L’Edito
de La Tribune Par Mohamed Fall O Oumère.
Ce qui est arrivé à Ahmed Ould Khattri
est regrettable à plus d’un titre. D’abord parce qu’il s’agit de quelqu’un qui
faisait preuve d’un très grand dynamisme dans l’accomplissement de sa mission.
Ensuite parce qu’il s’agit d’un jeune engagé, animé d’une fougue et d’une
volonté exceptionnelles. Enfin parce qu’il obtenait de bons résultats dans ses
activités.
Les manifestations de protestation de ses employés sont une preuve de l’impact
social de son managing. L’ampleur des dépôts et la multiplication des CAPEC
sont une preuve de l’adhésion populaire et la confiance qu’il inspirait. Pour
l’aspect personnel de l’homme, je suis très bien placé pour dire qu’il n’a pas
son pareil en matière de sympathie et de perspicacité dans la vision.
Ce qui est arrivé à Ould Khattri nous rappelle que les méthodes d’antan sont
toujours de mise, que les hommes qui les pratiquent sont toujours en activité.
Voyons voir (lisez aussi la lettre ouverte adressée par Ahmed Ould Khattri au
Gouverneur de la BCM, pages intérieures).
Lundi dernier, alors qu’il revenait des
Etats généraux de la démocratie, Ould Khattri est appelé par un directeur de la
BCM qui demande à le voir à la PROCAPEC. Il était aux environs de 18 heures.
Juste pour discuter. Probablement du rapport de la mission d’inspection envoyée
par la BCM. Il arrive sans tarder.
Des policiers entrent avec bruit. Ils
tiennent à emmener les deux hommes. «Juste pour un contrôle». Au commissariat
de la police judiciaire, le commissaire envoie le cadre de la BCM au
commissariat II du Ksar et donne ordre aux policiers qui l’accompagnent de lui
retirer ses téléphones avant de le garder à vue. Une mise en scène.
En fait seul Ould Khattri est interpellé. Le commissaire lui dit qu’il est
accusé par le Procureur de «détournements de fonds publics» et de
«malversations».Suit un long conciliabule sur la nature et l’objet des
accusations. Rien n’est vraiment clair. Ni pour le prisonnier, ni pour le
commissaire qui avoue ne pas savoir de quoi il s’agit.
Le lendemain, arrivée du Procureur qui
confirme l’accusation sans donner plus de détails. Devant Ould Khattri les deux
autorités discutent pour savoir à quoi s’en tenir. Visiblement la BCM s’est
contentée d’une plainte orale à la suite du rapport préliminaire de
l’inspection. Puis on décide de l’envoyer à la Brigade financière, le
commissariat qui s’occupe des fraudes financières.
Le soir, il est emmené sous escorte de quatre voitures chez lui. Perquisition
minutieuse. Que cherche-t-on ? «Quelque chose, on ne sait pas exactement, mais
il faut nous aider», répondent les policiers. «Vous aider à quoi ?» «à trouver
quelque chose». Tout ce qui comporte mention PROCAPEC est emporté. En plus des
ordinateurs personnels. Aucune révélation. Le lendemain, même démarche au
bureau.
Correspondances, notes, agendas, bilans… tout y passe. Rien. Il faudra attendre
jeudi pour voir la première plainte écrite de la BCM. Elle porte sur un
ensemble de griefs qui vont du déficit dans l’une des caisses au choix ‘douteux
des fournisseurs’. On s’attarde sur l’un des fournisseurs. Il s’agit d’une
société de gardiennage qui appartiendrait selon les enquêteurs à Ahmed Ould
Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
En fait, Sésame – c’est le nom de la société – est dirigée
par le fils de l’un des députés soutenant le putsch et c’est avec lui et avec
lui seul que le contrat a té négocié. Et âprement (40 gardiens à raison de
60.000UM/gardien/mois).
Aujourd’hui, demain, après-demain, dans les jours qui viennent, Ould Khattri
sera déféré. Il sera blanchi au mis en prison. Il sera remis en liberté
provisoire ou sous caution. Le résultat est le même dans la mesure où le
système a bâti l’arbitraire sur la présomption de culpabilité. Les victimes
sont arrêtées, traînées, offertes au lynchage public… sans preuves et en
donnant toujours l’impression qu’il s’agit de montages.
Qui de nous aujourd’hui a confiance en
la justice ? qui de nous croit que la police fait des enquêtes sérieuses et non
commanditées ? nous sommes dans un premier temps emportés par les rumeurs
distillées par les renseignements, puis la clameur s’estompe, et l’innocence de
la victime apparaît au grand jour.
Parce que les procédures auront été violées. Parce que le droit aura été
ignoré.Parce que ce qui a importé, c’est le règlement de compte
personnel.Passées les étapes d’humiliation de la victime, de son agression
physique et morale, le reste importe peu. Quand il y a eu le 6 août, nous avons
vu le Parlement s’empresser à créer deux commissions d’enquêtes sur le PSI et sur
la fondation KB.
Pourquoi n’ont-elles jamais publié les
résultats des enquêtes ? Pourquoi, pour le cas du riz du PSI par exemple, la
justice n’a-t-elle pas attendu les conclusions de l’enquête parlementaire ?
Pourquoi la justice ne s’est-elle pas inspirée des résultats, même partiels de
ces enquêtes ?
Parce que la vérité importe peu. Ce qui comptait, c’était de traîner Mme
Khattou Mint el Boukhari, épouse de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. De lui montrer
qu’elle peut être malmenée par la police chargée de la ramener manu militari.
Ce qui comptait c’est impliquer Yahya Ould Waqef, l’ancien Premier ministre,
dans une affaire de malversation et probablement de corruption. L’affaire Air
Mauritanie déterrée pour servir à ‘frapper’ le ‘noyau dur’ de l’opposition au
putsch (Ould Biya, Ould Hammoud, Ould Mokhtar…).
Aujourd’hui, c’est le tour de Ahmed Ould Khattri. Ce qui importe visiblement
c’est de le mettre en prison, de le traîner devant le public – parents, amis,
employés…- et de le livrer en pâtures. Si l’on peut trouver l’explication
politique pour l’acharnement contre les premiers – explication qui ne justifie
absolument rien – comment expliquer le cas Ould Khattri sinon par l’exercice
aveugle de l’arbitraire ? Auquel cas il faut prier pour nous.
Le 14/01/09
Source : La Tribune (Mauritanie)
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