Le Double Défi de l’Education en Milieu Hratin
(Esclaves
et anciens esclaves en Mauritanie)
Idéologie sociale et mauvaise volonté officielle
Communication présentée par :Biram Dah ABEID
Introduction.
Etant moi-même victime de l’inégalité des chances concernant l’accès à
l’éducation dans mon pays car je n’ai pu de ce fait entamer mes études
supérieures que dix ans après la fin de mon cursus secondaire. Je voudrais
ici puiser dans l’expérience de ma communauté, mais aussi dans l’esprit des recommandations
contenues dans le draft qui m’est parvenu, pour contribuer modestement à cet
effort visant à dégager des conclusions capables d’être à la base de
l’accomplissement du droit des minorités dans le monde à l’éducation.
La définition et la
catégorisation des concepts de minorité restant hasardeuse, donc toujours
ouverte, vu les différents aspects que peuvent revêtir l’expression de
l’identité, je tenterais de m’attaquer à cette problématique à partir du cas
d’une identité ou d’une communauté de classe qui représente les Hratin dans
la république islamique de Mauritanie.
A - L’Hratin : une
identité de classe, face étouffée de l’esclavage interne et caché en Afrique.
De prime abord, je
m’empresserais de noter que cette population servile partage la langue, la
religion et la culture de la communauté dominante arabo-berbère malgré
quelques différences dans le mode de vie, les outils de travail, les
instruments de musique et le folklore. Il est aussi à souligner que la
différence raciale entre les deux groupes n’est pas systématique. Toutefois,
les Hratin ont acquis leur identité dans leur confrontation historique,
quotidienne et perpétuelle à l’idéologie et les pratiques esclavagiste et un
implacable système de caste, système dont la colonne vertébrale est
l’endogamie. L’Islam dans ce dispositif servant d’essence et de légitimation
de l’idéologie, les pratiques confinant les Hratin dans les rôles de
l’endurance physique, des travaux manuels et sous le soleil, les tenant
soigneusement en dehors du champ éducationnel.
B – L’éducation d’esclave.
L’esclavage
traditionnel et le pratique esclavagiste persiste encore en Mauritanie dans
un climat d’impunité et d’occultation savant et entretenu par les autorités
du pays. De source officieuse, on chiffre le nombre d’esclaves de naissance
entre 300 et 500 mille personnes. Ceci face au refus catégorique de l’Etat
d’autoriser des statistiques ou de diligenter une enquête officielle sur le
phénomène. En effet, pour le code mauritanien de l’esclavage, ces
esclaves, comme leurs ancêtres sont nés esclaves. Et comme tout bon musulman,
pour plaire à Dieu et mériter le paradis, un esclave doit strictement
obéir au maître, faute de quoi il est menacé de la malédiction et de l’enfer.
En conséquence, tous les travaux domestiques, les soins des troupeaux, les
travaux de terre, incombent à l’esclave. Il est de surcroît formellement
prohibé à l’esclave d’apprendre à lire ou à écrire ou de toucher le livre
saint (le Coran). Ainsi, après 48 ans de l’indépendance, un groupe aussi
nombreux reste privé de toute sorte de scolarisation.
Les esclaves, comme
leurs enfants, ne disposent pas d’Etat civile, pour cette raison, et une
autre fondamentale qui est leur sollicitation par les maîtres pour les
travaux démestiques – le travail manuel et le sous le soleil étant perçus
comme dégradants par les groupe dominants- leur inscription à l’école relève
de l’exploit. Pour illustrer cette réalité, entre autres témoignages, nous
introduisons celui d directeur d’école de Nwar dans la règion du Tagant
(Mohamed Ould Medellahi (affaire des esclaves de Ehel Saka) et celui de
directeur d’école d’Ehel Nana dans la région du Gorgol Abdou Ould Isselmou.
À noter que les
deux témoints ont subis des menaces de la part des maîtres et des
persécutions de la part des l’autorités pour avoir témoigner devant la presse
et les organisation de défense de droit humains.
Les gros bidonvilles ou ghettos populeux et paupérisés entourant les grandes
villes de Mauritanie, aussi que les Adwaba (villages d’esclaves) dans le
monde rural, sont constitués d’anciens esclaves en rupture avec leurs maîtres.
Mais cette population importante, chiffrée par les approximations à plus d’un
million de personnes, est confrontée à d’innombrables difficultés dont le mépris
et la stigmatisation inhérents à leur statut et trouvant leur racine dans l’esclavage.
Cette frange de la société mauritanienne, dévalorisée par l’idéologie sociale
des groupes dominants est aussi marginalisée par les politiques de l’Etat,
Etat dans lequel les groupes dominants détiennent sans partage les leviers de
commandes politiques, économiques, sociaux et culturels.
En effet, loin d’être
animé d’une volonté de prendre des mesures spécifiques dans les domaines
social et scolaire notamment pour aider cette couche défavorisée, moisissant
sous le poids des stigmates de l’esclavage, les pouvoirs publics sont peu
enclines à vouloir abolir les discriminations en matière d’administration de
l’enseignement qui frappent les ghettos et villages Hratin.
