A.H.M.E.
ARTICLE 213 :
L’ascension d’Oumama Mint Cheikh Sidya, première femme juge en Mauritanie
Qui l’aurait cru ? En Mauritanie, il aura fallu attendre l’année 2014 pour qu’une femme puisse accéder à la magistrature. Agée de 44 ans, Oumama Mint Cheikh Sidya est entrée dans l’histoire de son pays en devenant la première femme juge. Après avoir refusé de s’exprimer dans de nombreux médias internationaux, elle s’est finalement confiée à Afrik.com. Portrait d’une battante, qui n’a pas froid aux yeux.
Dans sa résidence à Nouakchott, qui grouille de monde, on peut entendre les enfants qui s’amusent. Les visiteurs qui bavardent. Toujours vêtue d’un mulfa coloré, vêtement traditionnel porté par les femmes mauritaniennes, Oumama Mint Cheikh Sidya, 44 ans, n’a jamais une minute à perdre. Elle doit combiner constamment ses activités professionnelles à la gestion de son foyer. Mais importe peu, celle qui est mariée à un officier supérieur de l’armée, mère de cinq enfants, dont le plus jeune n’a que deux ans, a toujours su jouer sur plusieurs tableaux. Il y a encore quelques années, elle n’aurait pas pu imaginer qu’elle deviendrait la première femme juge de son pays, où il aura fallu attendre l’année 2014 pour que cela soit possible. « Je suis très honorée d’être la première, d’autant que les femmes tentent depuis très longtemps d’entrer elles aussi dans la magistrature », dit celle qui a le sourire facile. Même si elle ne cache pas qu’elle espère bien qu’il y en aura d’autres après elle. « Une jeune fille s’est inscrite au concours de la magistrature, donc nous devrions bientôt être deux à exercer la fonction ». Oser bouger les lignes Pourtant au début, c’était loin d’être gagné. Oumama Mint Cheikh Sidya le savait. Mais, bien qu’elle ait conscience qu’officiellement en Mauritanie les femmes sont interdites d’exercer la fonction de juge, elle s’est tout de même inscrite au concours de la magistrature. « Aucune loi n’interdisait en revanche aux femmes de passer le concours. Alors, j’ai pris mon courage à deux mains et tenté ma chance ». Pari réussi. Elle arrive largement en tête. Mais son admission n’est pas de mise. Les discussions au sein du jury sont en effet houleuses, étant donné que les femmes sont exclues de la fonction. Peut-on permettre à une femme d’être magistrate ? Une question toujours en débat en Mauritanie. Finalement, c’est le Conseil de la magistrature, présidé par Mohamed Ould Abdel Aziz, qui tranche. Et accepte l’admission au concours d’Oumama Mint Cheikh Sidya. Selon elle, « la reconnaissance de ses compétences et les nombreux soutiens » qu’elle a obtenus, notamment au sein même du jury, ont fait la différence. « Le président du Conseil de la magistrature aussi n’était pas contre l’idée qu’une femme devienne juge. Pour lui, il était temps que les femmes accèdent à la magistrature », raconte-t-elle. Blocage des hommes vis-à-vis des femmes juge Alors pourquoi la présence des femmes dans l’appareil judiciaire mauritanien est-elle si controversée ? Pour Oumama Mint Cheikh Sidya « ce sont avant tout les hommes qui font un blocage sur cette question. Les plus radicaux affirment que des textes dans l’islam interdiraient aux femmes d’exercer les fonctions de juge. Or, les hommes et les femmes ont les mêmes compétences. Donc, je ne vois pas pourquoi une femme ne pourrait pas être magistrate », rétorque-t-elle. Il faut dire qu’Oumama Mint Cheikh Sidya n’a pas froid aux yeux. Et quand elle veut quelque chose, elle ne lâche rien. Issue d’une famille aisée, elle a effectué ses études primaires au Maroc. Puis décroche son baccalauréat à Nouakchott. Là aussi, elle arrive en seconde position parmi les meilleurs bacheliers du pays. Elle se lance dans des études d’anglais, décroche son Deug et travaille comme traductrice pour la société civile. Mais elle refuse d’en rester là et se réinscrit en faculté de droit. Puis devient une brillante avocate, avant d’exercer plusieurs fonctions dans des banques privées. Son ambition la pousse à aller de nouveau plus loin. Elle intègre le ministère de la Justice, au service des marchés financiers publics, qui lui ouvre les portes de la magistrature. Ce parcours sans faute de la première magistrate de Mauritanie n’est pas surprenant. Son grand-père aussi a été parmi les premiers magistrats du pays. Elle a notamment suivi les traces de sa maman, première Mauritanienne à avoir décroché le brevet arabe, qui a aussi exercé des responsabilités au ministère de la Femme. « Maintenant j’aimerai que ma fille aînée, qui étudie à l’école polytechnique, suive également mes pas ». Les parcours sans faute, c’est visiblement une histoire de famille chez Oumama Mint Cheikh Sidya.
