Isselmou O
Abdel Kader à propos du passif humanitaire : « Vous n’en savez que très peu »
Soumis
par journaliste le mar, 15/12/2009 - 13:41
A l’occasion de l’Atelier de Réflexion sur le Retour
des Réfugiés organisé par le Forum des Organisations des Droits Humains du 12 au 13 Décembre 2009, l’ancien
Ministre, M. Isselmou O Abdel Kader a
fait une sortie remarquée sur les exactions commises pendant le règne de
l’ancien Président, Maouiya
O Sid’Ahmed Taya qu’il
a pourtant servi.
L’ancien Ministre
Monsieur, Isselmou Abdel Kader, n’y est pas allé de mains mortes avec l’ancien
régime de Ould Taya pour dénoncer les affres subies par les Négro- Africains
lors des événements tragiques qui ont eu lieu entre 1989 et 1991. Dans un
exposé animé à l’Hôtel Khater sur « Les Perspectives et Enjeux du Retour des
Réfugiés Mauritaniens au Sénégal et au Mali», l’ancien gouverneur des Willayas
du Brakna, du Gorgol et du Guidimakha a dénoncé sans ménagement les différentes
causes qui, selon lui, sont à l’origine des années de braises.
Come-back sur les causes des évènements
Ces causes se résument selon, lui, en quatre catégories. La première est liée à
la conjoncture des années 1980 dira t-il avant de qualifier la seconde cause en
ces termes :
« les débats de l’élite intellectuelle politique naissante ont squatté les
salons de la clandestinité pour discuter des problèmes sensibles par rapport à
la cohabitation entre différentes composantes ethniques ayant des références
socioculturelles et le manque de liberté, le manque de démocratie, le manque de
réflexion dans ces limites restreintes et clandestines ont engendrées des
comportements, des manifestations, des réflexes, des idées qu’on peut qualifier
d’extrémistes».
Allant plus loin encore, M. Isselmou O Abdel Kader déclare « la prolifération,
le développement de théories autour d’appréhensions élaborées dans l’obscurité
d’un cercle fermée a fait qu’il y a eu un développement effervescent de
motivation nationalitaire allant du racisme pure à des nuances moins
dangereuses. Il y a eu des écoles, des plantes culturelles venimeuses qui ont
poussées dans l’ombre et qui ont détruits ce que le pays a développé».
Caractérisant la troisième cause comme la nature du régime politique de
l’époque, M. Isselmou Abdel Kader rajoute : « la troisième cause demeure la
nature du régime politique ». « Nous sommes partis d’un régime autocratique à
des régimes militaires avec cette nuance que chaque régime qui prend le pouvoir
par un putsch se fait épauler par un ou deux des groupes. Et quand on ne peut
pas saisir le réel, la réalité de la société plurielle infiniment riche et
infiniment diverse, on l’a régit par des lois, des stratégies et des politiques
qui ne correspondent à rien du tout. Et dans notre cas ici, la loi domaniale de
1983 a été la preuve d’une ignorance totale du régime de la nature de la terre»
a continué l’ex-Wali.
Parlant alors de la dernière cause il déclare : « qu’elle découle de la
négligence interne de légitimité, de popularité du régime de l’époque » tout en
faisant remarquer qu’à cette époque là les gouvernements étaient aux abois des
deux cotés des fleuves. Et c’est la raison pour laquelle ils cherchaient
manifestement un regain de popularité en créant un conflit artificiel durant
lequel chacun d’eux se présentait comme étant le défenseur des siens.
Révélations fracassantes
Selon lui, ce sont ces caprices qui ont motivés, qui ont favorisés la
survenance des événements de 1989-90-91.
Pour remédier aux conséquences nées des ces événements douloureux,
l’Administrateur civil à la retraite indique, je cite : « pour y arriver, il
faut connaître la plaie. Je vous en dis, vous qui pensez connaître ce qui s’est
passé, vous ne connaissez que très peu de ce qui s’est passé ». Et il martèle :
« les plaies sont plus profondes que vous croyez. Il est très facile d’avoir
l’ambition de remédier à la conséquence sur le résultat exact de ce qui s’est
passé. Il y a eu des communautés déportés, leurs terres ont été distribuées à
d’autres communautés soit disant revenues du Sénégal. Il y a eu des communautés
Peuhles qui ont été spoliées de leurs troupeaux. Et tout le monde sait la
déchéance morale d’un Peul qui a perdu son troupeau ».
Allant plus loin encore, M. Isselmou Abdel Kader témoigne : « il y a eu des
fonctionnaires Mauritaniens déportés, des Mauritaniens dont on a enlevé les
maisons, voitures. Il y a eu aussi et on ne parle pas, des viols à n’en plus
finir. Il y a eu aussi dans la vallée des dizaines et des dizaines d’enfant qui
sont nés dans les années 1990-1991 et qui sont issues de ces viols qu’on n’a
pas révélé».
