Diplomatie : La France classe la Mauritanie en «zone de guerre»
Les voies de
la diplomatie française sont impénétrables. Dans toute affaire, le Quai
d’Orsay semble se subroger à son ambassade à Nouakchott et en prend
les responsables à contre-pied. Les assertions –pour ne pas dire les
contradictions- ne manquent pas suivant les désidératas des uns et des autres.
Mardi, 28 Octobre 2008. Journal du 20 heures. Heure de grande affluence sur la
chaîne publique française France2. Le sujet est grave : «tourisme en
zone de guerre » présenté en «destinations à risques ». Le reportage
est focalisé sur les exemples, qui ne sont pas légion, de français se rendant
dans des zones de conflits comme l’Irak, l’Afghanistan…
Des touristes comme le couple Symphorien ou encore Quentin Payet-Gaspar,
qui ont bravé les interdits pour se rendre dans des régions où la guerre fait
rage.
Tout ceci aurait pu passer sans éveiller le moindre soupçon,
si à la fin du reportage, signé Renaud Bernard et Pascal Caron,
un listing de pays «formellement déconseillés» ne comprenait pas, en
bonne position, la Mauritanie.
Dans cette mise en scène grotesque, la Mauritanie est
hissée septième sur ce hitparade macabre juste après l’Afghanistan, l’Irak,
la Somalie, le libéria, la RDC et la Colombie. La Mauritanie
ravit même la palme de l’insécurité au Nigéria et à la Birmanie.
Une coïncidence troublante au moment où notre pays accueillait, le 24 Octobre
dernier, les premiers vols de touristes, français dans leur majorité, ouvrant
ainsi sa saison touristique en Adrar.
Une «bonne publicité » dont nous gratifie un reportage de France2
citant le porte-parole du Quai d’Orsay, Eric Chevalier. L’homme
est aussi conseiller spécial de Bernard Kouchner. Une présentation de la
destination Mauritanie qui devrait faire sauter de joie les Tours
opérators français qui avaient parié sur l’échec de la présente saison
touristique en Mauritanie pour avoir perdu le monopole de l'acheminement
des touristes en Adrar.
Un reportage inespéré pour enfoncer le clou de la campagne
d’intoxication menée tambours battants par certains tours opérateurs qui,
pourtant, multiplient les perches en direction de notre pays après l’avoir
copieusement insulté.
Une diplomatie à
deux vitesses.
Dans un récent entretien avec SEM Vandepoorter, ambassadeur de France
en Mauritanie, nous nous inquiétons de la perception que la diplomatie
française donnait aux touristes français, les décourageant de venir en Mauritanie.
«Il ne faut pas dire que la France décourage les français à venir en Mauritanie.
Regardez bien la page conseils aux voyageurs sur le site de l’ambassade de
France ou celle sur celui du ministère des affaires étrangères et vous verrez
que nous conseillons la vigilance ».
L’ambassadeur de France a
bien raison sur ces deux sites, il est prôné la vigilance. «Les consignes de
prudence et de vigilance, notamment pour les déplacements à l’intérieur du
pays, doivent être particulièrement respectées” souligne-t-on en raison du
contexte de menaces proférées par Al Qaeda sur notre pays.
“Ce qui est normal compte tenu du fait qu’en Mauritanie, comme en
France et tant d’autres pays, il faut vivre avec ce risque terroriste; Il faut
donc prendre un certain nombre de précautions. En France, nous avons un
plan « Vigipirate » qui fait qu’il y a des contraintes qui pèsent sur les
français dans leur vie quotidienne en raison justement du risque d’attentat » ajoutait
l’ambassadeur pour apaiser les craintes.
Ce discours est celui de l’homme de terrain. Il tranche nettement avec celui
(présenté comme le sien par France2) du porte-parole du Quaid d’Orsay
qui aurait soutenu «formellement » que la France déconseillerait
à ses ressortissants de se rendre dans douze pays dont le nôtre. Mais quoiqu’il
en soit, la déclaration malheureuse, du porte-parole du Quai d’Orsay
ressemble à un coup de poignard dans le dos.
Ceci est d’autant plus vrai que notre pays tente d’expérimenter –et c’est une
première- le transport des touristes. Le mal est donc inéluctablement fait. Et
la psychose entretenue par certains tours opérators français risquent, avec
cette déclaration officielle d’un haut responsable français, d’avoir l’effet
escompte : faire avorter un secteur encore embryonnaire. Mais le malheur des
uns ne fait pas toujours le bonheur des autres ! Pourquoi s’attendriraient-ils
sur les bouchées de pain retirées aux enfants de l’Adrar. La vie nous a
appris que les affaires ne riment pas avec le sentimentalisme béat.
Contrer les
campagnes malveillantes.
Une telle déclaration aurait dû provoquer le courroux des autorités
diplomatiques de notre pays à Paris. Pourtant aucune réaction officielle
n’a encore été enregistrée. Pire, certains font comme si de rien n’était.
Pourtant au-delà des retombées catastrophiques qu’une telle déclaration peut
avoir sur la saison touristique en cours, il y va aujourd’hui de l’image du
pays; de son statut dans le concert des nations et du respect de son Peuple. Triste
rapport que celui que l’on veut nous imposer, nous faisant même doubler par la Birmanie
dans ce classement du Quai d’Orsay.
C’est franchement inamical. Il y a lieu donc, dans l’intérêt bien compris de
tout le pays, que des clarifications soient réclamées du responsable du Quai
d’Orsay. Mais il faudra surtout sans plus attendre mener une
contre-offensive de communication pour expliquer aux français, plus
particulièrement, et au reste du monde que la Mauritanie est d’abord une
terre d’ouverture, de tolérance, de rencontres et de respect d’autrui. Tel
était elle était et telle elle restera n’en déplaise aux agitateurs et autres
navigateurs en eaux troubles.
03/11/08
( JD ) Jedna Deida
source : Le Quotidien de Nouakchott
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