Dans la foulée des affranchissements voulus ou forcés
auprès des maîtres, que le pays connaît depuis la promulgation de la loi
criminalisant l’esclavagisme, il demeure des points d’ombre, particulièrement
sur les missions de sensibilisation dans l’intérieur dont l’Etat devait se
charger. Celles-ci se transformeraient selon l’association SOS Esclaves en un discours
niant ce phénomène.
Bilal Ould Rabah s’est
libéré de ses maîtres il y a quelques mois à peine. Avec l’aide de SOS esclaves. C’est à la suite
de cette aide, qu’il l’a sollicitée à nouveau pour la libération de sa sœur
Habi Mint Rabah,
qui demeurait encore l’esclave de ses anciens maîtres dans le Mederdra, et
qui était victime de travaux forcés et d’abus sexuels.
«Le cas était assez grave pour que
l’association monte une commission qui été chargée d’une mission dans la
localité où ce crime a été constaté. Cela a été un échec, par manque de
collaboration des maîtres, appuyés aussi par le wali» raconte Biram Ould Abeid, chargé de
communication à SOS esclaves.
Ce ne sera qu’à la suite d’une deuxième mission que Habi sera ramenée à Nouakchott, le mardi 18 mars.
Paradoxalement, la famille de Habi
ne désire pas porter plainte, car selon Bilal, amer, «ça ne servirait à rien, du moment où on
constate que dans l’intérieur, celui-ci appuie en général les maîtres».
«Pour le moment nous allons fêter les
retrouvailles de toute la famille: nos parents ont pu s’enfuir en 2000, et
mes frères, une de mes sœurs et moi par la suite. Il ne manquait que Habi»
reprend-il.
La famille s’installe aujourd’hui à Nouakchott,
à la charge de SOS esclaves, et Bilal
a été inséré dans une boutique de pièces détachées
automobiles, où il est vendeur. Un moyen certes précaire de pallier à
l’affranchissement économique dont l’Etat (à travers le Ministère de la
décentralisation) tient a priori la charge. «Six milliards d’ouguiyas avaient été promis pour faciliter cet
affranchissement économique, mais les anciens esclaves n’en ont pas vu un
seul!» dénonce Biram
Ould Abeid.
Les crispations des autorités publiques et de
certains pouvoirs religieux
Le cas de Habi est d’autant plus
marquant dans l’étape importante de l’abolition sur le terrain de
l’esclavagisme, que les autorités de la région, wali et gendarmerie
notamment, sont accusées, par
l’association des femmes chefs de famille, et par SOS esclaves d’appuyer les
activités esclavagistes des maîtres.
Habi Mint Rabah
elle-même d’ailleurs indique qu’elle a subi une «certaine pression de son entourage et du wali
pour tenir un certain discours devant la presse ou toute autre organisation».
Pourtant les campagnes de sensibilisation avaient été lancées par l’Etat,
notamment pour l’aspect médiatique, à travers la Radio de Mauritanie, qui constitue
le plus puissant vecteur d’informations.
«Il n’en est rien; déjà, les missions
qui devaient se déplacer dans certaines localités, ont été très sélectives.
Dans la région de Habi, aucune sensibilisation n’a eu lieu. Ensuite, pour
ce qui est de la radio, sa direction s’attelle surtout à faire la promotion
du négationnisme de l’esclavage. En ce sens, elle exclut les tables rondes
sur le sujet. Elle va plus dans le sens d’un discours dans l’air du temps,
qui assène une légitimation du phénomène, à travers sa soi-disant origine
divine. Cette vision est entretenue par certaines élites religieuses et
groupes dominants dans nos sociétés.» accuse longuement Biram O. Abeid.
MLK
Le 25/03/2008
Source: L’Authentique (Mauritanie)
Tiré de www.cridem.org