Environ deux semaines après le renversement de son père, Amel Mint
Cheïkh Abdellahi, revient sur le processus ayant mené les généraux à opérer
«ce coup d’État contre le Peuple mauritanien». Selon elle, il s’agit «d’un
scénario préparé de longue date et qui devait mener, dans l’esprit de ses
instigateurs, à pousser le Président à quitter le pouvoir de lui-même sous la
pression».
Une destitution programmée: C’est en ces termes que la fille aînée de
Ould Cheïkh Abdellahi résume le scénario qui aurait conduit à un départ
«camouflé» de son père de la présidence. Les généraux avaient choisi, «par
différents canaux» de faire pression sur lui. Ils ont d’abord cherché à
l’affaiblir au sein de sa propre majorité «en faisant pression sur certains
élus, afin qu’ils se rebellent». Les généraux ont aussi cherché à l’acculer
par le biais de sa famille en invoquant des arguments fallacieux». Mais rien
n’y fit, le Président était «imperturbable et a refusé de démissionner». Et
cela d’autant plus que les généraux pensaient qu’il ne pouvait pas les
limoger.
Pour Amel, les généraux ont commis une erreur, dès le départ, «en
pensant que Sidi sera une marionnette à leurs bottes». Mon père, dira-t-elle,
est «d’apparence souple», mais il n’en demeure pas moins «un homme de
principe et de conviction, ce que lui reconnaissent même ses adversaires». Et
c’est ce qui a fait paniquer les généraux qui, «de dossier en dossier,
voyaient la situation leur échapper».
Pour ce qui est du point de départ du divorce entre le Président et
ses généraux, Amel pense que le déclic a été la démission du gouvernement de
Zeïne Ould Zeïdane. Depuis ce jour, les généraux ont affiché leur véritable
intention et le Président en constituait, à leurs yeux, un obstacle,
explique-t-elle. Surtout qu’il avait fermé «tous les robinets». Il n’y avait
pas de «facilité, ni de clientélisme». C’est alors que tous les mécontents du
système se sont retrouvés à travers «des arguments aussi fallacieux
qu’indignes».
Pour Amel, le Coup d’État a été monté de toutes pièces par le général
Aziz, qui a engagé dans son entreprise les autres. Mais, explique-t-elle, le
coup est une erreur. Dans la mesure où, c’est pour la première fois qu’un
front intérieur d’opposition s’est organisé dans le pays dans
l’histoire de
tous les coups d’État.
Pour elle, il ne peut réussir, puisque la Mauritanie avait été
admise comme exemple de bonne démocratie par les États-Unis, qui ne vont pas
laisser s’envoler ainsi une expérience aussi importante dans la région. Il y
a aussi, dit-elle, la détermination de l’actuel Président Français, qui est
un homme de conviction et de détermination, explique-t-elle en substance.
C’est pourquoi, déduit-elle, «je dis qu’à quelque chose malheur est bon». Car
il faut que cela puisse constituer un exemple de dissuasion pour tous les
putschistes pour lesquels une «instance internationale doit être créée afin
de les juger».
Pour ce qui est de l’échec présumé de son père dans le dossier du
terrorisme, elle répond que ce sont plutôt les généraux qui ont échoué, «dans
la mesure où le Président leur avait laissé la gestion totale de ce dossier».
Enfin, Amel revient sur l’acte d’arrestation de son père. Selon elle,
il a été arrêté par l’homme qui devait le protéger et qui était déjà «démis
de ses fonctions» et le Président se trouve dans une situation de personne
prise en otage. Ce qui est, dans le code pénal, «une circonstance
aggravante», et la peine encourue est la peine capitale.
Amère, Amel conclut en invoquant, avec une certaine ironie, le fait
que «l’armée dit toujours intervenir pour notre bien», or le malheur est
toujours à nos portes.
Synthèse de BAM
Source : Biladi, Journal mauritanien