A.H.M.E.
ARTICLE 210 :
MAURITANIE: Les anciens esclaves tentent de s’adapter au sein de leur nouvelle communauté
Deux ans après que plus d’une centaine de familles d’anciens esclaves
eurent quitté leur village dans le sud de la Mauritanie pour créer leur propre
communauté, loin des propriétaires d’esclaves, des membres de ce groupe ont
confié à IRIN qu’ils se débattaient encore pour s’adapter à leur indépendance.
Des centaines d’anciens esclaves se sont réinstallés sur un terrain désertique qu’ils ont baptisé Sawap Selon la commission, la loi a abouti à la libération de 43 personnes, et des centaines d’affaires sont encore en instance. Mohamed Bilal Ould Dike, avocat spécialiste des droits humains, a néanmoins expliqué à IRIN que la loi contre l’esclavage n’était que la première étape. « Cette loi n’assure pas la protection des victimes. Les vraies garanties dont elles ont besoin sont d’ordre juridique ?mise en application de la loi? et socioéconomique. Il faut prévoir un système de réinsertion économique pour ces victimes ». Une membre de la commune a expliqué qu’elle ne réussissait pas à trouver de travail rémunéré. « Nous travaillons comme domestiques », a confié Tesslem Mint El Kory à IRIN. « Mais les familles de la région sont si pauvres qu’elles n’ont pas les moyens de nous payer. Alors, nous faisons le travail que nous avons toujours fait, et nous ne sommes toujours pas payés ». Lemine Dadde, commissaire aux droits de l’Homme depuis le coup d’Etat, a expliqué à IRIN que le conseil militaire au pouvoir avait prévu de consacrer un budget de plus de cinq millions de dollars pour aider les victimes d’esclavage. Le commissaire a également indiqué que 46 villages extrêmement pauvres dont les populations sont en grande partie composées de Noirs africains (une majorité d’esclaves sont Noirs africains) devaient recevoir une aide financière d’urgence à compter de février 2009. L’esclavage est interdit en Mauritanie depuis l’époque du colonialisme. Pourtant, malgré l’adoption périodique, depuis l’indépendance en 1960, de législations visant à renforcer cette interdiction, toutes les communautés ethniques le pratiquent encore (principalement en milieu rural), selon les associations de défense des droits humains. Un départ définitif Le chef du village de Lefrewa, à 90 kilomètres au sud de Nouakchott, la capitale, a expliqué à IRIN que les 100 familles d’anciens esclaves avaient toujours été les bienvenues au sein de sa communauté. « Notre village est parmi les plus proches de Nouakchott, la capitale, alors nous sommes tout à fait conscients des risques et du caractère illégal de l’esclavage », a déclaré Lemrabett Ould Mohamed Aly. « S’ils sont partis s’installer ailleurs, c’est une question de choix personnel ; personne ne les y a forcés. Des familles d’anciens esclaves vivent encore parmi nous ». Le chef du village a expliqué que les anciens esclaves qui avaient quitté Lefrewa en grand nombre, en 1976, avaient fini par y retourner. « Ils sont revenus chez nous parce qu’ils n’ont pas trouvé d’autre endroit où vivre aussi paisiblement qu’ils vivaient parmi nous ». Lorsque IRIN a demandé aux familles de Sawap si quelqu’un parmi elles était tenté de retourner vivre à Lefrewa, compte tenu de leurs difficultés économiques, Mbarek Ould Mahmoude a pourtant déclaré : « Nous avons réussi à nous enfuir de la terre de nos anciens maîtres pour pouvoir jouir de nos droits civiques ?…? Les maîtres nous ordonnaient de voter comme ils le voulaient. Nous n’avions d’autre choix que de nous plier aveuglément à leurs ordres. Alors, non, on n’y retournera pas ». LEFREWA, 15 janvier 2009 (IRIN) |