L'embuscade
sanglante du matin du 15 septembre 2008 visait un détachement de l'armée mauritanienne,
dans une passe où les véhicule pick-up doivent se frayer un chemin
étroit. Celui-ci traverse une montagne située au Nord Est du pays,
entre le plateau d'El Hank et la ville minière de Zouérate ; l'unité a été
décimée au complet, blessés et morts, dont le capitaine Djé Ould Abidine.
Les
témoins et observateurs avertis de la crise politique en Mauritanie évoquent
une manipulation, survenue à temps, pour détourner l'attention du monde et
desserrer l'étau autour du Haut Conseil d'Etat (junte) dont l'isolement, dès
le lendemain coup d'état du 6 août 2008, ne cesse de s'aggraver.
D'autres, moins circonspects, y conçoivent une manœuvre de diversion,
provoquée par les putschistes afin de ramener l'enjeu du rétablissement de la
légalité constitutionnelle à une simple préoccupation de sécurité, face à la
déstabilisation par des groupes terroristes venus d'Algérie ou du Nord du
Mali.
Les tenants de cette thèse font observer que les services de sécurité
mauritaniens disposent de taupes-relais au sein de la nébuleuse islamiste
radicale. L'on en cite, le plus souvent, Elkhadim Ould Semane, le chef
présumé de la cellule locale d'Al Qaîda, actuellement en détention, pour sa
participation à divers actes de violence, tels l'homicide de quatre touristes
français aux environs d'Aleg en décembre 2007, suivi d'attaques à main armée
en plein centre de Nouakchott, la capitale.
L'évènement avait alors terni l'image du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh
Abdellahi, à cause de sa décision de reconnaître un parti islamiste et de ses
gestes de piété un peu trop démonstratifs. Robert Bourji, un avocat de droite
qui tente d'aplanir le différend entre la France et le nouveau pouvoir en
Mauritanie, s'efforce, ces derniers temps à Paris, de présenter la junte,
comme l'unique rempart contre la déferlante d'Al Qaïda sur l'espace
saharao-sahélien.
Elkhadim Ould Semane, cousin du Général Ould Abdel Aziz et du Colonel Ely
Ould Mohamed Vall, cumule diverses évasions depuis 2003, date de sa première
arrestation. En 2005 puis 2007, les enquêteurs établiront son implication
dans l'attaque de la caserne de Lemgheïty et du poste de Ghallawiya, par des
inconnus en armes.
Comme aujourd'hui aux environs de Zouérate, l'armée mauritanienne y perdait
des hommes et du matériel, sans parvenir à infliger de dégâts aux
assaillants. La succession des défaites consacre la réputation d'incompétence
du commandement et sème la démoralisation dans le rang. Les officiers
supérieurs paraissent plus préoccupés de politique et de luttes pour le
pouvoir que par la sécurité de soldats, quasiment en haillons, démunis de
matériel adéquat et enrôlés dans des unités à faible capacité opérationnelle,
en comparaison de la troupe d'élite du Bataillon de Sécurité Présidentielle
(BASEP) que dirige le Général Ould Abdel Aziz, depuis le Palais du chef de
l'état.
Le raid d'aujourd'hui, véritable bénédiction du ciel, parait trop commode au
Haut Conseil d'Etat (HCE, junte), pour ne pas susciter la remise en
question de sa part de hasard. Il intervient quelques heures après le début
de la visite de Ramtane Lamamra, Commissaire à la Paix et à la Sécurité de
l'Union Africaine (UA), lequel devait s'entretenir avec le Général Ould
Abel Aziz, le Président détenu Ould Cheikh Abdellahi, le Président du Sénat
Mamadou Ba dit Mbaré et le Président de l'Assemblée Nationale Messaoud Ould
Boulkheïr, afin de parvenir à un règlement négocié de la crise de légitimité.
Sur la fabrication du terrorisme utile en Mauritanie, Taqadoumy recommande
cette étude, réalisée par des chercheurs mauritaniens, durant l'été 2005,
quelques semaines avant le renversement de l'ex Président Ould Taya : http://www.achr.nu/rep.fr14.htm