Tout semblait aller dans le
meilleur des mondes possibles entre Vatimétou Mint Vékou et Mohamdi
Ould Messaoud. C’était vraiment le temps de l’amour. Mais, un jour, une
dispute éclate entre eux. N’en pouvant plus, Mohamed Ould Messaoud
répudie Vatimétou Mint Vékou pour la quatrième fois. Au moment de cette
répudiation, Vatimétou Mint Vékou était en état de grossesse de 8 mois.
Dans ce cas de figure, le mari, comme il est prévu dans le Code du Statut
Personnel, doit assurer l’entretien et le logement de la femme. A l’alinéa 2 de
l’article 91 du CSP, on peut lire : «La répudiation prononcée pour la 3ème
fois de suite met fin au mariage et interdit un nouveau contrat avec la femme
répudiée à moins que celle-ci n’ait accompli un délai de viduité légale suite à
la dissolution d’un mariage avec un autre époux effectivement et légalement
consommé ».
Cette affaire, aux yeux d’Aminétou Mint Ely Moctar, illustre une
défaillance flagrante des négligences autoritaires de ce pays. «On lui prend
son bébé qu’elle a porté pendant 9 mois et allaité. Elle est répudiée à huit
mois de grossesse sans aucune indemnisation et prise en charge sociale de la
part de son mari.
Elle accouche sans que ce
soi-disant monsieur (son mari) ne fournisse le moindre effort pour
l’aider ou au
moins accomplir son devoir de père. Il se présente un jour pour « voler’
l’enfant », raconte la présidente de l’AFCF qui considère cet
enlèvement comme étant un kidnapping. Cet enfant est actuellement entre les
mains de son père qui est allé se réfugier, après avoir pris l’enfant, à son
village du nom de Mbidane dans la wilaya du Gorgol.
A la suite de cela, Vatimétou Mint Vékou a porté l’affaire devant le
procureur de la
République. Mais jusqu’à présent, rapporte Aminétou Mint
Ely Moctar, les mesures qu’il a prises sont extrêmement lentes. Cela fait
plus d’une semaine en effet que ce dossier traîne au niveau du Palais de
Justice.
Non seulement, Mohamed Ould Messaoud n’a pas respecté le Code du Statut
Personnel en son article 84 qui stipule qu’en tout état de cause, l’épouse
répudiée peut agir en justice, pour exiger les droits découlant de la
répudiation dont, entre autres, la subvention à l’entretien et le don de
consolation, mais il a pris l’enfant né de leur union. Et, pourtant, dans son
article 123, le CSP reconnaît, en cas de dissolution du mariage, la garde de
l’enfant est confiée en priorité à la mère. Ce que ne respecte pas Mohamed
Ould Messaoud par simple négligence de la loi.
Qualifiant cette affaire de cas très grave, Aminétou Mint Ely Moctar a
dénoncé les lenteurs constatées dans le traitement de cette affaire qui a été
portée devant le Procureur de la
République. «C’est un laisser-aller », estime-t-elle.
Cette affaire démontre, selon elle, que la Mauritanie est
loin de connaître la fin de l’impunité. «Nous ne sommes pas dans un Etat de
droit », confirme-t-elle en remarquant que les populations défavorisées et
vulnérables sont le plus exposées et victimes de cette impunité.
Tout cela est dû, selon la présidente de l’association des femmes chefs de
famille, aux insuffisances, au manque d’application et de sensibilisation du
code du statut personnel. Cela dessert, à son avis, l’intérêt des femmes
mauritaniennes. Comme par exemple, en cas de divorce, la femme n’est pas
associée. Cela pose un problème crucial : celui de l’implication de la femme au
divorce.
La loi n° 2001-052 portant Code du Statut Personnel n’a pas prévu ce genre de
disposition. «Nous faisons face à une justice qui date du 1er siècle,
s’indigne-t-elle, une justice qui puise dans la préhistoire. Les procédures
utilisées par les cadis sont archaïques et coutumières. Ces soi-disant
justiciers sont issus de la féodalité. Ils sont contre l’émancipation et
l’égalité des femmes et surtout pensent que la femme doit rester au foyer
».
L’affaire Vatimétou Mint Vékou n’a pas manqué de dépiter Aminétou
Mint Ely Moctar, présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille.
«La femme (mauritanienne) est victime de beaucoup de discriminations et
d’injustices. » Cet état de fait, explique-t-elle, n’a pas sa raison d’être
dans un pays revendiquant les valeurs de démocratie, de justice et d’égalité. «Malheureusement,
tel n’est pas le cas », regrette-t-elle amèrement.
Elle n’a pas mâché ses mots pour dénoncer les injustices dont sont victimes les
femmes mauritaniennes. Pour preuve, elle cite les interminables files indiennes
qu’elles font devant le bureau des cadis pour obtenir leurs droits. La
présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille a du mal à
comprendre l’attitude des autorités qui continuent à fermer les yeux sur une
telle situation.
Tout en s’insurgeant contre la vision qu’ont certains détracteurs sur la femme
mauritanienne, Aminétou Mint Ely Moctar a soutenu que la femme
mauritanienne a son mot à dire en cette ère de démocratie que vit la Mauritanie. « La
justice, c’est le pilier du pays. S’il n’y a pas de justice, il n’y a pas
d’Etat de droit. Si la justice boîte, l’Etat boite. »
Cette affaire Vatimétou Mint Vékou n’est que l’arbre qui cache la forêt
en réalité. Car, nombreuses sont les femmes qui continuent à être victimes de
viols, de violences sexuelles, de divorce abusif, de maltraitances physiques,
de kidnapping... C’est dans ce cadre que la présidente de l’Association des
Femmes Chefs de Famille a demandé la création d’une chambre des conflits,
la révision du code du statut personnel et le droit à la femme mauritanienne
d’accéder à la pension «La vérité finira par triompher un jour »,
lance-t-elle avec défi.
Aminétou Mint Ely Moctar n’a pas manqué de mots durs pour dénoncer
l’attitude de certaines personnes qui utilisent la femme comme un instrument de
collecte d’argent. «On est en train de cacher la vérité et de mystifier
l’Occident en disant que c’est la pluie et le beau temps alors que ce n’est pas
vrai. Il n’en est rien. Bien au contraire ! », lâche-t-elle, écœurée.
Babacar Baye Ndiaye
source : Le Rénovateur (Mauritanie)