A.H.M.E.
TEMOIGNAGE 9:
COUP D'ETAT EN MAURITANIE, janvier 2005
Les acteurs du coup d’Etat en Mauritanie du 8 juin 2003 et la question de l’esclavage
Au cours du procès des auteurs du coup d’Etat du 8 et 9 juin 2003 et des présumés, en Mauritanie, le capitaine Ahmed Ould Minnih a plaidé couplable et a déclaré, entre autre, ceci : Il y a des pratiques esclavagistes au sein de l’armée mauritanienne. La stratégie du pouvoir est d’empêcher les officiers haratine d’accéder à des grades au-dessus de celui de commandant. Or les Haratine constituent la communauté la plus importante de Mauritanie. Il affirme aussi qu’il n’y a pas une ville, un village, une région ou un département où ne vivent pas des haratine, ce qui n’est pas le cas des autres communautés mauritaniennes, souvent, localisables géographiquement.
Suite à ces propos, le président du tribunal a suspendu la scéance car il ne souhaitait pas que la question haratine soit abordée dans ce procès. Le témoignage de cet officier maure est essentiel, en ce sens qu’il est le premier émanant d’un arabo-berbère. Il prouve que, dans l’armée mauritanienne, l’esclavage administratif est une pratique existante., comme elle l’est au sein des autres secteurs de l’administration publique. Il faut savoir que c’est durant la guerre contre le POLISARIO (mouvement de libération du Sahara Occidental), ancienne colonie espagnole convoitée par le Maroc et la Mauritanie dans un premier temps, aujourd’hui sous administration marocaine) qu’on a, pour la première fois, recruté, massivemment, des Haratine. A ce sujet, léopold Sédar Senghor ( premier président du Sénégal indépendant) avait dénoncé sur les ondes de RFI ( Radio France Internationale), l’attitude du Front POLISARIO qui consistait à tuer tous Noirs qu’ils capturaient, alors que les maures pris comme prisonniers regagnaient les rangs du mouvement ou été gardés dans des camps.
Durant cette guerre (1975 à 1979), on a décelé des pratiques relevant de l’esclavage administratif : l’intendance de l’ armée remettait les salaires des soldats esclaves aux maîtres maures. Le recrutement massif des haratine évitait, aussi, aux Maures de mourrir sur le champ de bataille. Les officiers suprérieurs maures de l’armée mauritanienne profitaient des soldats haratine en se servant d’eux comme domestiques. Les témoignages que nous avons reçus, sur cette période, parlent de leur condition d’ « esclavage ». Les Haratine ne dirigent jamais un corps des forces de l’ordre (gendarmeire, garde nationale police) ou militaire. La seule exception a été celle de El Hadi Ould Sedigh qui n’a duré que huit mois. Cette nommination faisait justement suite au coup d’Etat dont nous parlons dans lequel le chef d’Etat major a été tué. En ce qui concerne le nombre de haratine dans la population mauritanienne, les recenssements de 1977 et 1988 font l’objet d’un mutisme sur leur nombre. Des témoignages nous permettent d’avoir une idée sur le comportement des maîtres d’esclaves à cette occasion. Après avoir recensé une famille maure dans la Badiya ( campagne), l’agent demande pourquoi les autres( haratine) ne sont pas recensés. La réponse de la maitresse de maison est « ceux-ci sont nos esclaves. Veux-tu recenser nos animaux ? » A Nouakchott, l’agent remarque que les esclaves qui font des va et vient sont plus nombreux que les membres de la famille maure esclavagiste. D’où la question : « et les autres »? La réponse est : « on ne recense pas les esclaves. » Le jour où les Haratine seront recensés, la population mauritanienne pourrait être beaucoup plus importante et ils auront, certainement, une première place dans l’échiquier démographique du pays.
Ould Ciré Président de L’Association des Haratine de Mauritanie en Europe
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