Le 13 janvier à Nouakchott la Commission Nationale des
Droits de l’Homme (CNDH) a abrité une
cérémonie émouvante. Après une
séparation de 9 ans durant lesquelles elle était maintenue en esclavage à
Boghé, Messaouda, une fille
âgée de18 ans, a enfin retrouvé sa mère Towva. La petite Messaouda vivait depuis 9 ans
à Boghé avec la
famille Ehel Heiné
après que sa maman ait fui l’esclavage à la faveur
d’un deuxième mariage.
Le déclenchement de l’affaire remonte à octobre 2007
quand les militants anti-esclavagistes se sont saisis du cas. En
novembre, le redoutable activiste Biram
Ould Dah Ould Labeid débarque à Aleg et saisit le Wali du Brakna Sidi Maouloud Ould Brahim
qui ordonne au Hakem de Boghé et
à la police locale de diligenter une enquête dont les
résultats sont présentés au parquet d’Aleg.
Mais le procureur d’Aleg
avait alors exigé -selon les activistes- que la mère de Messaouda porte plainte.
Cette dernière ne s’étant pas présentée, l’affaire tourne en rond, bien
que le code de la protection des enfants en son article 149 habiliterait
les associations de droits de l’Homme à ester en justice au nom des
victimes.
Yehdiha la tente
maternelle de la petite Messaouda
se fait présenter au Parquet d’Aleg,
mais sans résultat : « ils m’ont
amèné avec Messaouda, se sont dits quelque chose avec le procureur d’Aleg et ils sont partis avec la petite»
indique-t-elle. Et de préciser : «Le
procureur a demandé à Messaouda
s’il elle veut partir avec moi, ou si elle veut rester avec Ehel Heine. Elle lui a répondu qu’elle veut rester».
Interrogée pourquoi n’a-t-elle pas porté plainte, car sa nièce est
quand même réduite en esclavage, Yehdiha
répond : «Je n’avais pas compris au
début, c’est par la suite que j’ai compris. Et mon mari Ghoulam ainsi que mon fils sont allés porter
plainte». Devant ce cafouillage, les militants
anti-esclavagistes entrent de nouveau en ligne et déposent cette fois une
requête devant la CNDH.
A partir de ce moment, les choses vont vite. La CNDH dépêche
à Boghé une
mission conduite par Me Mohamed
Ould Dahane et Issa
Ould Mohamed. Cette mission récupère la petite Messaouda à Boghé pour la remettre à
sa mère Towva. Messaouda
retrouve alors sa mère le 13 janvier dans les locaux de la CNDH. Une scène émouvante. «C’est le plus beau jour de ma vie. Je ne
dormais plus. J’attendais ce jour. J’avais peur. Je ne pouvais partir la
chercher. J’avais même voulu la récupérer en utilisant son frère dans
cette mission. Mais que pouvais- je ? J’étais esclave comme elle
», déclare Towva la mère de Messaouda.
La petite Messaouda
tendue peut être à cause de la timidité ou de l’émotion jetait des
regards attentionnés sur sa mère. Des regards qui cherchaient les yeux de
cette dernière, qui voulaient lire….comprendre. Timide, elle refuse
dans un premier temps de parler mais finit par se résoudre à le faire,
encouragée par l’assistance. Oui dit-elle, «je suis contente de retrouver ma mère». Etais-tu
maltraitée par tes maîtres ? Est-il vrai que tu étais une bergère?
Réponse de Messaouda:
«Non, je n’étais pas une bergère,
je lavais la vaisselle, je faisais la cuisine et j’accompagnais les
filles ave lesquelles, je vivais dans les mêmes circonstances. Il n’ y
pas autre chose (Ma vem chi awkhar) ». Messaouda jette un regard
sur sa mère et baisse la tête. Silence total dans la salle, en
fait, dans le bureau de Biram
Ould Dah Ould Labeid.
Messaouda ne
comprenait peut être pas son ancienne condition servile. Elle
tentait peut être de comprendre sa nouvelle situation. Dans sa vraie
famille. Dans les bras de sa mère qui l’a porté dans ses entrailles et
l’a mis au monde, de laquelle, elle était séparée. Messaouda lève la tête et
regarde l’assistance, puis baisse le regard. Quelques yeux rougissent de
larmes, d’autres de honte. Le regard de Messaouda a remué les consciences.
Avec le sentiment du devoir accompli, Me Mohamed Ould Dahane parle : «Vous venez d’assister à un cas
d’esclavage
avéré. Je voudrais à l’occasion saluer la parfaite collaboration des
autorités administratives du Brakna avec la mission de la CNDH. Dans sa mission de
prospection, la CNDH a eu à
découvrir ce cas d’esclavage et nous avons agi par la mesure prioritaire
pour créer l’union effective de cette famille divisée par l’esclavage. Je
remercie notre président de nous avoir envoyé dans une mission de ce
niveau. Je remercie également SOS Esclaves qui nous ont alerté sur ce cas
».
Des procédures sont par la suite engagées à la CNDH
pour accorder à la famille de Messaouda,
un soutien financier. Towva
ne disposant pas d’une pièce d’état civil, donne procuration à Ghoulam, le mari de sa soeur Yehdiha pour décharger
le montant qui pourra probablement contribuer à garantir une
forme d’autonomie à cette famille, divisée jusqu’ici, par l’esclavage.
Reaction de Birama Ould Dah Ould Labeid
«Cette action constitue un rempart
contre les tracts et les graffitis que nous voyons présentement. Mohamed Ould Dahane et Mohamed Ould Issa se sont investis dans cette affaire et
transcendés les clivages faisant ainsi tomber les arguments des
extrémistes. Ils sont des arabo-berberes en pointe du combat
anti-esclavagiste, et ils ont obtenus des résultats probants
»
IOM
Le 18 janvier 2008
Source : Tahalil Hebdo (Mauritanie)