A.H.M.E.
ARTICLE 122 :
Culture et identité
Faut-il croire à la fin de l’esclavage ?
QUATRE mois après l’adoption de la loi criminalisant la pratique de l’esclavage en Mauritanie, les associations anti-esclavagistes espèrent que les nouveaux financements annoncés pour la réinsertion des anciens esclaves permettront de résoudre les nombreux problèmes auxquels ils sont encore confrontés dans la société mauritanienne. « Bien évidemment, nous nous réjouissons de cette annonce », s’est exclamé Biram Ould Dah Ould Abeid, membre de SOS Esclaves, une organisation qui lutte depuis des années contre la pratique de l’esclavage en Mauritanie. « C’est
un geste fort que le gouvernement envoie aux esclaves et aussi la preuve que
les autorités ont entendu nos appels ». Lorsque l’esclavage a été
criminalisé au mois d’août, les organisations anti-esclavagistes et de défense
des droits humains ont exhorté le gouvernement - comme elles le font depuis des
années - à mettre en place des structures Aboli officiellement depuis 1981, l’esclavage reste largement pratiqué dans toutes les communautés mauritaniennes - généralement dans les zones rurales - aussi bien chez les Maures blancs (Arabes Berbères) de la bourgeoisie, que chez les Négro-Africains. Selon une estimation de l’organisation non-gouvernementale Open Society Justice Initiative, le nombre d’esclaves et d’anciens esclaves représente 20 pour cent de la population - soit environ 500.000 personnes - mais il est difficile de confirmer ces chiffres. Le 23 novembre, Abderrahmane Ould Hamma Vezaz, le ministre mauritanien des Finances, a annoncé l’octroi d’une enveloppe de 19 millions d’euros (27,8 millions de dollars) pour financer des programmes de réinsertion des anciens esclaves. « Cette somme s’inscrit dans le cadre de la lutte contre les séquelles de l’esclavage et contre la pauvreté », a affirmé M. Ould Hamma Vezaz. Cette enveloppe a été dégagée du budget 2008 qui doit être adopté définitivement par le Parlement avant la fin de l’année. Première
condamnation Nulle
part où aller Aujourd’hui,
un esclave qui tente de fuir son maître n’a nulle part où aller. En l’absence
de centres d’accueil ou de structures de réinsertion, les esclaves se réfugient
souvent auprès de sympathisants de l’organisation SOS Esclaves. « J’ai
cherché de l’aide auprès de la brigade de gendarmerie de R’Kiz, [à
Trarza] », a murmuré Mme Mint Salem. « Ils m’ont renvoyée
vers le président du tribunal régional, qui n’a pas souhaité s’occuper de moi.
Je suis alors retournée à la brigade et ils ont menacé de jeter mon mari en
prison si nous continuions à venir leur parler d’esclavage ». « Aujourd’hui,
je suis là. Je ne sais pas où aller. Mais je n’ai plus confiance en la
justice ». La
question foncière Bon nombre de personnes pensent que la question foncière est au coeur de la problématique de l’esclavage en Mauritanie. « Les terres cultivables sont monopolisées par les anciens maîtres. Et pourtant c’est nous qui les exploitons », a affirmé Yeslim Ould Warmit, un paysan harratine du village de Leuceïba. « En fait, pour eux, esclaves nous sommes nés, esclaves nous resterons », a renchéri Abdallahi Ould Mohamed Salem, un autre esclave affranchi. « Ca ne changera pas tant que l’administration locale soutiendra les anciens maîtres ». C’est
pour cette raison que les activistes anti-esclavagistes pensent que même si la
loi criminalisant l’esclavage a été adoptée, la mise en oeuvre de structures
d’accompagnement reste essentielle. « La question foncière est
cruciale », a affirmé Mamadou Sarr, secrétaire exécutif du Forum
national des associations des droits de l’homme en Mauritanie. « Car
aujourd’hui, personne ne joue le jeu. Ni les maires, ni les préfets, ni même
les gouverneurs. Ils sont encore à la solde des grands propriétaires
terriens ». Pour Ould Dah Ould Abeid de SOS Esclaves, les 19 millions
d’euros octroyés par le gouvernement doivent être investis dans deux directions
fondamentales. « Il faut des mesures capables de réaliser l’affranchissement
économique des esclaves. Le 10 mai 2008 Sources : Jeune Afrique et IRIN
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