Esclavage et violations des
Droits de l'Homme : Le FONADH offre une tribune aux victimes
Le siège du FONADH a abrité ce mercredi une
importante rencontre à l'occasion de laquelle plusieurs victimes de violations
des droits de l'Homme (et notamment des victimes de l'esclavage) ont témoigné
directement exposant euxmêmes (une première) les problèmes auxquels ils sont
confrontés. Les victimes dont une importante frange était originaire du Trarza
(El Wivagh, Rkiz, Levraywa, Mederdra, Lexeiba, etc) sont
largement revenus sur l'esclavage agricole.
Celui-ci comme a eu à le souligner M. Birame Ould Dah Ould Abeidi
de S.O.S Esclaves dans son mot introductif n'est pas
criminalisé par la loi comme tel fut le cas pour l'esclavage domestique.
Ainsi, aux victimes de cette forme d'esclavage, on interdit la propriété
terrienne et les autorités cautionnent cet état de fait. De ce fait, les
populations des victimes de cet esclavage n'ont pas droit à la propriété,
d'habiter et d'exploiter un lopin de terre qui leur est propre. Beaucoup de
personnes sont ainsi victimes du métayage, cette forme d'exploitation
moyenâgeuse.
A l'occasion de cette rencontre, les victimes d'injustice ont tour à tour pris
la parole pour témoigner devant l'assistance en présence de la presse nationale
et internationale. Voici en résumé les propos de quelques intervenants.
Moctar Ould Telli, ancien officier de l'armée
Il a exposé la dernière affaire de Wivak (localité située à 14
km de Boutilimit) où une tribu voyant d'un mauvais oeil
l'occupation du reste officielle d'une portion de terre par des Haratines n'a
pas trouvé mieux que d'organiser une expédition punitive, une razzia au cours
de laquelle il y eut plusieurs blessés graves dont une femme de 80 ans écrasée
par une voiture.
Succédant à Moctar, un représentant des victimes de
l'esclavage agricole à Lexeiba 2 a dénoncé l'alliance entre
l'administration, la justice et les notables tribaux ; un bloc qui dit-il fait
mouche. Pour lui, cette situation est inadmissible. En effet, les soi-disant propriétaires
terriens n'habitent pas sur les terres cultivées (ils sont dans les villes)
mais viennent régulièrement pour récolter les fruits du travai l des
autochtones.
Yeslem, représentant de la localité des Oulad Imijine, Lexeiba 2
Dans notre localité, il n'y a pas d'esclavage domestique mais l'esclavage
agricole est flagrant. Les terres agricoles sont annexées par les riches et
pourtant ces terres nous appartiennent. Nos ancêtres qui les ont toujours
exploitées y sont enterrés. Ceux qui aujourd'hui vivent du fruit de notre
travail ne nous aident jamais. Dans notre localité, ils ne sont même pas prêts
à financer une mosquée pour que l'on puisse y effectuer nos prières. Ce sont
des gens négatifs.
Parmi eux, il y a un cadre de l'UNICEF et un
responsable de l'Agence Mauritanienne
d'Information. Notre localité est menacée par la crue et notamment
depuis la construction de la route Boghé-Rosso. Ainsi
les experts chinois qui travaillent sur cette route ont demandé à ce que notre
village soit transféré sur un site situé plus loin mais les maîtres y ont
opposé un refus catégorique et l'Etat ne réagit pas. Un puits que nous étions
en train de forer et qui était au dernier stade a été stoppé et on nous refuse
même l'accès à l'eau potable. C'est injuste on nous refuse de vivre comme tous
les citoyens. "
Messaoud Ould Metbeibiba de la commune de Kouroudjel
Teyib Ould Mohamed Mahmoud, sénateur de Ould
Yengé m'a pris mes terres. Il a monté contre moi mes propres
frères. Ma famille a été brutalisée et malmenée. L'affaire remonte au 7 août
2005 et se poursuit toujours. Ce sénateur a monté contre moi et ceux qui me
soutiennent tous les services régionaux de l'Etat qui nous font subir un
embargo qui ne dit pas son nom. Nous sommes des exilés de l'intérieur et on
demande aux autorités de s'occuper de nous au même titre que les réfugiés
venant du Sénégal.