Lettre
d'Afrik
|
Rapatrier les capitaux illicites pour une renaissance de l’Afrique
(Africa Diligence) Les transactions financières illégales (IFT) du continent africain demeurent un obstacle au développement. Selon la Fondation Mo Ibrahim, dans une publication de 2013 : de 1980 à 2009, l’Afrique était un créancier net au monde, avec une perte de capitaux à hauteur d’environ 1400 milliards de dollars.
L’Afrique centrale, l’Afrique du nord et l’Afrique de l’ouest ont connu une fuite annuelle de 30,4 millions de dollars durant la période de 2000 à 2009. L’indice d’Intégrité Financière Globale en 2013 de la Banque africaine de développement (BAD) indique que les cinq principaux Etats africains avec la plus grande IFT par habitant sont le Botswana, la Guinée Equatoriale, le Gabon, la Libye et les Seychelles. En termes de volume, le top 5 des Etats africains avec les plus grandes IFT cumulées au cours de la période 2000-2009 étaient l’Algérie, l’Egypte, la Libye, le Nigeria et l’Afrique du Sud. En pourcentage du PIB le top 5 des pays avec la plus grande IFT cumulative 1980-2009 étaient le Tchad, le Congo, Djibouti, la Guinée Equatoriale et les Seychelles. Dans la plupart de ces Etats, en particulier les pays riches en ressources naturelles, le secteur des ressources naturelles se trouve être la principale source des IFT. L’exploration de pétrole et de gaz ainsi que les industries minières et forestières en Afrique sont touchées par les IFT. Dans les Etats africains pauvres en ressources naturelles, les IFT émanent généralement de la mauvaise évaluation du commerce par les entreprises de toutes tailles. La corruption dans le secteur des marchés publics reste aussi un facteur qui alimente les IFT. Ces pratiques frauduleuses comprennent des activités graves de blanchiment d’argent. Les administrations centrales des Etats africains sont généralement au courant de ces transactions illicites, surtout que les plus hauts fonctionnaires du gouvernement sont impliqués dans ces malversations. Ceux qui sont les plus touchés par les IFT sont les masses de pauvres d’Afrique qui n’ont pas un mot à dire dans ces opérations. La majorité des pauvres africains se trouvent obligés d’en payer le prix en subissant un lourd fardeau fiscal. Il est donc essentiel qu’en 2014, la communauté internationale, les gouvernements nationaux en Afrique et à l’étranger, le secteur privé à l’intérieur du pays et dans la diaspora, les universités et les groupes de réflexion, changent le statu quo. Repenser soigneusement, à travers une stratégie, la façon dont les fonds portés disparus dans des comptes bancaires à l’étranger, particulièrement les comptes suisses, peuvent être rapatriés vers l’Afrique peut-être une première étape à franchir. Les suggestions de politiques pour mettre fin aux IFT peuvent également inclure des accords pour éviter la double imposition (DTAA) et d’autres pour les échanges automatiques de renseignements fiscaux (AEI). L’Afrique a besoin aussi d’une réforme complète de ses services de douane et des initiatives sérieuses de lutte contre le blanchiment d’argent. Il est également important que la corruption soit freinée dans la gestion des marchés publics. Les activités des multinationales impliquées dans l’exploration de pétrole et de gaz ainsi que dans les secteurs des mines et de la foresterie en Afrique doivent être encouragées, mais pas au détriment des Africains ignorants et pauvres. Il est donc essentiel pour les gouvernements centraux de s’assurer que ces multinationales ne sont pas impliquées dans le blanchiment d’argent et des IFT. Outre les suggestions mentionnées ci-dessus, la décentralisation administrative et financière efficace des ressources financières et humaines dans les Etats africains est également pertinente pour freiner les IFT. Si les gouvernements africains prennent certaines de ces suggestions en considération alors, freiner les IFT peut devenir une réalité sur le continent.
|