allaient tranquillement
enfermer un peuple et un pays dans leur utopie sectaire. Après tout,
élus, ils sont les Bons, quoi qu’ils fassent. Les Méchants, ce
seront forcément toujours ceux qui attenteront à la démocratie qui
les a mis au pouvoir. C’est jamais joli un coup d’Etat ! Et
la manœuvre qui a abouti au reversement du Frérot qui orientait
l’Egypte vers la Kaâba en est un. On ne va pas jouer sur les mots.
Mais,— oxymore —, c’est une sorte de coup d’Etat
démocratique. Ca n’existe pas ? Pour les puristes de la langue et
les partisans de la démocratie chimiquement pure, peut-être. Morsi
a été déposé par l’armée en conséquence d’une deuxième
révolution – des manifestations monstres montées par un réseau,
Tamarrud (rébellion) – qui exigeait son départ. Le 11 février
dernier déjà, deuxième anniversaire de la chute de Moubarak, des
milliers de manifestants avaient investi Place Tahrir demandant ce
départ. Il est allé trop loin, plus loin même que les régimes
autoritaires comme celui de Moubarak. Un simple décret lui a procuré
des pouvoirs judiciaires exorbitants dont n’avait pas disposé le
pharaon Moubarak. Mais contrairement à ce dernier, Morsi est élu
démocratiquement, il est même le premier président de l’histoire
de l’Égypte à être librement élu. C’est donc fort de cette
élection démocratique qu’il se donne des pouvoirs autoritaires.
Le pire a été cependant ce bricolage de la Constitution en décembre
2012. En l’absence de ses membres non islamistes, l’Assemblée
constituante adoptait, pendant une séance de nuit quasi clandestine,
un texte touchant notamment aux droits des femmes. Cette opération
parlementaire commando a fait affluer des milliers de protestataires
vers le palais présidentiel. Les affrontements feront des dizaines
de morts. Démocratiquement ! Mais la marque de mépris la plus
totale pour les Égyptiens a été la nomination, toujours
démocratiquement, au poste de gouverneur de Louxor d’un ancien
terroriste de la Gamaâ Al-Islamiya, auteur en 1997 d'un massacre
contre des touristes. Et comme si la chape de plomb idéologique ne
suffisait pas, Morsi échoue lamentablement sur le plan économique.
Les prix des denrées de base connaissent une augmentation
vertigineuse. L’essence à la pompe est victime de pénuries,
l’électricité de coupures. Bref, pas reluisant du tout ! Et dans
un tel contexte, au lieu d’unir, Morsi divise une société
égyptienne déjà pas mal endommagée par le long règne de
l’autoritarisme de Moubarak. A son tour, il est devenu un tyran.
Démocratiquement ! Faut dire qu’il n’a pas caché son jeu.
Son programme, intitulé Renaissance, portait sur la relance de
l’économie libérale, l’islamisation de la société, la reforme
du secteur sécuritaire et la réaffirmation du rôle régional de
l’Égypte. Un an après, le bilan est maigre et le mécontentement
lourd, y compris parmi ses partisans. Les jeunes qui sont descendus
Place Tahrir pour obliger l’armée à chasser Moubarak se sont
souvenus que leur révolution leur a été confisquée pour être
donnée à un autre tyran. Et comme dans l’Iran de 1979, la chute
du Shah devint inéluctable lorsque l’armée s’est jointe au
peuple protestataire, c’est la rue égyptienne qui a en quelque
sorte posé l’acte de rupture que la force armée concrétise. En
théorie, il est évident qu’un coup d’Etat n’est pas ce qu’il
y a de plus démocratique. Mais il y a peut-être lieu de lire ce
coup d’Etat comme une sorte de poursuite d’une révolution
populaire qui remet l’histoire sur ses rails. Ce n’est pas pour
l’avènement d’une république islamique que Moubarak a été
chassé ! Ni Ben Ali en Tunisie, d’ailleurs.
A. M.
Source
: http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/07/07/article.php?sid=151092&cid=8
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