Et même si les ghettos sont dotés de quelques écoles, ces dernières souffrent
d’un manque cruel d’équipements. Et plus grave encore, le fait que les
enseignants, majoritairement de la communauté dominante refusent souvent
d’enseigner dans les milieux Hratin, soit les Adwaba (village d’esclaves) ou
ghettos de concentration de populations serviles. Ces refus se manifestent
souvent par un absentéisme qui met en péril la scolarité des enfants. En
plus, d’autres attitudes des enseignants consistent à faire travailler les
enfants pour le propre compte pendant les heures de cours, des travaux
domestiques, dans des jardins maraîchers ou à prodiguer des soins à leur
bétail.
Mais dans certaines
localités où il y a une présence mixte d’Hratin et d’arabo-berbères, des
enseignants cultivent la discrimination systématique contre les Hratin qu’ils
désignent pour des corvées privées, mais aussi au profit de l’école
(nettoyage des classes par exemple) en dispensant les enfants des groupes
dominants de ces mêmes corvées. Ces différences de traitement flagrantes mais
très normales chez nous, sont autant de brimades pour nos enfants. Les
enfants des groupes dominants se basent sur ces comportements injustes pour
humilier et se moquer des enfants Hratin, avec toutes les conséquences
nuisibles sur la psychologie des enfants et sur la construction de leur
personnalité.
Un autre problème, et non des moindres, qui accentue le poids des lacunes
dans scolarité dde ce pays est l’absence totale de toute référence aux droits
humains dans les programmes scolaires.
Au contraire, l’esclavage est toujours enseigné dans les programmes de l’éducation
religieuse comme étant une pratique normale dans le comportement habituel de
la société musulmane. Les professeurs de cette discipline réitèrent à
longueur de journée les obligations religieuses de l’esclave qui sont
largement distinctes de celles de l’homme libre en matière de droit musulman.
Evidemment, les élèves des souches dites nobles, apprenant cela, n’hésitent
pas à la moindre altercartion avec leur condisciple Hratin de leur signifier
avec dédain leur place dans la société.
E- L’échec scolaire :
Le concours de toutes ces malencontreuses circonstances, avec la pauvreté et
l’ignorance multidimensionnelle s, a conduit à une extraordinaire
exacerbation de l’échec scolaire au sein des Hratin, en ce sens que beaucoup
d’enfants s’adonnent très tôt aux petits travaux au détriment de l’école.
Ceci est pour eux une contrainte pour contribuer à juguler l’état d’extrême
pauvreté dans lequel se trouve leurs familles. Toutes ces circonstances font
que le stade de l’école primaire reste infranchissable pour plus trois quart
des écoliers hratin.
Et de surcroît, ce phénomène ouvert la voie à la traite des enfants et au
travail de ceux en bas âge. Ce parmi eux qui s’accrochent jusqu’à la fin des
études secondaires et méritent de passer vers l’enseignement supérieur (ils
ne sont pas légion) se trouvent automatiquement bloqués par le système
officiel de distribution des bourses.
Ce système, discriminatoire à plus d’un titre, est une forme aberrante et
continue de cooptation des enfants des groupes dominants pour les bourses de
formation et les quotas dans les universités de par le monde au détriment des
plus humbles dont les Hratin sont les premiers. Cette politique est une
disqualification d’office des groupes serviles des postes dans les secteurs
publics et privés qui requièrent qualification et compétence.
De ce fait, et malgré le nombre (entre 45% et 50% de la
population totale du pays) les Hratin brillent par leur absence et leur
invisibilité dans les sphères de décisions politiques, économiques,
militaires et techniques du pays et ne cessent à ce rythme de produire des
serviteurs.
Les Recommandations :
A travers la situation des Hratin de Mauritanie que nous avons tenté de
décrire, nous pensons que les recommandations suivantes peuvent servir, entre
autres propositions de cadre de réflexion pour dresser un ensemble de
conclusions pratiques susceptibles d’être mises en œuvre pour corriger des
situations de violation des droits des minorités à l’éducation et au respect
de leurs spécificités.
- La criminalisation de
l’esclavage comme vecteur de discrimination profonde, notamment dans l’école
et l’application des lois aptes à porter un effet dissuasif sur les groupes
esclavagistes qui mettent en péril l’éducation des enfants et des jeunes par
leurs pratiques.
- Recommander à tous les
Etats d’instituer l’enseignement obligatoire pour tous les enfants jusqu’à 16
ans.
- Abolir la tenure
traditionnelle et féodale des terres pour permettre aux collectivités traditionnellement
marginalisées la construction d’écoles afin d’éviter la dépendance dans ce
domaine vis-à-vis des groupes dominants.
- Instituer le système des
cantines scolaires et des internats pour permettre aux groupes souffrant
d’extrême pauvreté d’envoyer leurs enfants à l’école.
- Instaurer des mesures
spécifiques envers les groupes et les contrées défavorisés ou marginalisés
pour les doter d’infrastructures scolaires, du personnel enseignant et des
programmes propres dans le cas de particularité s linguistique, culturelle ou
confessionnelle.
- Doter le personnel
enseignant de formation sur les principes des droits humains et des droits
des minorités en particulier.
- Insérer la culture et
principes universel des droit de l’homme dans les programmes scolaires.
- Fondation d’instituts de
langues et cultures dans tous les pays multiculturels, multilinguistiques et
multiconfessionnels .
- Développer à la charge
de l’Etat la recherche sur les cultures des minorités et l’enseignement dans
leurs langues.
Genève -Palais des Nations Unies, le 15
décembre 2008.