Intervenant sur ce sujet, le sénateur de Ould Yengé
présent dans la salle a nié les faits en bloc affirmant qu'il n'avait pas de
problème avec Messaoud. Ce dernier souligne-t- il est
manipulé par d'autres. Le sénateur a brandi une pile de documents présentés
comme des preuves de sa bonne foi. Il a affirmé qu'il n'a rien à se reprocher
et pour preuve sa présence au sein de cette assemblée dit- il.
Amadou Khaydoum, Lexeiba 2
" Nos terres dont nous détenons un permis datant de 1910 ont été en
partie spoliées par Khalil Ould Abderrahmane
et Ould Ahmadoua de l'ensemble des Tendgha.
Lexeiba 2 c'est un Etat dans l'Etat et ces gens qui ne sont
pas originaires des lieux viennent y faire la loi. Les élus sont tous importés
et n'ont que des intérêts. "
Dah Ould Bah Ould Blal, Lexeiba
" Cette localité, c'est un royaume. Les dirigeants qui sont tous
étrangers à la localité ne font que profiter sur le dos des faibles. Il n'y a ni
sondage, ni poste de santé. Les gens règnent en maîtres et n'apportent rien.
les féodaux utilisent l'arme politique pour écraser les faibles et ils
bénéficient de l'impunité totale. Ainsi un sondage construit par Caritas
ne profite pas aux populations qui sont politiquement opposés aux seigneurs des
lieux. "
Kheiratt Ould Nasseh, Levraywa (Ouad Naga)
" Dans notre localité habitée par deux groupes, les maîtres et les
Abid (esclaves) un conflit a été déclenché. Le litige entre maîtres et esclaves
a plusieurs causes (hausse du prix de fabrication des briques, diminution des
salaires des bergers et des bonnes, refus de voter pour le candidat des maîtres
aux élections municipales passées).
Face aux représailles des maîtres 75 des 90 famil les de la localité
poussées par la faim et la misère sont partis s'installer dans les environs de Tiguint.
Là les autorités refusent de nous octroyer les terres qu'on occupe et on nous
refuse l'accès à l'eau. En effet, le puits situé dans la zone appartient à un
Monsieur qui est de connivence avec nos ennemis. Actuellement, on vit une
situation impossible et les autorités ne font rien pour nous aider.
"
Ould Mkheitrat, Rkiz
" A mon tour, je vais poser un problème de torture et d'impunité. Mes
deux enfants ont été accusés de vol et arrêtés arbitrairement par la brigade de
Gendarmerie de Rkiz. Les deux gosses ont été
sauvagement battus et l'un d'eux a perdu connaissance. Malgré tout, ils furent
blanchis par le tribunal et aujourd'- hui je tente d'intenter une action en justice
contre les gendarmes Mohamed Ould Ahmed Mahmoud,
Cheikh Ould N'Doumri et Ahmed
Ould Abdel Kebir. Mais en vain. "
El Hachima, habitante d'Arafat
" J'ai été spoliée de mon terrain par une femme qui fut soutenue par
le Hakem d'Arafat qui malgré tous les
témoignages en ma faveur a tranché en sa faveur.
Mohamed Mahmoud Ould Oumarou, dirigeant syndical au port de Nouakchott
" Les travai lleurs du port vivent un véritable esclavage. Le BEMOP
fait régner une dictature implacable. Le fruit du travail de milliers de
travailleurs est détourné par des hommes d'affaires sans scrupules. "
Pour corroborer les propos de Ould Oumarou, plusieurs victimes
se sont succédées pour témoigner de leur amère expérience.
En conclusion, Baba Ould Cheikh s'est insurgé contre le
système de l'exploitation pure et dure appelé tâcheronnat. Notons que cette
rencontre a vu la participation d'élus du peuple, de dirigeants de partis
politiques, de représentants d'ONG des droits de l'Homme ainsi que le président
de la Commission Nationale des Droits de l'Homme.
BAKARI GUÈYE
Source : Nouakchott Info
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