Et l’ex Ministre de s’exclamer « j’étais frappé dans un village du Gorgol où
j’ai trouvé une jeune fille extrêmement blanche qui avait les cheveux qui lui
arrivaient jusqu’au jarret et qui mangeait du « lathiri » (en Français)
couscous avec les autres enfants. Je ne l’ai pas demandé parce que tout de
suite, j’ai su qu’elle est issue d’un viol. Mais quand je me suis intéressé à
la question, j’ai découvert qu’il y’ avait des dizaines et des dizaines
d’enfant issues des mêmes cas, mais on en a pas parlé. »
Ensuite, M Isselmou Abdel Kader fera d’autres révélations poignantes voire plus
choquantes concernant les disparitions dans la vallée du fleuve Sénégal. « Il y
a eu des pertes de vie humaines » assène t-il avant de s’interroger : « Où
ont-ils été enterrés, personne ne sait !». Un lourd tribut qui ne peut pas être
traité à la hâte a-t-il affirmé. « Je connais des détails immenses, énormes
dans les villages de Wending, Dabbé, Sorimalé, M’Bagne, Bababé, Fondé… en tout
cas dans les villages que j’ai administré» a poursuivi l’ancien Ministre de la
Santé. Ces disparitions et exécutions dans des conditions inimaginables sur le
peuple mauritanien déclare Isselmou doivent être connues et châtiées puis les
responsables doivent être punis sinon les erreurs se reproduiront encore.
« Aux Morts de pardonner et non aux vivants !»
Pour le devoir de pardon, M. Isselmou Abdel Kader déclare « ce n’est pas à nous
de pardonner. Aujourd’hui les gens disent qu’il faut pardonner, ce n’est pas à
nous de pardonner, c’est aux victimes de pardonner et c’est même aux morts de
pardonner. Les gens qui sont morts, c’est eux qui doivent pardonner, ce n’est
pas les vivants».
Comportements nobles et courageux
Cependant, M. Isselmou Abdel Kader a évoqué le comportement qu’il qualifié
d’extrêmement courageux et exemplaire de certains officiers Maures en citant le
cas du Colonel, Mohamed Lemine Ould Talib à l’époque Commandant de la 7e région
Militaire à Aleg. Il m’a réveillé dit-il un soir à 1h du matin tout en pleurs.
« Il m’a dit : M le Wali, j’ai un problème. Mon chef est entrain de me radier
du corps parce que je n’ai pas voulu assister à la torture de mes collègues
Halpulars . Il y a 13 qui sont morts déjà et je ne veux pas y assister ». Je
lui ai demandé : combien tu touches par mois. Et il m’a répondu, je touche 35
000Um. Je lui dis, je touche à peu prés autant que toi. Mais je te garantis que
d’ici ta mort, je te paierai ton salaire si tu me donnes tes gallons. Il me dit
d’accord. Il est repartit et il a été aussitôt mis aux arrêts, puis dépravé.
C’est grâce à l’intervention d’un notable qui a donné au Commandant de région
10 vaches pour enterrer le dossier qu’il est devenu aujourd’hui chef d’un
bureau à l’Etat Major de l’armée nationale.
Il y a aussi le cas de l’Adjudant chef Vaché qui a sauvé beaucoup de ses
collègues à Nouadhibou et dans des conditions absolument difficiles.
Mais aussi déloyaux…
Se remémorant des exactions, M. Isselmou Abdel Kader fait un autre témoignage
« Il y a des militaires qui avaient attaqués le village de Fondé en tuant une
petite Haratine. Le lendemain, les militaires ont pris tout le troupeau de
Fondé : un cheval et des vaches. Ils ont arrêtés 6 personnes dont un ancien
Lieutenant de la Garde Nationale M. Sall Samba Hamath. Le jour suivant, ils ont
donné le cheval au chef d’Etat Major Adjoint ensuite, ils ont partagé le butin
». Par la suite affirme t-il « le Commandant de la Région Militaire a convoqué
une réunion de sécurité. On est venu avec les préfets de Boghé et de Bababé
selon son droit de décider des traitements du problème des prisonniers de
Fondé. Et d’emblée, après nous avoir demandé notre avis, le Commandant de la
région militaire a dit : « bon voilà, on va les exécuter ». Je lui ai dit non,
mon Colonel, on n’exécute pas comme ça ». Il a mis sa pipe dans sa tabatière
avant de me traiter de Communiste ensuite il est ressorti. Après il est revenu
en disant « on met fin à la discussion ». Je dis non, si tu veux tuer ces gens
là, fait un procès verbal, chacun de nous va signer librement et prendre une
copie. Maintenant si tu veux tuer ces gens tu peux le faire. Nous n’avons pas les
pouvoirs de vous en empêcher.
Ensuite, le Commandant de la Compagnie de Gendarmerie, M. Ahmed Ould Youssouf
de la Commune de Tekane qui devait être décoré par les ONG des droits de
l’homme m’a aidé à envoyer ces gens en pleine nuit à Cheikh Oulb Beid pour les
mettre sous mandat de dépôt enfin de les surveiller et c’était tout un plan
pour éviter à ces gens innocents, la mort. »
Synthèse de Dialtabé
source: http://www.quotidien-nouakchott.com/isselmou-o-abdel-kader-
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