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Mal
nommer les choses ajoute au malheur du monde (Camus)
Egypte
: chrétiens en danger
Par
Sandra Ores ©
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Les
coptes sont de plus en plus inquiets quant à leur avenir en Egypte.
Dimanche dernier, des heurts confessionnels entre chrétiens et
musulmans ont éclaté au Caire, faisant deux morts et
quatre-vingt-six blessés.
Plusieurs milliers de coptes
s’étaient rassemblés dans l’après-midi de dimanche à la
cathédrale Saint-Marc, dans le quartier d’Abbassyé, pour célébrer
les obsèques de quatre membres de leur communauté. Ceux-ci avaient
péri vendredi lors d’affrontements interconfessionnels précédents
dans le gouvernorat de Qalyubiya, au nord du Caire.
Selon des
coptes présents dimanche à la cathédrale Saint-Marc, après la
procession du cortège funéraire dans l’église, des dizaines de
jeunes chrétiens avaient projeté de marcher en direction du
ministère de la Défense. Leur objectif, demander que l’armée
uvre à la défense de leur communauté. Dans le même temps, des
participants au cortège scandaient des slogans contre le pouvoir de
Morsi.
Avant que le groupe constitué ne se mette en route,
les manifestants ont été attaqués à coups de cocktails Molotov.
Les auteurs de cette agression ont été formellement identifiés
comme étant des sympathisants des Frères Musulmans. Devant
l’assaut qu’ils subissaient, de nombreux chrétiens se sont
réfugiés à l’intérieur de la cathédrale. S’ensuivirent des
échanges de projectiles par-delà les murs de la bâtisse, dont les
portes furent enfoncées.
Au milieu de cette scène, la
police, qui lançait elle aussi, aux côtés des émeutiers
musulmans, des gaz lacrymogènes sur l’édifice et les chrétiens.
Les violences se sont poursuivies tard dans la nuit ;
lundi, la situation s’est finalement calmée.
Suite à cet
incident, le Président Morsi s’est adressé au patriarche des
coptes orthodoxes d’Egypte, Tawadros II, lui exprimant ses
condoléances et affirmant qu’une enquête avait été ouverte.
Le ministère de l’Intérieur avait quant à lui
commencé par affirmer que les heurts avaient été provoqués par
les participants aux funérailles ; qu’ils avaient endommagé des
voitures à la sortie de l’église, ce qui aurait fait réagir les
habitants du quartier. Ce qui est évidemment totalement infondé.
Les réactions à chaud du ministère de l’Intérieur ainsi
que des forces de police met en exergue la situation de détresse
dans laquelle se trouvent les coptes ; un état de faiblesse dénué
de soutien face à la majorité musulmane et ses éléments de plus
en plus radicaux.
L’écrivain égyptien musulman Alaa el
Aswany, dont les livres ont été diffusés en français par les
éditions Actes Sud (entre autres L’immeuble
Yacoubian,
2006, J’aurais
voulu être égyptien,
2009, Chroniques
égyptiennes,
2011), détaille longuement les difficultés auxquelles sont exposés
les coptes dans un article, publié le 7 janvier, dernier dans le
quotidien égyptien indépendant Al-Masry
Al-Youm
(l’Egyptien aujourd’hui).
Outre les discriminations
socioprofessionnelles que les coptes sont forcés d’affronter dans
leur pays, à en croire el Aswany, les chrétiens d’Egypte ne
bénéficient pas d’une pleine liberté de culte. Des inégalités
qui se traduisent également par des actes violents.
El
Aswany rapporte qu’être chrétien, en Egypte, signifie "vivre
dans le danger d’être chassé à tout moment de son quartier".
Que des petites querelles locales ou un différend commercial peuvent
rapidement se transformer en guerre de religion.
Il établit
que la simple construction d’une église représente, pour les
extrémistes musulmans, une offense "dans leur honneur et leur
foi", qui les pousse à l’attaquer ou à la brûler. Quant
à celui qui se convertit au christianisme, il risque sa vie ; les
islamistes s’attelant à l’éliminer "par devoir religieux".
El Aswany poursuit son exposé en insistant sur le fait que
les pouvoirs publics ont conçu un système qui ne protège pas la
minorité chrétienne contre ces agressions. Comme on le constate
souvent, et notamment durant le pogrome de la cathédrale Saint-Marc,
les forces de l’ordre du gouvernement islamisant n’hésitent pas,
au contraire, à participer au lynchage des chrétiens. D’une
part, la police, plutôt que d’intervenir lorsque nécessaire,
préfère conseiller aux coptes de s’éloigner momentanément et
d’attendre que les tensions se calment. De l’autre, la justice
adhère à cette tendance : face aux plaintes, les assaillants s’en
sortent avec des peines légères ou sont acquittés. En revanche,
pour un chrétien, critiquer la religion de la majorité peut
entraîner plusieurs années de prison. Alaa el Aswany
rappelle toutefois que pour un extrémiste, il existe une dizaine
d’autres Egyptiens tolérants, souffrant autant que les chrétiens
de la présence des éléments radicaux offensifs.
Suite à
l’incident de ce dimanche, les représentants coptes ont réagi en
soulignant ces discriminations ainsi que les dangers qu’elles
impliquent pour leur communauté. L’évêque des
jeunes coptes orthodoxes, Anba Moussa, a remarqué que les forces de
sécurité n’étaient pas intervenues de manière appropriée et
avaient failli à empêcher les assaillants d’attaquer l’église.
Il a en outre déclaré que ces mêmes forces s’étaient rangées
du côté des "agitateurs des Frères Musulmans" en lançant
des gaz dans les locaux de la cathédrale.
Des hauts
représentants de l’église égyptienne ont quant à eux appelé à
la destitution de Morsi. Ils ont publiquement souhaité la fin du
règne des Frères Musulmans. Les responsables chrétiens accusent la
fratrie de prendre le contrôle des institutions d’Etat - ce qui
mène, selon eux, à la désintégration du tissu social et au défaut
de sécurité dans le pays. Les mêmes prêtres, de noter que ce sont
les coptes qui paient en premier lieu les conséquences de cette
islamisation de l’Etat.
Depuis la chute de Moubarak, en
février 2011, plus d’une cinquantaine de chrétiens ont été tués
lors d’affrontements confessionnels. Tandis que Morsi avait promis
d’incarner "le président de tous les Egyptiens", ses
opposants l’accusent de se comporter comme le "représentant
des Frères Musulmans". Alaa el Aswany appelle les
coptes chrétiens, qui représentent un dixième de la population
égyptienne, à ne pas quitter le pays, à se cramponner et à se
défendre sur cette terre où ils vivent depuis plus de deux
millénaires. L’avenir leur promet des moments
difficiles, car la société égyptienne se trouve encore en phase
d’islamisation expansionniste. Dans cet environnement, les
observateurs au pays des pyramides ne distinguent aucune force
constituée, aucun organe institutionnel qui soit prêt à protéger
l’intégrité des minorités non-musulmanes, à commencer par les
chrétiens.
Autant dire que les coptes sont pratiquement
livrés à eux-mêmes, et, qu’après avoir analysé la situation
qui prévaut sur les bords du Nil, on ne peut raisonnablement prévoir
que la poursuite de la détérioration de leurs conditions
sécuritaires. Ce, sans parler de leur situation économique et de
leurs conditions de vie au quotidien. ,
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