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Le mariage secret (AS-SIRIYYA): Prostitution camouflée?
Le mariage
(az-zawaj) tient une place majeure dans l'islam car la structure de base de la
société islamique est la famille. Le Coran et la Sunna (tradition prophétique)
recommandent de se marier et de marier ses proches.
Mais le mariage islamique n'est pas un sacrement comme le mariage chrétien,
c'est un contrat passé entre la femme et l'homme, définissant les droits et
obligations de chacune des deux parties et garantissant, surtout à la femme, tous
les droits pendant le mariage et après la séparation.
Ce rappel est important pour moi, qui ne suis ni théologienne, ni
anthropologue, pour introduire un sujet qui m’interpelle à plus d’un titre, au
vu de l’ampleur qu’il commence à prendre dans nos sociétés, et devant lequel je
ne peux m’empêcher de poser un certain nombre de questions.
Dans la société
maure, héritière d’une forte culture matriarcale, les us et coutumes, à
quelques différences près, passent obligatoirement par certaines étapes:
· al- Khoutba : la demande de la main de la fille par la famille ou les
représentants du marié. Cette formalité peut se passer en assemblée restreinte
ou devant une assemblée familiale élargie et permet de fixer la date de la
cérémonie.
· al-machoura : les familles des mariés invitent, sous une forme
consultative, les siens à participer à la cérémonie. Cette étape ressemble à la
publication des bans chez les chrétiens, car elle permet aux personnes détenant
une information capitale, susceptible d’empêcher le mariage, de venir la
délivrer : ceci est important dans une société où certains liens de lait
peuvent prohiber le mariage au même titre que certains liens de sang.
· al-aqd : l’acte du mariage : cette formalité doit être accomplie par
un érudit ou un notable ou une personne âgée bien informée sur les deux
parties, particulièrement sur la mariée, dans un lieu ouvert et accessible au
public. Il est fortement recommandé de promulguer cet acte part toutes les
voies de communication : témoins, écrits, you-yous, tamtams, etc.
· al-nikah : consommation du mariage qui conclut l’acte et le rend
effectif après versement de la dot (mahr) à la mariée.
Une fois sous la tente, autrefois propriété de la mariée, le mari devait
traiter avec beaucoup de respect son épouse, car la société le jugeait en
fonction de son comportement avec son gynécée: ses épouses, sa mère et ses
sœurs : ne sont-elles les «pièces de son turban» ?
L’homme a le droit (et pas l’obligation) de prendre jusqu’à 4 épouses,
simultanément, sauf dans les dans les deux cas suivants :
- s’il ne peut pas être équitable avec chacune de ses femmes (temps consacré,
biens...)
- ou si la femme a fait préciser dans le contrat de mariage qu'elle n'acceptait
pas la polygamie de son mari.
Aujourd’hui, nous assistons à un phénomène nouveau dans notre société :
as-sirriyya ou le mariage secret, pratiqué surtout en milieu urbain et par
toutes les catégories sociales. Je dis nouveau, car cette forme de mariage
était une exception concédée à des femmes vivant en milieu rural, qui n’avaient
pas d’autres choix pour préserver leur dignité : veuves ou divorcées
quinquagénaires, qui avaient un statut social bien ancré et reconnu qu’elles
risquaient de perdre en contractant un mariage tardif difficilement
justifiable.
Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, ressemble par sa forme au «mariage
de jouissance» (zawâj al-mut'a), qui, pour les sunnites, fut prohibé (après
avoir été autorisé durant les campagnes militaires du prophète), mais qui reste
pratiqué par les chiites. Ses particularités sont qu’il s’inscrit dans une
durée déterminée, qu’il se passe à huis clos, et qu’il ne donne aucun droit
tacite à la femme : elle accomplit un acte physique sans conséquences sur la
vie sociale du mari, car si elle est reconnue devant Dieu comme épouse, elle ne
l’est pas devant les hommes.
Le mariage secret pratiqué aujourd’hui est toléré par toutes les instances
religieuses dites de proximité, que sont les mosquées. Il permet à tout homme
ayant une position sociale bien cotée (une réputation, une femme, des enfants,
…) qu’il veut absolument préserver, de demander à une jeune femme (de
préférence) de l’épouser, en secret, moyennant une contrepartie financière et
lui permet de l’abandonner à sa guise en dégageant toute responsabilité.
Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’entre-t-il pas en contradiction avec
le fondement même du mariage en Islam ?
Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’est-il pas un recul dans le respect
des droits et de la dignité de la femme ?
Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’est-il pas une porte ouverte à toutes
les pathologies sociales combattues par toutes les religions : le mensonge,
l’hypocrisie, l’inceste ou tout simplement la légitimation de la prostitution …
?
La citoyenne Lambda
Le 28/12/2008
source : Le Quotidien de Nouakchott
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