Messaoud Ould Boulkheïr : Un
adversaire à abattre
Messaoud Ould Boulkheïr, président de l’assemblée
nationale et patron de l’alliance populaire progressiste (APP), se
trouve actuellement en tournée en Afrique pour rassembler les soutiens de la
plupart des pays du continent, afin de faire échouer le putsch en Mauritanie.
C’est la deuxième fois qu’il s’en va à l’extérieur pour plaider sa cause.
Le Haut Conseil d’Etat (HCE) et ses soutiens civils, à défaut de pouvoir
l’écarter de la présidence de la chambre basse, cherchent à réduire, à leur
plus simple expression, ses prérogatives. Des informations diffusées dans les
milieux du Front pour la défense de la démocratie (FNDD) évoquent un
agenda chargé du président de l’Assemblée dans son actuel déplacement en Afrique
de l’Est et du Sud.
Il doit rencontrer, aujourd’hui à Addis-Abeba, le président de la
commission africaine, Jean Ping. Après cela, il ira en Tanzanie
pour avoir des discussions avec le président en exercice de l’Union
Africaine –le président tanzanien- avant de se rendre en Afrique du Sud,
le géant africain dont le président par intérim aurait appelé dernièrement au
téléphone le président Sidi dans sa résidence (surveillée) à Lemden, son
village natal.
Tout
au long de ce périple, Messaoud va tenter de convaincre ses
interlocuteurs du bien fondé de son initiative qui a été très male appréciée
par le pouvoir militaire en Mauritanie. Cette position hostile a été en
effet exprimée par les députés de la majorité à travers un communiqué dans
lequel ils disaient qu’elle n’apportait rien de nouveau par rapport à la
position du FNDD et qu’elle feint d’ignorer l’initiative des
parlementaires qui a été proclamée avant elle.
Mais que
propose donc Messaoud ?
L’initiative du président de l’Assemblée tourne autour de trois points: le
retour de Sidi aux affaires, la constitution d’une commission qui regroupera
Sidi, les militaires et plusieurs autres personnalités nationales pour étudier
la situation et lui proposer des solutions et enfin, la possibilité de
l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle.
Cette
proposition semble avoir eu l’aval des français qui avaient invité son
initiateur à Paris pour la discuter avec le conseiller diplomatique de
l’Elysée, Bruno Joubert, son adjoint et quelques fonctionnaires
du Quai d’Orsay. Le problème qui se posait pour tout ce monde était de
trouver les modalités de sa mise à exécution.
Selon
certains observateurs proches du dossier, c’est elle (initiative) qui avait
servi de base à la résolution adoptée le 21 novembre dernier par la communauté
internationale et relative à la situation en Mauritanie. Cette
résolution ouvre, pour la première fois, l’éventualité de l’organisation d’une
élection présidentielle. Ce qui veut dire, en d’autres termes, le départ de Sidi.
Dans son voyage dans les différents pays africains, Messaoud, qui s’est
montré, jusqu’ici, réservé en décidant de ne pas assister publiquement aux
activités du Front, semble être sorti de sa réserve et entend désormais
contribuer à l’entreprise politique menée par le FNDD à l’étranger afin
de faire échouer le putsch. Cet activisme lui vaut naturellement l’animosité
des militaires qui n’épargnent déjà aucun effort pour le plier ou du moins lui
rendre la vie difficile au parlement.
Dans leurs meetings, à l’intérieur du pays et à Nouakchott, les membres
du gouvernement et du HCE ont trop tiré sur le leader Haratine en
dénonçant le fait qu’il soit président de la chambre basse avec tout simplement
cinq députés élus sous les couleurs de son parti. D’autres sont même allés
jusqu’à attaquer la personne elle-même en l’affublant de toutes les
descriptions. Et pour le combattre, il faut descendre dans l’arène
parlementaire, ce dont ses adversaires ne s’en sont pas privés.
Fonction
inamovible.
Le pouvoir militaire a toutes les raisons d’en vouloir à Messaoud. Dans
ses rencontres avec le général Aziz après le putsch, il n’a jamais caché
son hostilité au ‘’mouvement’’ du 6 août et son refus catégorique de le
cautionner. A cela s’ajoute son boycott aux réunions de l’assemblée nationale,
irrégulières à ses yeux.
Face
à niet catégorique, le pouvoir a apparemment décidé de croiser le fer avec lui.
Ils ont pensé premièrement à son renvoi pur et simple de son poste de président
de l’hémicycle. Mais très vite, ils se sont rendus à l’évidence: le président
de l’assemblée est inamovible pendant les cinq années de son mandat.
Ce n’est pas le règlement intérieur de cette chambre qui le dit, mais c’est la
constitution. Et pour modifier cette dernière il faut respecter un certain
nombre de conditions: avoir l’aval des 2/3 du parlement, ce qui est difficile à
rassembler du fait que le RFD exclut toute modification de la
constitution…
A défaut
de pouvoir le destituer, ils cherchent désormais à réduire considérablement ses
prérogatives à travers le changement du règlement intérieur qui est déjà à
l’ordre du jour de la présente session. Ils vont également renvoyer tous les
présidents de commissions membres du front ou qui occupent d’autres fonctions
comme, par exemple, le rapporteur du budget une fonction occupée jusqu’ici par Salek
Ould Sidi Mahmoud, du parti Tawassoul et qui boycotte les réunions
actuelles du parlement.
Ces mesures ne semblent point altérer la popularité de Messaoud qui gagne
jour après jour en consistance et en acceptation au sein de l’opinion. Celui
qu’on appelle affectueusement “Chikh l’ebid” -le chef des esclaves- est
désormais accepté voire très considéré chez les maures blancs à cause de sa
constance et de la fermeté de ses positions.
Il est vrai quand même que cet homme, d’habitude versatile et pas très
politique, a fait un parcours sans faute dans son positionnement politique
depuis les élections législatives où son parti avait enregistré de faibles
performances.
Si
on attaque à lui aujourd’hui, on risque bien de récolter les effets contraires
en lui permettant de jouer à la victime, une position qui beaucoup en
politique. Cette dernière ressemble, en effet, à un arbre qui ne vit que de
l’irrigation par les brimades, les prisons et le sang…
Ould Bladi
Source :
Biladi (Mauritanie)
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