Mohamed Ould
Alweynat/Mrayame Mint Jily : La
Justice a-t-elle reculé...
...devant les féodalités?
Mrayame Mint El
Jily, 26
ans et Mohamed Ould Alweynat, 23 ans habitent Hseydhine. Une
localité située à 55
kilomètres de Kiffa. Ils s’aiment et décident de
se marier. Le père de Mrayame s’oppose au mariage pour «
incompatibilité de classe sociale » entre les deux «amants». Mohamed
serait d’un rang inférieur.
La flamme étant plus forte que les carcans, les amoureux se présentent devant
le cadi (juge) à Kiffa. Une décision du président du tribunal de cette
ville marie légalement Mrayame et Mohamed. Quelques mois plus
tard, selon leur avocat, le tribunal de Guerrou, « sous la pression
», annule le mariage.
Le couple est venu chercher de l’aide auprès des défenseurs des droits de
l’Homme à Nouakchott. Nous avons rencontré Mint Jily et Ould
Alweynat, mercredi 28 mai, au siège de l’AFCF.
Après
la conclusion du contrat de mariage au tribunal de Kiffa, le père de la
mariée porte plainte. Le juge d’instruction saisie de l’affaire rend une
ordonnance de non lieu en faveur de Mohamed Ould Alweynat le 23 janvier
2008.
Environ un mois plus tard, le dossier a été rouvert au tribunal de la Moughataa de Guerrou
qui assure l’intérim de celui de Kiffa. Les mariés sont convoqués dans
cette ville pour être entendus.
De l’avis de Me Ahmed Bezeid Ould Mohamed el Mamy, avocat de Ould
Alweynat et de Mint El Jily, “en cas d’intérim, le juge, au lieu
de convoquer doit se déplacer pour les audiences.” Le couple ne se rend pas
à Guerrou.
L’avocat,
Me Bezeid devant les journalistes, au siège de l’AFCF, a fait
état d’un jugement réputé contradictoire annulant le mariage fait au tribunal
de Kiffa rendu le 17 mars 2008 par le tribunal de la Moughataa de Guerrou.
Selon l’avocat, «seul le prononcé de ce jugement du tribunal de Guerrou a
été présenté au couple et ce prononcé ne vaut pas jugement car il ne contient
pas les motifs de la décision.»
Le 23 mars, le couple interjette appel contre la décision du tribunal de Kiffa
annulant le mariage. Toujours, selon l’avocat, le 09 avril, Mohamed Ould
Alweynat a été amené de force à Kiffa et contraint de signer un
compromis devant le juge d’instruction. Ce compromis, selon Ould Alwaynat
était le suivant : «Tu renonces à Mint Jily et son père (le père de
sa femmes) retire sa plainte.»
Il a ajouté «J’ai signé pour ne pas aller en prison. » Pour l’avocat «ce
compromis est une violation du droit, de la charia et des bonnes mœurs.» Il
est aussi, selon l’avocat «la preuve de la légalité du premier mariage »
Pour trouver de l’aide, le couple débarque à Nouakchott. SOS Esclaves et
l’AFCF se saisissent de son cas.
Le mercredi 28 mai, Amnetou Mint Moctar, présidente de l’AFCF,
reçoit, à Nouakchott, un coup de téléphone de la gendarmerie. Quelques
instants plus tard, les gendarmes débarquent au siège de l’AFCF. Ils
cherchent Mohamed Ould Alweynat. «Je ne sais pas où se trouve Mohamed
mais sa femme pourra vous le dire » répond Amnetou. Rendez-vous est
pris pour le lendemain à 10 heures.
Le jeudi 29 Aminetou conduit Mohamed Ould Alweynat à la Commission
nationale des droits de l’Homme. A 10 heures, les Gendarmes débarquent. Ils
disent que le Procureur de la république veut voir Ould Alweynat. Selon Aminetou,
à la porte du bureau du procureur, un policier en poste dit «il est absent
mais le substitut est là. ».
Toujours, selon la présidente de l’AFCF, Aminetou, le substitut exhibe
une convocation signée du procureur de la République de Kiffa, adressé à Mint
Jily et Ould Alweynat. «C’est le début du week-end. Mint Jily est
en état de grossesse avance. Elle est malade. Elle pourrait attendre samedi, le
temps de faire des consultations.» Le substitut, selon Aminetou,
accepte et lui fait signer une décharge. Aminetou était accompagnée du
Président de SOS Esclaves, Boubacar Ould messaoud.
A la sortie du palais de justice de Nouakchott, vers la grande mosquée,
le gendarme prend la route de la gendarmerie. Une fois à l’état major de la
gendarmerie, il a été décidé, selon Aminetou, que Mint jily y
restera. Aminetou proteste et reste toute la journée avec elle. Mohamed
Ould Alweynat lui, à été conduit à Kiffa sous escorte de gendarmes.
Mohamed Ould Alweynat, Mint Jily, leur avocat, Aminetou Mint El Moctar
et Birane Ould Dah Ould Abeid de SOS Esclaves, dénoncent tous les
pression d’un ex haut responsable de l’Etat dans cette affaire.
« Après voir fait un pas, la justice, face à la puissance des féodalités,
a-t-elle reculé » c’est la question que l’on se pose dans cette affaire.
Khalilou
Diagana
Source :
www.cridem.org
Aminetou Mint el Moctar, Presidente
de l’AFCF
«En tant qu’association de défense des droits de l’Homme, nous estimons
qu’il ne doit y avoir de place pour les castes dans un pays démocratique. Nous
demandons justice. Séparer deux êtres humains légalement mariés est contraire à
l’Islam.»
Birame Ould Dah Ould Abeid, SOS-Esclaves
«Cette affaire montre que le système judiciaire continue d’être la chasse
gardée des idéologies qui méprisent certains et subliment d’autres selon leurs
naissances.»
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